L’État creuse, la France inquiète
Et pendant que tout ce
que compte la planète de politiciens importants se remet doucement d’une perte
qui aura eu le mérite d’occuper l’espace médiatique pendant plusieurs jours,
l’État français continue son petit bonhomme de chemin avec une alacrité surprenante
pour un corps atteint d’obésité morbide. Il faut dire que la pente, assez
raide, l’aide bien. Reste à savoir si son inertie, de plus en plus importante,
l’autorisera à éviter le mur en bas de la descente.
Pour le moment, les
effets d’annonces se multiplient, probablement pour calmer les inquiétudes qui
apparaissent un peu partout concernant les finances françaises. Officiellement,
donc, le gouvernement travaille d’arrache-pied pour diminuer les dépenses publiques.
Des petits milliards grattés ici, des gros milliards économisés là, et
rapidement, on parle de gros sous ! Chouette, la France avait justement besoin
d’un peu de nettoyage dans les arrosages
parfois compulsifs, irréfléchis et contre-productifs d’argent des autres.
Et c’est donc avec une certaine fanfare médiatique qu’un Ministre, Jean-Marc
Ayrault — certains chuchotent qu’il serait même le Premier — annonce 50
milliards d’euros d’économies supplémentaires sur les dépenses. Fouyaya, voilà
qui représente un vrai effort. Oups, j’allais oublier : ce sont des économies
qui s’étalent jusqu’en 2017, ce qui fait quatre années pleines, et donc 12.5
milliards d’économies par an, ce qui est nettement plus modeste.
En attendant que ces
(modestes mais) bonnes résolutions soient gentiment mises en place, dans la
pondération et le calme réfléchi inhérents à tous les changements profonds
surtout lorsqu’il s’agit de dépenser moins, quelques petites coupes
volontairement douloureuses et visibles ont été imposées (comme, par exemple,
les restrictions de carburant de certaines gendarmeries) ; si la ficelle est
évidemment énorme, c’est politiquement habile puisque cela permet d’attendrir
le contribuable en lui faisant mouiller ses petits yeux sur d’hypothétiques
catastrophes en devenir : on préfèrera donc couper les dépenses de papeterie,
de carburant, de munitions, d’heures supplémentaires de profs ou d’infirmières
avant de diminuer les indemnités des parlementaires, tailler dans les
privilèges des hauts fonctionnaires ou des hauts gradés, nettement moins
nombreux, mais foutrement plus coûteux que la dotation diesel de la gendarmerie
de Champignac.
Seulement, ces
artifices lacrymogènes écartés, on ne peut s’empêcher de noter que
parallèlement, et bien malgré ces micro-coupures budgétaires, … les
dépenses de l’État continuent d’augmenter. Oui, vous avez bien lu, vous ne
rêvez pas, et contrairement à ce que la fine équipe de clowns à roulettes
claironne d’un bout à l’autre du paysage audiovisuel français, la situation ne
s’améliore en rien. En substance, après avoir pilonné les Français sous les
taxes et les ponctions à hauteur de 20 milliards d’euros supplémentaires, les
rentrées fiscales ont permis d’éviter un dérapage massif des finances
publiques, puisque le déficit budgétaire (à 86 milliards d’euros) est inférieur
à celui de l’année dernière à même époque (94.6 milliards), mais reste
malheureusement zut et crotte supérieur de 14 milliards à ce qu’il aurait dû
être si le socialisme triomphant avait déboulé comme prévu.
Apparemment, il avait
(encore une fois) piscine et on se retrouve avec le merdouillage
social-démocrate habituel constitué d’une forte dose d’impôts, d’une grosse
louche de prélèvements, d’une bonne rasade de taxations, d’un nappage de
chômage, de deux cuillerées à soupe d’amateurisme, d’une pincée de n’importe
quoi, enfourné un peu trop longtemps et démoulé trop chaud ce qui assure à
cette pâtisserie fiscale un solide statut d’étouffe-chrétien que tous les
Français vont devoir avaler en 2014, bouchée après bouchée.
