vendredi 13 décembre 2013

Billets-Entretien avec Glenn Greenwald


Entretien avec Glenn Greenwald

Glenn Greenwald : “Je suis assis sur une montagne de documents, chacun d’entre eux est digne d’intérêt.”
Le journaliste qui fait trembler les Etats-Unis détient les documents qu'Edward Snowden a emportés en quittant la NSA. Il a accepté de nous parler.

Depuis cinq mois, perché sur les hauteurs de Rio de Janeiro, Glenn Greenwald, 46 ans, publie chaque jour sa dose de révélations sulfureuses. L'ancien avocat, ex-blogueur reconverti dans le journalisme de combat au Guardian, est devenu une superstar médiatique. Nourri par Edward Snowden, un ancien analyste de la National Security Agency, il révèle au monde entier l'ampleur de la surveillance à laquelle se livre la plus secrète des agences de renseignement américaines.
Les grands journaux (Le Monde, Der Spiegel, El País, The New York Times…) exploitent sans relâche ses documents ; l'Etat américain, lui, aimerait bien remettre la main dessus.
En tongs et short de bain au bar d'un grand hôtel de São Conrado, un quartier chic de sa ville d'adoption, le journaliste explique pourquoi et comment il est devenu l'aiguillon du scandale, en même temps que sa caisse de résonance. Entre deux calamars frits et un cabernet sauvignon commandés dans un portugais impeccable, il nous raconte les coulisses du plus gros scoop de l'année… et comment il a failli passer à côté.
Hyperactif, volubile, volontiers vitupérant, Glenn Greenwald égratigne les dérives sécuritaires des Etats-Unis en même temps que les « pratiques toxiques » d'une presse qu'il voudrait dynamiter, et révolutionner. Mis au ban de son propre pays, il refuse d'abdiquer. Après plusieurs semaines de pourparlers, l'ennemi numéro un et demi de l'administration Obama a accepté de nous rencontrer.

  • Est-ce que vous avez peur ?
J’ai conscience des risques, y compris physiques : je suis en possession de milliers de documents secrets, qui dérangent la moitié des agences de renseignement de la planète. Comme il s’agit de la plus grosse fuite de l’histoire de l’espionnage américain, le gouvernement a l’impression d’avoir perdu tout contrôle, d’avoir été attaqué dans sa légitimité, et la pression est immense pour qu’une tête soit placée sur une pique.
Puisque Edward Snowden est réfugié en Russie, je suis le deuxième sur la liste [dans une récente interview au Washington Post, Eric Holder, le secrétaire à la Justice américain, a réfuté toute velléité de l’administration de poursuivre Greenwald].

  • Les autorités américaines essaient-elles de vous intimider ?
Et bien, la police britannique a interpellé mon compagnon à l’aéroport d’Heathrow, l’a gardé enfermé pendant neuf heures au nom d’une loi antiterroriste, en le menaçant de poursuites. Le jour suivant, le gouvernement américain a indiqué anonymement dans une dépêche de Reuters qu’il s’agissait « d’envoyer un message ». N’est ce pas de l’intimidation ?
Les autorités américaines essaient de faire passer du journalisme pour de l’espionnage en tordant la réalité : Keith Alexander, général 4 étoiles qui dirige la NSA, a même déclaré que nous « vendions ces documents », un crime passible de la prison à perpétuité.

  • Vous pensez pouvoir retourner aux Etats-Unis ?
La situation est ironique : j’ai déménagé au Brésil il y a huit ans parce que la loi américaine empêchait mon compagnon [brésilien, ndlr] de vivre aux Etats-Unis, et maintenant, c’est à mon tour de ne plus pouvoir y retourner. Mais je refuse d’être excommunié pour avoir simplement pratiqué mon métier de journaliste.
Heureusement, le Brésil est extrêmement bienveillant à mon égard. Le gouvernement de Dilma Roussef a publiquement affirmé qu’il me défendrait face au gouvernement américain, et le Sénat, qui m’a auditionné, a voté en faveur d’une protection policière à mon domicile. Dans la rue, les gens m’apostrophent et me remercient, notamment depuis que je suis apparu dans Fantastico, l’émission-phare de Globo.


