jeudi 18 juillet 2013

Billets-Hadopi : le début de la fin


Hadopi : le début de la fin 

Le gouvernement abroge la sanction qui consistait à couper l'accès à internet, premier pas vers la suppression de l'autorité de lutte contre le téléchargement illégal.

"Le présent décret abroge le III de l'article R. 335-5 du code de la propriété intellectuelle." Le gouvernement aura attendu moins de deux mois pour commencer à enterrer l'Hadopi, autorité de lutte contre le téléchargement illégal mise en place sous Nicolas Sarkozy. L'abrogation, ce mardi 9 juillet, de la décriée sanction de suspension de l'accès à internet pour téléchargement apparaît comme un premier pas vers la mort promise à l'Hadopi.
Malgré la fin de cette sanction pénale, le téléchargement illégal continue d'être puni par "une peine d'amende" allant jusqu'à 1.500 euros, après trois avertissements.

"Tout ça pour ça" ?
En trois ans d'activité, l'Hadopi affiche un bilan mitigé. Seul un internaute a été condamné à une suspension de son accès internet pour 15 jours (et à une amende de 600 euros). Deux autres Français ont été condamnés, le premier à 150 euros d'amende, le second reconnu coupable mais sans amende. On est loin des 50.000 coupures d'accès à internet par an, prévues par le ministère de la Justice en 2009.
Côté recommandations, deux millions d'e-mails d'avertissement ont été adressés au total, dont 186.000 en tant que seconde remontrance. Plusieurs dossiers sont encore en cours d'examen par les parquets - en octobre, l'Hadopi évoquait 18 dossiers.
12 millions d'euros annuels et 60 agents, c'est cher pour envoyer [à l'époque] un million d'e-mails", avait taclé la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, dans une interview au "Nouvel Obs".
La montagne a-t-elle accouchée d'une souris ? Que nenni, selon l'autorité. "Je sais déjà ce que vous allez dire : 'Tout ça pour ça'", répondait en septembre Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la Commission de protection des droits (bras armé de l'Hadopi). "Mais après une première recommandation par e-mail, 95% des gens arrêtent de télécharger", affirme-t-elle, se félicitant de "l'effet pédagogique".
Argument repris par Pierre Lescure qui ne veut "pas tout jeter avec l'eau du bain. La réponse graduée [qui prévoit l'envoi de trois courriers, NDLR] a eu des effets pédagogiques extrêmement efficaces." L'ancien patron de Canal+ plaide ainsi pour une préservation du système d'avertissement, mais sous le giron du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Des pistes que va suivre le gouvernement. Le ministère de la Culture annonce ce mardi que "la réponse graduée, sous sa forme aménagée résultant du nouveau décret [qui supprime la suspension de l'accès à internet], sera transférée au CSA et l'Hadopi sera supprimée".

La peur du gendarme inefficace ?
Dans un précédent bilan, l'Hadopi se gargarisait de ses "effets réels" sur le téléchargement illégal qui aurait enregistré une baisse de 17% à 66% en 2011. Seulement, si cette baisse est indéniable pour le téléchargement en peer-to-peer, ce n'est pas le cas pour le téléchargement direct (dit "DDL" ou "en un clic") ou le streaming. Deux techniques, proposées par des sites comme feu Megaupload, et qui ne sont pas surveillées par l'Hadopi. Au final, malgré la "peur du gendarme", le téléchargement illégal a surtout évolué.
Dans une récente étude publiée par l'Hadopi elle-même, l'autorité reconnaît que le streaming s'est imposé comme accès premier à la culture en ligne, détrônant le téléchargement classique. Dans un revirement post mortem, l'Hadopi a donc adopté une surprenante position : la légalisation du piratage. Elle propose ainsi de légaliser le téléchargement en échange d'une "compensation équitable et proportionnelle" pour les ayants droit. En somme, un retour de la licence globale défendue par le Parti socialiste en 2005, mais qui n'est aujourd'hui plus en ode de sainteté.
Avant la suppression définitive de l'Hadopi, la ministre de la Culture serait, selon "Libération" sur le point de lancer "une mission" sur "la faisabilité d'un changement de statut juridique" du téléchargement, peut-être en vue d'une licence globale. En attendant, Aurélie Filippetti a confié, mardi, une mission de réflexion à Mireille Imbert-Quaretta sur la "lutte contre le piratage", orientée "contre les sites qui tirent profit des contenus piratés [en] les monétisant sans rémunérer les créateurs".


Source nouvelobs.com

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