jeudi 30 mai 2019

Infos santé : Sport et Santé-Chaussures de course minimalistes



Chaussures de course minimalistes

Des chaussures de course toutes fines et toutes souples envahissent les rayons. Tout le monde en parle… De quoi s’agit-il exactement ? Est-ce une mode ou un vrai concept ? Est-ce bénéfique ou dangereux ? Faut-il adhérer ? Comment l’utiliser ?

Par Stéphane CASCUA, médecin du sport et Philippe HERISSON, kinésithérapeute du sport.

Dans les années 1970, les trottoirs américains accueillent de nouveaux humanoïdes : les joggers ! Afin que leurs bonnes résolutions « santé » ne se brisent pas sur le macadam, l’urgence scientifique semble d’adapter la chaussure. Dans les rues des grandes villes, le revêtement dur est conçu pour marcher, pas pour courir ! La semelle amortissante s’impose ! La surenchère technologique et marketing est de mise : caoutchouc, mousses, alvéoles, petites bulles et grosses bulles. Sommes-nous allés trop loin ?

  • Intelligent comme ses pieds !
Les pieds mais aussi les membres inférieurs et la colonne vertébrale sont pourvus de mécanismes d’amortissement sophistiqués et efficaces. À l’impact, la voûte plantaire s’étale, les articulations se fléchissent. Les membranes fibreuses et les tendons sont mis en tension. Les petits muscles des pieds ou ceux, plus puissants, des jambes freinent et contrôlent le mouvement. Ces tissus accumulent l’énergie élastique ; elle sera restituée lors de la propulsion. Si Homo Ergaster, il y a 2 millions d’années, ne courait pas sur le macadam, il ne courait pas non plus avec des semelles amortissantes ! Blaise DUBOIS réalise une belle synthèse bibliographique. Il en ressort que ces chaussures sophistiquées n’ont pas démontré leur efficacité préventive sur les blessures. Au contraire, des modèles moins chers et moins épais semblent plus protecteurs. Depuis fort longtemps, l’enseignement traditionnel de podologie du sport met l’accent sur l’ambivalence de l’amorti. Par sa mollesse, il augmente le roulis du chaussage et aggrave les pathologies d’instabilité. Par son épaisseur, il se contente d’accroître la distance de freinage mais n’absorbe pas l’énergie de l’impact. Il ne fait qu’étaler le pic de pression. En physique, on dirait que la puissance du choc est diminuée mais que le travail reste identique. De fait, une semelle amortissante augmente le temps de contact et ralentit la course. Elle peut perturber le fonctionnement des mécanismes fins coordonnant le freinage. L’intervention asynchrone de l’appareil locomoteur pourrait favoriser les souffrances articulaires et tendineuses. La surépaisseur en arrière de la chaussure donne une impression inappropriée de confort. Elle favorise l’attaque du talon aux dépens d’un déroulé du pas plus harmonieux. Les contraintes mécaniques en réception sont, en réalité, majorées. Dans ces conditions chaque prise de contact avec le sol repousse le coureur vers l’arrière et le rendement est sérieusement altéré. Depuis pas mal d’années, les professionnels proposent de trottiner pieds nus quelques minutes par semaine. La plage voisine ou le gazon du terrain de foot entouré de la piste en tartan étaient les bienvenus. Nous suggérions aussi d’utiliser des chaussures de compétition de temps à autre à l’entraînement ! Les prémices du minimalisme ?