  • Quelles sont les conséquences concrètes de ces pressions dans votre vie quotidienne ?
Je sais que je suis constamment sous surveillance électronique. Je ne parle jamais de sujets sensibles au téléphone, et j’utilise uniquement des formes sophistiquées de chiffrement. Certains amis ne veulent plus m’envoyer d’e-mails, les gens qui me rendent visite se demandent s’ils doivent emmener un ordinateur, et quand ils le font, ils effacent l’intégralité de leur disque dur avant de repartir, au cas où leur matériel serait saisi.
Récemment, j’ai participé à un tournoi de tennis, et tout le monde blaguait en disant qu’il ne fallait pas jouer en double avec moi. Même si c’était de l’humour, cela prouve à quel point la peur d’être associé à moi infiltre les esprits.

  • Parfois, vous aspirez à un retour au calme ?
J’aimerais bien retrouver une routine (rires). Je continue d’espérer que ma vie revienne à la normale. A chaque fois que j’ai l’impression de voir le bout du tunnel, l’horizon s’obscurcit de nouveau. Je vis avec, parce que je pense que la normalité n’est pas une valeur cardinale, mais en tant qu’être humain, c’est difficile de conserver un équilibre, même précaire.
J’essaie de m’assurer que ma santé physique et mentale sont intactes, de me convaincre que je suis entouré, de trouver d’autres centres d’intérêt pour me motiver. Je ne dors jamais plus de quatre à cinq heures par nuit, ce qui n’est pas sain. J’essaie de m’imposer un peu d’exercice, j’ai repris le yoga, je m’occupe de mes chiens, je passe du temps avec mon compagnon, nous essayons parfois de partir en week-end…

  • Vous pensez que nous sommes surveillés à cet instant précis ?
Je croise toujours des individus louches. Parfois, ils sont juste bizarres, à d’autres moments ils sont sans doute en train de me surveiller. Quand vous êtes dans ma situation, vous devez faire le choix de ne pas céder à la paranoïa. C’est contraignant de ne pas pouvoir mener une conversation librement, mais je ne peux rien y faire. Quand je suis dans ma voiture, dans ma maison, je sais qu’il y a une forte probabilité que mon intimité n’existe pas.

  • Pourquoi Edward Snowden vous a-t-il choisi ? Comment votre collaboration s’est-elle mise en place ?
En décembre 2012, il m’a envoyé un e-mail aux contours très vagues. Il me demandait simplement d’installer ce logiciel de chiffrement pour pouvoir communiquer de manière confidentielle. Je lui ai répondu que j’allais le faire, sans donner suite. Vous savez, il y a un Edward Snowden sur un million de personnes. 99% du temps, on me contacte pour me proposer des histoires inintéressantes, et je n’ai pas pensé qu’il en valait la peine. Il était extrêmement discret, et rétrospectivement, c’est l’adjectif qui le décrit le mieux.
Mais il a persévéré. Il m’a envoyé un guide qui détaillait étape par étape le processus d’installation, puis une vidéo explicative, qui m’expliquait clic par clic ce que je devais faire. Comme je ne réagissais toujours pas, il a commencé à se sentir frustré. Je le comprends. Comment confier à un type les documents les plus explosifs de l’histoire de la NSA s’il n’est même pas capable d’installer un logiciel pour les récupérer ? A ce moment, il a contacté Laura Poitras [une réalisatrice de documentaires basée à Berlin et spécialisée dans ces questions, ndlr], qui lui a conseillé de travailler avec… moi.
Après avoir passé dix ans dans les prétoires à défendre les libertés civiles, j’avais commencé à m’intéresser au virage radical de la politique américaine après le 11-Septembre, en ouvrant un blog, Unclaimed Territory, en octobre 2005. Snowden cherchait quelqu’un d’agressif, connaissant ces dossiers, qui ne se laisserait pas intimider par les pressions. Il avait très peur d’aller voir le New York Times ou le Washington Post, en risquant sa liberté, en mettant sa vie en jeu, pour que l’histoire soit finalement enterrée sous la pression du gouvernement, comme c’est souvent arrivé ces dernières années. Il voulait s’assurer que tous les documents seraient publiés.


