Le lumbago chez l’enfant
Cet adage médical justifie
un bilan diagnostique rigoureux pour éliminer une lésion osseuse en cas de
douleur lombaire avant la fin de la croissance ! Alors, si votre petit athlète
a mal en bas du dos, consultez votre médecin et lisez cet article !
Par le docteur Stéphane Cascua, médecin du sport.
La
colonne est constituée d’un empilement de vertèbres séparées d’un petit
amortisseur, le disque. Chacun de ces blocs se prolonge d’un arc osseux pourvu
de deux petites articulations qui guident le mouvement à la manière de spatules
de ski. Ce sont ces structures qui risquent de se fissurer chez l’enfant.
Illustration : Mathieu PINET
- Colonne de jeune bipède sportif en danger !
Chez
l’enfant, le disque intervertébral est souple. Il résiste aisément aux
contraintes de compression ou d’inclinaison. Les hernies discales sont
exceptionnelles. En revanche, l’os en croissance est fragile. Quand la colonne
vertébrale se cambre, les arcs postérieurs s’impactent. Ils sont pris en
tenaille. Les chocs finissent par les fissurer. Il se constitue une véritable
fracture de fatigue. En langage médical, on parle de « spondylolyse ». Le plus
souvent, elle se localise sur la dernière vertèbre, la 5e lombaire. Cette
lésion est inhérente à la verticalisation et au dos creux. Elle n’existe ni
chez les quadrupèdes, ni chez les humains handicapés n’ayant jamais marché. On
la retrouve chez 3 à 6 % des enfants… et dans les mêmes proportions chez les adultes
sédentaires. Ces chiffres confirment tout simplement que cette lésion se
constitue obligatoirement avant la fin de la croissance ! Elle touche 20 % des
sportifs de haut niveau. Plus la discipline impose de cambrer le bas du dos,
plus ce ratio augmente. Ainsi, 60 à 70 % des gymnastes et des pratiquants du
plongeon en sont victimes. Parfois, la fracture se produit aussi sur les
vertèbres sus-jacentes, 4e voire 3e lombaire. C’est notamment le cas chez les
professionnels du cirque et autres contorsionnistes.
Illustration : Mathieu PINET
- Fréquent mais néfaste !
Cette
lésion est fréquente chez l’adulte. Pourtant il faut la traiter dès l’enfance !
En effet, la fracture sépare les petites articulations situées sur l’arc
postérieur et le gros bloc osseux antérieur appelé « corps vertébral ». Du fait
de la cambrure, ce dernier risque de glisser vers l’avant. On parle de «
spondylolisthésis ». Dans 85 % des cas, le décalage entre les 2 vertèbres est
stable et modéré, inférieur à 1/3 de la longueur du disque intervertébral.
Souvent, il ne fait pas mal. Lorsque la vertèbre cassée est plus étroite en
arrière qu’en avant, si celle située en-dessous est très inclinée ou en forme
de toboggan, l’aggravation est probable. Exceptionnellement, il arrive que la
vertèbre du haut passe complètement en avant de sa voisine du bas et tombe en
avant du bassin ! C’est la « spondyloptose ». À tous les stades, des douleurs
peuvent survenir au fil des ans. En effet, le disque est soumis à des
contraintes de cisaillement alors qu’il est conçu pour assumer une compression.
Ses anneaux fibreux se déchirent, le liquide gélatineux contenu au milieu peut
même sortir et former une hernie discale. Parfois, un gros noyau fibreux et
distendu s’est formé en remplacement du cal osseux. C’est le « nodule de GILL
». Il arrive que ce dernier soit irrité par la répétition des impactions lors
des hyperextensions de la colonne. Plus ennuyeux, il peut toucher, voire
emprisonner, le nerf sciatique qui sort du canal vertébral juste à cet endroit.
Cette fois, les douleurs lombaires irradient dans la jambe !
Illustration : Mathieu PINET
- Profitez de la fracture !
Chez
l’adulte, plusieurs années après la constitution de la fracture, il ne subsiste
aucun potentiel de consolidation. En revanche, chez l’enfant, au cours des
semaines qui suivent la survenue des douleurs, la spondylolyse peut
cicatriser. D’où l’importance de ne pas rater le diagnostic ! Voilà pourquoi «
tout lumbago de l’enfant est une fracture de fatigue… jusqu’à preuve du
contraire ». En pratique, devant de tels symptômes, votre médecin du sport
prescrit une radiographie. Si une fracture est visible, il est indispensable de
savoir si elle est récente. Pour cela, il est nécessaire de réaliser une I.R.M.
ou une scintigraphie. Le premier examen montre une inflammation et un œdème
autour de la zone nouvellement cassée. Le second consiste à injecter dans le
sang une substance qui se fixe sur l’os qui travaille. Tant que le tissu osseux
tente encore de réparer la fissure, le produit se concentre dans les arcs
vertébraux. Une caméra détecte cette hyperactivité. Dans ces circonstances, une
immobilisation mérite d’être tentée !
- Un traitement contraignant, pas toujours efficace… mais indispensable !
Si la
fracture est récente, si elle peut encore consolider, un corset s’impose. Il
est réalisé sur mesure et bloque l’extension du dos. Il est dit en « délordose
». Classiquement, il est à conserver toute la journée pendant 3 mois. La nuit,
il est théoriquement inutile car, souvenez-vous, il s’agit d’une blessure
provoquée par le redressement et la verticalité. Certains médecins tentent de
limiter à 6 semaines l’immobilisation ; d’autres la prolongent jusqu’à 4 ou 6
mois en fonction des résultats. Pendant toute cette période, une rééducation
visant à réduire la cambrure est conseillée. Le vélo, en vous plaçant
légèrement penché en avant, permet de garder la forme pendant les semaines
d’immobilisation. La natation est contre-indiquée. Malgré son image favorable,
elle creuse le bas de la colonne. Au retrait du corset, les études mettent en
évidence 60 à 80 % de consolidation. Dans le cas contraire, même si le cal
osseux ne s’est pas formé, les douleurs se sont souvent apaisées.
- Prévention pour toujours !
Consolidation
ou non, glissement ou non, douleur ou non, la prévention est définitivement
indispensable ! La rééducation doit se poursuivre pour limiter le dos creux et
automatiser cette nouvelle posture. Il faut assouplir les muscles situés à
l’arrière de la colonne et des cuisses. Il est opportun de renforcer les
abdominaux et surtout d’optimiser leur coordination afin qu’ils ne se laissent
pas distendre. Le travail de gainage regroupe les exercices emblématiques. Il
est effectué d’abord sur des appuis stables puis en utilisant des coussins et
des ballons. Il ne faut pas hésiter à modifier le geste sportif afin de limiter
la cambrure du dos. Exemple : un tennisman doit apprendre à armer son service
en privilégiant la rotation de son bras et la flexion de ses genoux. Le pli
souvent, ces mesures parviennent à apaiser les souffrances du sportif. Certains
médecins proposent d’infiltrer le nodule de cicatrisation resté inflammé.
Parfois, une opération est envisagée. Habituellement, le chirurgien prélève un
bout d’os dans le bassin. Il l’insère à la place du nodule de cicatrisation mou
et inefficace puis le visse en comprimant l’ensemble. Là encore, une
immobilisation par corset s’impose pendant 3 mois.
Source SantéSportMag
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