  • Chaussures minimalistes : structure et fonction
La structure de la chaussure minimaliste s’oppose sur bien des points à celle des runnings traditionnelles. Elle tente de restaurer la fonction naturelle du pied tout en le protégeant. En ce sens, elle est plus efficace que les peaux lacées de nos ancêtres. La semelle est constituée d’une mousse fine donc beaucoup moins amortissante. L’ensemble de vos articulations s’emploie à freiner l’impact. L’énergie élastique s’accumule dans vos muscles et vos tendons. Le talon de la chaussure minimaliste n’est pas plus haut que l’avant de la semelle. De façon quasi-spontanée, vous jetez moins la jambe en avant, votre talon ne vient plus frapper le sol en avant de votre centre de gravité, votre pied prend contact plus horizontalement. Votre voûte plantaire claque moins, se déroule plus harmonieusement et souplement. Votre foulée est moins ample mais gagne en fréquence et devient plus rentable. Cette semelle fine et souple vous permet de mieux sentir le sol. Les petits os de vos pieds se mobilisent plus aisément pour encaisser la réception et épouser les irrégularités du terrain. Le contrefort est beaucoup plus souple. L’os de votre talon retrouve son mouvement naturel. Conformément à sa fonction anatomique, il bouge dans les 3 dimensions, on dit qu’il « roule, tangue et vire » sous l’astragale, l’os de la cheville. Liberté du pied et du talon, voilà qui réduit les contraintes en torsion sur vos chevilles. Sans oublier qu’un talon plus bas limite le bras de levier, responsable des instabilités. Ainsi, les chaussures minimalistes pourraient contribuer à réduire le risque d’entorse.

  • Utilisation prudente et progressive
Remettre en fonction toutes ses structures anatomiques restées quiescentes dans vos runnings devrait se révéler bénéfique mais particulièrement sollicitant. La prudence s’impose afin que cette sollicitation ne tourne pas à l’agression tissulaire et à la lésion. L’absence de surélévation du talon tire plus qu’à l’accoutumée sur votre mollet et la tendinite d’Achille guette. L’extension des orteils est plus marquée. Les baguettes osseuses de l’avant pied assument plus de contraintes en torsion. La fracture de fatigue menace. Les chaussures minimalistes constituent plus un « exercice d’athlétisme » qu’un mode d’entraînement. Il est d’usage de proposer de trottiner 1 à 2 minutes avec cet équipement novateur, début ou fin de séance. Il est possible d’ajouter 1 à 2 minutes supplémentaires à chaque sortie sans dépasser 1 heure. N’hésitez pas à demander des conseils personnalisés à votre kinésithérapeute, votre podologue ou votre médecin du sport. Ils connaissent vos particularités morphologiques et vos antécédents de blessures. Quelques coureurs d’exception vont jusqu’à 20 km avec des chaussures minimalistes… comme d’autres ont fait le marathon pieds nus. Mais évitons le fanatisme ! Après adaptation, leur utilisation classique reste les footings de régénération, l’échauffement ou le retour au calme. Les données scientifiques et le recul expérimental manquent encore un peu au-delà. En compétition, lors des entraînements prolongés, la fatigue altère les capacités frénatrices des muscles et la coordination. Amorti et stabilité redeviennent indispensables pour ménager les os, le cartilage, les ligaments et les tendons. La chaussure de running traditionnelle retrouve sa totale justification et reprend toute sa place !

  • Porteurs de semelles correctrices !
Si vous portez des semelles correctrices dans vos chaussures de jogging, votre médecin et votre podologue ont diagnostiqué une altération de la statique de votre pied ou un trouble dynamique de votre foulée. Parfois, ils cherchent à compenser une usure ou une blessure plus haut située dans la jambe ou la colonne. L’avis de ces 2 professionnels est obligatoire avant de tester les chaussures minimalistes. Il est probable qu’ils vous recommandent de conserver votre correction plantaire afin de soutenir votre pied aux endroits les plus fragiles. Afin de renforcer ces mêmes points faibles, le minimalisme n’est pas exclu… à dose homéopathique. Par exemple, un pied plat, pronateur, s’écrasant sur son arche interne se sent mieux avec un bon soutien de voûte. À l’inverse, une chaussure minimaliste peut être considérée comme un exercice de « rééducation ». Ce chaussage améliore la force, l’endurance et la coordination du muscle jambier postérieur qui soutient le sommet de l’arche. Le pied devient moins pronateur ! Le minimalisme permet de réaliser quelques « séries de musculation » bien utiles mais l’excès mènerait rapidement à la lésion de ce tendon perpétuellement étiré par l’effondrement de la voûte.


Source SantéSportMag

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