  • Vous avez donc fini par installer ce fameux logiciel…
Laura m’a aidé à me mettre à niveau technologiquement, et j’ai pu parler à Snowden vers la mi-mai. Il était déjà à Hongkong, ce qui nous a beaucoup intrigués. Il insistait pour que nous le rejoignions là-bas, et il m’a envoyé deux douzaines de documents, impressionnants. Le lendemain, je sautais dans un avion pour New York afin de rencontrer les rédacteurs en chef du Guardian, et dans la foulée, je partais à Hongkong.

  • Quel regard portez-vous sur la réaction du public ?
Au tout début de notre collaboration, Snowden m’a confié qu’il avait peur de l’indifférence générale. Or, cette affaire est allée bien au-delà de nos attentes, elle a ouvert de multiples brèches, politiquement, diplomatiquement. La réaction des gouvernements le prouve, ces révélations ont été prises très au sérieux.
Contrairement à ce qu’on entend de plus en plus, les citoyens ont redécouvert la notion de vie privée, même ceux qui claironnent qu’ils n’ont rien à cacher. Ils protègent leurs comptes sur des réseaux sociaux avec des mots de passe, ils mettent des serrures sur leurs portes, et réagissent quand ils s’aperçoivent que leurs moindres faits et gestes peuvent être surveillés.
Il y a six mois, 5% des e-mails que je reçois étaient accompagnés d’une clé PGP. Aujourd’hui, 60% d’entre eux sont chiffrés ; de plus en plus de médias, comme Forbes ou le New Yorker, déploient des plateformes sécurisées ; les consciences se réveillent et je pense que de nouveaux outils vont apparaître, afin de rendre à tout un chacun la possibilité de communiquer en privé sans que l’Etat n’interfère.

  • Vous reste-t-il beaucoup de documents à publier ?
La majorité. Nous en parlons régulièrement avec Snowden par l’intermédiaire d’un chat sécurisé. Je ne peux pas dire que le pire est à venir – les gens s’habituent à ces révélations – mais il y a plusieurs documents sur ce que collecte la NSA et sur la façon dont ils le font qui vont choquer. Je suis assis sur une montagne de documents, et chacun d’entre eux est digne d’intérêt.
J’ai été contacté par des journalistes du monde entier, qui veulent travailler avec moi sur les dossiers qui concernent leur pays. Légalement, je ne peux pas me contenter de leur donner ce qui les intéresse, parce que je me transformerais en source. Je peux seulement être un journaliste, alors je dois contribuer à leurs enquêtes, co-signer leurs articles. C’est extrêmement chronophage mais je ressens de la culpabilité à ne pas pouvoir travailler plus vite. J’ai d’ailleurs embauché un assistant.

  • Le soldat Manning a été condamné à trente-cinq ans de prison pour avoir fourni des documents à WikiLeaks. Est-ce que vous pensez qu’il est encore possible de protéger une source à 100% ?
Le gouvernement américain est capable d’intercepter la moindre communication, de savoir qui parle avec qui, à quelle fréquence, par quel moyen. Aujourd’hui, il est presque impossible pour une source de contacter un journaliste sans être détecté.
Quand nous avons commencé à publier les premières révélations, un journaliste du Guardian, qui a travaillé à Washington pendant plusieurs années, nous a dit qu’il n’arrivait plus à joindre qui que ce soit au téléphone. Ses interlocuteurs ne voulaient pas que leurs métadonnées puissent être rattachées au Guardian. Pour toutes ces raisons, la surveillance a complètement dévoyé le processus de collecte de l’information, et c’est un dommage collatéral extrêmement puissant.

