Assange, Snowden, Manning: qui sont ces trois justiciers 2.0?
L’affaire Edward Snowden rappelle le précédent
Wikileaks, une histoire d’espionnage et de transparence tout aussi
rocambolesque, avec comme personnages principaux Julian Assange et le soldat
Bradley Manning. Quels liens entretiennent-ils ? Quels sont leurs points
communs ? Comparons ces trois justiciers 2.0.
- Edward Snowden, le geek
Signe distinctif : des lunettes
de conseiller bancaire
Faits d’arme : Ancien consultant
pour la NSA, une branche du service de renseignement américain, Edward Snowden
a confié des informations et des documents top secrets au Guardian et au
Washington Post. Où on apprend que les États-Unis espionnent à peu près
tout le monde via la NSA : les citoyens américains et étrangers, l’Union
européenne, des ambassades occidentales. La liste des victimes de cette
surveillance active s’allonge tous les jours (dernière en date : le Brésil).
Retombées : Snowden est parvenu à
nuire grandement aux États-Unis, qui passent pour le Big Brother du XXIe
siècle, et, par conséquent, à Barack Obama, pourtant labellisé “président du
cool”. Sur la toile, les internautes s’amusent à détourner son slogan “yes we
can” en “yes we scan”. Pas sûr qu’il reste cool encore très longtemps. De son
côté, Snowden est devenu en quelques jours l’ennemi numéro 1 de la super
puissance mondiale, qui le recherche activement afin de le juger façon Bradley
Manning. Julian Assange, cofondateur de Wikileaks, l’a pris sous son
aile, (depuis l’ambassade de l’Équateur à Londres où il est réfugié).
C’est Wikileaks qui lui aurait affrété un avion financé grâce à des
dons pour s’envoler vers Moscou. Et c’est Assange qui a fait des pieds et des
mains pour que l’Islande lui ouvre grand ses portes. Reste à savoir dans quelle
mesure Julian Assange, qui a créé le Wikileaks Party pour se présenter au poste
de sénateur en Australie le 14 septembre mais était quelque peu retombé dans
l’ombre dernièrement, le manipule.
Motivations : Dans la fameuse
interview vidéo publiée le 10 juin sur le site du Guardian,
Snowden explique que sa “seule motivation est
d’informer le public sur ce qui est fait en leur nom et ce qui est fait contre
eux“. Et d’ajouter: “Je ne peux pas, en
connaissance de cause, permettre au gouvernement américain de détruire la vie
privée, la liberté d’Internet et les libertés de base des citoyens du monde
entier à travers ce massif dispositif de surveillance qu’ils ont secrètement
mis en place.” C’est beau.
Les pertes : une compagne
prénommée Lindsay Mills, âgée de 28 ans, et danseuse de pole dance, un gros
salaire, une vie de rêve à Hawaï et, accessoirement, sa liberté.
Pays visités (dans l’ordre) :
Hawaï, Hong-Kong, Russie
Résidence actuelle : un aéroport
à Moscou, mais plus pour longtemps puisque Snowden vient d’accepter la
proposition d’asile du Venezuela.
Ce qu’il a fait avant : Snowden,
qui n’a pas fini son lycée, s’est engagé dans l’armée en 2004 au moment de la
guerre en Irak afin de rejoindre les forces spéciales mais a échoué et a été
démobilisé seulement 4 mois après. Selon lui, la cause en serait un accident
d’entraînement au cours duquel il se serait cassé les deux jambes. Il aurait
ensuite rejoint la CIA avant de bosser pour un service de sous-traitants de la
NSA basé à HawaÏ.
Côte de popularité : 70%. Manque
encore un réel mouvement populaire pro-Snowden.
Degré de romanesque : 80%. On a
la petite amie danseuse, le décor hawaïen, la fuite en Asie, le soutien de
Poutine, et une bonne dose de mystère.
Qui pour jouer son rôle ? Justin Timberlake pour un biopic sous forme de
comédie musicale. Ou Benoit Poelvoorde, si Timberlake n’est pas dispo.