Cazeneuve, dit Bernie
« Bercy », avait pourtant tout fait pour que passe inaperçue
l’augmentation des dépenses de plus de 5 milliards d’euros en un an. Mais voilà
: le chômage continue de fricoter avec les sommets (pendant que Montebourg fait
l’andouille sur Twitter, la
France a détruit 15.600 emplois au troisième trimestre), et la croissance
refuse de revenir. L’idée générale qu’un cycle favorable s’installe à nouveau
pour doper les idioties économiques de Hollande apparaît comme un rêve de plus
en plus improbable. Mais surtout, la machinerie étatique continue grand train :
même sans revenir sur les primes qu’attribuent les ministres aux cabinets et
autres fonctionnaires travaillant sous leur férule, et sans vouloir m’attarder
plus que ça sur le scandale lamentable de l’annulation
de la dette de l’Humanité, torchon communiste en déshérence de lectorat, de
rédaction mais manifestement pas de lobbyistes — ce qui fait toujours 4
millions d’euros partis en fumées collectivistes inutiles au frais du
contribuable — on ne peut s’empêcher de voir que les petits fours sont gobés
comme jamais, que ce soit littéralement alors que les fêtes approchent et que
les municipalités, les conseils généraux, régionaux, ambassades ou autres
institutions publiques vont ouvrir en grand le robinet à pognon public, ou plus
symboliquement, avec les opérations récentes en Centrafrique.
En effet, comme le
note avec justesse Alex Korbel dans une interview à Voice Of Russia, pour le
ministre de la défense, la mission française en Centrafrique devrait durer 6
mois. Or, si l’on se rappelle que les mêmes prévisions ont été faites lorsque
la France a commencé son engagement au Mali, et si l’on retient qu’onze mois
plus tard, elle y est encore présente avec un millier d’hommes, tout porte à
croire que cette opération centrafricaine, qui nous coûte une blinde chaque
jour qui passe et dont on peine franchement à voir l’utilité, va plus que
probablement durer elle aussi bien plus de six mois…
On pourrait s’étendre
sur les autres dépenses somptuaires plus ou moins débiles de l’État, comme le
fait de déplacer un sacré paquet de monde pour une cérémonie officielle dans
plusieurs avions, histoire sans doute de ne pas user Air Farce One, mais ce n’est
même pas la peine : tout le monde voit que l’État est en déficit chronique,
qu’il creuse même de plus en plus vite, mais qu’il montre aussi des signes de
frénésie dans les dépenses qui ne s’accordent absolument pas avec l’idée qu’on
pourrait se faire de l’austérité, de la bonne gestion, ou même d’une économie
quelconque de moyens. Le fait que ces dépenses continuent obstinément
d’augmenter n’est pas sans rappeler la situation d’un autre pays, la Grèce, qui
avait prétendu faire de l’austérité et qui n’avait en réalité rien fait dans ce
sens.
Le souci, c’est que
ces comportements finissent par provoquer de l’inquiétude.
L’État français
inquiète ceux qui ont les yeux rivés sur les indicateurs économiques et
financiers, par exemple. Ainsi, un stratégiste d’Axa Investment Managers note
que les réformes structurelles dont la France a besoin sont très loin d’avoir
été faites, ce qui se traduit par des baisses de compétitivité, une balance
commerciale très déficitaire, une baisse des marges des entreprises et un
accroissement de la viscosité du marché du travail. En outre, il déplore la
faible crédibilité budgétaire de l’État qui continue à se planter
vigoureusement, et ne montre aucun signe d’amélioration significative. Pire, à
ce rythme, une nouvelle dégradation de la note souveraine n’est pas à écarter.
Et l’État inquiète ses
voisins ; la récente affaire opposant les Suisses à l’administration fiscale
française, qui tente actuellement de réimposer les travailleurs frontaliers
normalement sujets à l’imposition suisse, illustre assez bien les tensions qui
s’installent alors que les finances françaises montrent de plus en plus de
signes de déplétion totale. Au détour d’un petit
article de la RTS, on apprend par exemple qu’un élu suisse s’interroge
franchement sur les problèmes de l’État français à lever l’impôt :
« Je
me suis demandé après cette lettre si la France a des problèmes budgétaires,
pour lever l’impôt », ironise le conseiller d’État sans cacher ses
sérieuses inquiétudes.
L’année 2013 s’achève
dans quelques semaines qui doivent paraître bien longues pour certaines
administration françaises en mal de fonds. Certes, du point de vue du président
qui n’aime pas les riches, c’est une réussite : des riches, il y en a de moins
en moins. Mais l’inquiétude qui se lit ici ou là, concernant l’aptitude de
l’État à boucler ses fins de mois, n’arrête pas de croître. Comme absolument
rien n’est fait pour diminuer les dépenses, et que les rentrées sont de plus en
plus médiocres, que peut bien nous réserver 2014 ?
À mon avis, ce pays
est foutu.
Source contrepoints.org
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