  • D’autant plus que l’administration Obama poursuit les lanceurs d’alerte, les whistleblowers , avec une sévérité sans précédent. Vous n’avez pas peur que les candidats au sacrifice viennent à manquer ?
Quand vous créez une situation dans laquelle un whistleblower n’a d’autre issue que celle de finir sa vie en prison, c’est dissuasif. Pourtant, Snowden a été le témoin de ce qui est arrivé à Manning, et ça ne l’a pas arrêté. Le courage est contagieux [c'est aussi la devise de WikiLeaks, ndlr], et les whistleblowers inspirent des vocations.
C’est un processus contre lequel le gouvernement ne peut rien. D’une certaine façon, leur brutalité ne fera qu’empirer les choses. Plus l’Etat montre à quel point il est abusif, plus des citoyens penseront qu’il a besoin d’être défié. A Hongkong, avec la documentariste Laura Poitras, nous voulions faire honneur au courage de Snowden en travaillant dans le même esprit. Avant de se lancer, les journalistes du Guardian ont réagi comme une institution traditionnelle, en analysant les risques. Puis ils ont été « contaminés » à leur tour.

  • L’affaire Snowden vous a fait une sacrée publicité…
Dès le début, nous avons décidé que je serai celui qui engage le débat public et passe à la télévision. Laura déteste ça. Quant à Snowden, non seulement il refusait d’attirer l’attention sur lui, mais nous étions persuadés qu’il allait rapidement être rattrapé par la justice américaine. Quand il a disparu fin juin, nous avons vraiment cru que nous allions le retrouver dans une salle d’audience, les menottes aux poignets.
Je sais qu’Edward est satisfait de la façon dont j’ai rempli mes engagements vis-à-vis de lui, et c’est tout ce qui m’intéresse. J’aurais pu publier un ou deux articles, tourner les talons, remporter des prix et signer un contrat avec un éditeur. Ça aurait aidé ma carrière. Mais j’ai choisi de travailler avec des médias du monde entier, et j’ai été très clair sur le fait que je compte bien publier ces documents jusqu’au dernier.

  • Est-ce qu’aujourd’hui, vous considérez encore Snowden comme une source, ou est-il devenu plus que ça ?
Il est une source, évidemment, mais il est aussi quelqu’un que j’admire beaucoup. Il est héroïque ! Avec Laura et lui, nous avons vécu l’expérience de toute une vie, et je me sens lié à lui en tant qu’être humain. Je m’inquiète de son sort, et je ne vais pas mentir en disant qu’il ne s’agit que d’une source. Il y a des implications légales à parler d’amitié, mais nous avons une relation importante à mes yeux, fondée sur l’admiration.
  
  • Vous avez été avocat, blogueur… Vous considérez-vous aujourd’hui comme un journaliste ?
Bien sûr ! Etre journaliste, pour moi, consiste à tenir pour responsables les puissants en révélant au public ce qu’ils planifient dans l’ombre. En tant qu’ancien avocat, je pense que la loi et le journalisme ont beaucoup de choses en commun. Pour certains médias, je reste un blogueur. Je pouvais le comprendre quand j’ai commencé à écrire, seul, sans faire partie d’aucune organisation, mais aujourd’hui, c’est surtout un moyen de discréditer mon travail en me tenant à l’écart d’un sérail dont je n’ai jamais fait partie.

  • Vous avez été mal reçu ?
Les journalistes regardent les scoops comme une valeur boursière, donc je suis devenu important à leurs yeux. Mais je ne me suis fait pas de nouveaux amis pour autant. Beaucoup de journalistes de Washington sont des lâches. Ils agitent les bras en répétant à quel point les fuites sont dangereuses.
Bob Woodward [l’un des deux journalistes qui a révélé l’affaire du Watergate, ndlr] est devenu l’un des plus riches, si ce n’est le plus riche journaliste du monde en publiant des livres contenant toutes sortes d’informations classifiées. Mais personne ne trouve rien à y redire parce que ses sources sont des officiels de haut rang qui protègent les intérêts américains. Ces journalistes ne pensent pas que les fuites sont intrinsèquement mauvaises, ils pensent qu’elles le sont si elles nuisent au gouvernement.