- Julian Assange, la rock star
Signe distinctif : sa couleur de
cheveux, plus ou moins blanche, et sa haute stature (il ferait plus d’1m90)
Faits d’arme : en 2006, le
trentenaire australien Julian Assange (dont on ne sait toujours pas grand
chose) lance avec d’autres personnes Wikileaks, une liste de diffusion privée
visant à dévoiler des documents top secrets, qui devient par la suite un site
Internet. Si la chronologie de Wikileaks est un poil difficile à tenir, le
tournant se situe en 2010. Cette année-là, le site diffuse la vidéo d’une
bavure de l’armée américaine à Badgad datant de 2007, avant de balancer 91 000
documents confidentiels sur la guerre en Afghanistan puis 400 000 autres sur la
guerre en Irak puis le “Cablegate”, soit des milliers de télégrammes
diplomatiques du département d’Etat américain. Le site et son cofondateur font
le buzz et la une des médias.
Retombées : Wikileaks devient l’ennemi numéro 1 des Etats-Unis. Pendant
ce temps, un scandale sexuel éclabousse Assange. En août 2010, deux Suédoises
contributrices de Wikileaks portent plainte contre lui pour “sexe par surprise”
(une expression suédoise qui englobe plusieurs types d’agressions sexuelles
dont le refus de mettre un préservatif). Assange est arrêté en décembre de la
même année à Londres à la suite d’un mandat d’arrêt européen lancé par la
Suède, et assigné à résidence. En juin 2012, il se réfugie à l’ambassade
d’Equateur, qui finit par lui accorder l’asile politique au mois d’août.
Motivations : la transparence. Mais peut-être aussi la
gloire puisque Assange est régulièrement taxé de mégalomanie.
Les pertes : sa liberté, une
bonne dose de crédibilité suite à l’affaire du “sexe par surprise” et tout un
tas de complications. Ses enfants ont, par exemple, reçu des menaces de mort et
sont obligés de se cacher, comme il l’expliquait à Rolling Stone en décembre 2012.
Ce qu’il a fait avant : Il a donc
eu deux enfants, a divorcé, est devenu hacker à l’adolescence, s’est fait
arrêté, et s’est fâché avec le numéro 2 de Wikileaks, l’allemand Daniel
Domescheit-Berg. Dans une interview aux Inrocks en 2011, Domscheit-Berg
explique que “quelque chose s’est passé à
partir de l’été 2010, quand Wikileaks s’est éloigné de sa mission première. La
priorité était devenue la promotion de l’organisation, et celle de Julian“.
On sait, aussi, que son père faisait partie d’une secte new-age et qu’Assange
s’est fait poète à ses heures perdues (Gawker a sélectionné quelques perles ici).
Pays visités : Australie, Suède,
Royaume-Uni
Résidence actuelle : une
ambassade
Côte de popularité : 50%. Assange
a ses adorateurs et ses haters (parmi lesquels nombre de femmes).
Degré de romanesque : 90%.
Sa mégalomanie, son air mystérieux, son charisme, ses cheveux blancs et sa
photo avec Lady Gaga en font un sacré personnage de roman (ou une rock
star, au choix)
Qui pour jouer son rôle ? Alexander Skarsgard, le très charismatique
Eric Northman de True Blood, qui mesure
1m94 selon sa fiche Wikipédia et qu’on verrait très bien avec des cheveux
blancs.
- Bradley Manning, le militaire
Signe distinctif : son béret
Faits d’arme : Le premier de classe Bradley Manning, analyste en renseignement en Irak et féru
d’informatique, est le “lanceur d’alertes” (“whistleblower” en anglais) de
Wikileaks. Il a transmis des milliers de documents confidentiels à Assange et
sa clique, ainsi que la fameuse vidéo de la bavure d’un hélicoptère américain
contre des civils irakiens, baptisée “Collateral Murder”.
Retombées : en 2010, Manning est
dénoncé par un autre hacker, Adrian Lamo, qu’il avait contacté après avoir lu
un portrait de lui sur le site Wired. Lors de leurs conversations par tchat,
Manning se vante d’être le “lanceur d’alertes” de Wikileaks et raconte comment
il a téléchargé des documents sur un CD de Lady Gaga histoire de passer
inaperçu. Dans une tribune publiée en janvier dernier sur le site du Guardian, Lamo explique que ce choix “était nécessaire” même s’il ne le qualifie pas
de “bon choix” mais de “moins pire“. Manning est arrêté en
Irak et transféré à la prison de Quantico (Virginie), où il croupit
depuis. Classé parmi les détenus à tendance suicidaire, il est confiné à
l’isolement 23 heures sur 24, privé de draps et d’effets personnels (dont son caleçon…)
et n’a pas accès à la télévision.
Motivations : d’après le site
américain Gawker – qui s’est tapé la déclaration-fleuve (10 000 mots) de
Manning – le militaire explique qu’il souhaitait rendre publique les
informations auxquelles il avait accès. En procurant des milliers de documents
à Wikileaks, Manning espérait “déclencher un
débat sur le rôle de la politique militaire et étrangère en général”.
D’après le New York Magazine, repris par le site Salon,
Manning aurait expliqué que son incapacité à supporter les horreurs de la
guerre était à l’origine de sa collaboration avec Wikileaks: “J’étais activement impliqué dans quelque chose auquel
je m’opposais totalement”. Précisons, aussi, que Manning est réputé pour
être solitaire, mal dans sa peau, et pour avoir eu du mal à assumer son
homosexualité, à cause de moqueries mais aussi de la loi “Don’t Ask Don’t Tell”
– abrogée depuis 2010- qui obligeait les militaires gays à taire leur
orientation sexuelle.
Les pertes : Manning a de loin la
pire situation des trois puisqu’il est emprisonné et risque la prison à vie
avec 22 chefs d’accusation.
Pays visités : Irak, Etats-Unis
Résidence actuelle : une cellule
Ce qu’il a fait avant : selon le New York Times qui a interrogé ses amis et
des anciens camarades de classe, Manning a souffert de moqueries dues à son
homosexualité et à son côté “intello” et du divorce de ses parents à la suite
duquel il s’est installé avec sa mère aux Pays de Galles. Manning avait aussi
des accès de colère en classe. En 2007, il s’engage comme analyste dans l’armée
et c’est le début de la spirale.
Côte de popularité : 98%. Comme
nous l’expliquions ici,
les internautes se sont largement mobilisés en faveur de Snowden. En juin
dernier est lancé le Tumblr “I am Bradley Manning” sur lequel les internautes
postent des photos d’eux munis d’une pancarte “I am Bradley Manning”. Le Tumblr
repose aussi sur une vidéo dans laquelle des célébrités (Russell Brand, Maggie
Gyllenhaal, Oliver Stone, Moby, Angela Davis, Peter Sarsgaard…) prennent la
parole à tour de rôle pour expliquer pourquoi il faut soutenir
Manning.
Degré de romanesque : 20%. Bradley Manning n’a pas été en cavale,
s’est moins exprimé dans les médias que Snowden et Assange et a fini très
rapidement en prison, ce qui a coupé court à toute saga façon Snowden. Mais
derrière son arrestation se dessine une sombre histoire de dénonciation qui
semble être née dans l’esprit d’un John Le Carré.
Qui pour jouer son rôle ? Matt Damon, abonné aux films d’espionnage et
de CIA (on pense surtout à la trilogie de Jason Bourne), s’il perdait quelques
kilos.
Source lesinrocks.com
Manning et Snowden, deux héros qu'il convient de hisser au rang de martyrs qu'il faudra à jamais garder dans nos mémoires comme de véritables défenseurs de l'humanité. Grâce à eux nous savons maintenant que l'état américain est un des pires état liberticide au monde.
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