  • Vous pensez qu’il est impossible de bien faire son métier dans un grand média ?
C’est possible, si vous êtes capable de le faire en dépit de l’institution et non grâce à elle. Prenez l’exemple de James Risen. Son article le plus notable de la décennie révélait que l’administration Bush espionnait sa propre population sans mandat. Il lui a valu un Pulitzer. Pourtant, il lui a fallu quatorze mois pour réussir à le publier, à cause du veto de la Maison-Blanche, que le New York Times n’a pas contesté. Il a obtenu gain de cause parce qu’il a signé un contrat avec un éditeur, or son journal n’avait pas envie que son propre journaliste lui pique un scoop.
Si Risen a été capable de faire ce que j’appelle du journalisme antagonique, c’est contre son propre employeur. Ces pratiques vantées par de gros médias américains, comme l’idée que vous n’avez pas le droit d’exprimer votre opinion dans vos articles, ou que certains articles ne doivent pas être publiés pour des raisons de sécurité, sont en réalité assez nouvelles. Le journalisme le plus remarquable de l’histoire américaine a été incarné par des personnes aux convictions affirmées.

  • Vous avez écrit que « le journalisme est une forme d’activisme ». Vous voulez dire que le mythe de l’objectivité est synonyme de mauvais journalisme ?
C’est malhonnête de prétendre au lecteur qu’il existe une forme de machine mathématiquement équilibrée, presque inhumaine, capable de dire la vérité sans qu’aucune considération subjective n’entre dans l’équation. C’est si pompeux. Si vous étudiez chaque choix journalistique, qui vous citez, qui a droit aux premières lignes, qui est enfoui au bas de l’article, quelle actualité mérite qu’on s’y arrête, qui vous choisissez de croire, tous sont enracinés dans la subjectivité. Prétendre le contraire est totalement illusoire.

  • Où vous situez-vous politiquement ?
On m’accuse d’être socialiste ou libertarien, mais beaucoup de gens pensent aussi que je suis de droite. Bill Keller, l’ancien rédacteur en chef du New York Times, m’a comparé simultanément à Lénine et au Tea Party ! J’ai des convictions profondes, je pense qu’un gouvernement n’a pas tous les droits. Je suis choqué que mon pays – devenu une nation militariste – utilise la violence et outrepasse les lois internationales pour atteindre ses objectifs.
Pour autant, je refuse toute étiquette parce qu’il serait trop facile de discréditer mon activité. Les gens se diraient « Il est Républicain, alors… » ou « Il est Démocrate, alors… ». D’ailleurs, j’ai reçu des soutiens dans chaque rang du Congrès, publiquement ou en privé.

  • Malgré tout, certains politiciens vous considèrent comme un « traître»…
C'est une tactique traditionnelle, ce n'est pas l'apanage du gouvernement américain. Quand vous attaquez les intérêts de ceux qui sont au pouvoir, vous êtes automatiquement accusé de faire du mal à votre pays. Dans la culture politique américaine récente, le gouvernement a l'habitude de criminaliser les journalistes, mais ce qui est impressionnant, c'est que le gouvernement n'est plus en pointe dans ces campagnes de dénigrement : ce sont des journalistes, ou ce que certains appellent des éditorialistes. C'est une victoire propagandiste extraordinaire pour un gouvernement de conditionner ses journalistes pour qu'ils attaquent ceux qui veulent rendre le monde plus transparent.

  • C’est parce que vous n’avez pas foi en l’institution que vous avez quitté le Guardian et décidé de vous lancer dans ce projet de site d’information avec Pierre Omidyar, le fondateur d’eBay, qui a investi 250 millions de dollars ?
Il faut bâtir sa propre institution. A Hongkong, j’avais songé à quitter le Guardian pour créer une organisation avec Laura Poitras et Jeremy Scahill [un journaliste américain qui a notamment écrit un livre explosif sur la société militaire privée Blackwater, ndlr].
J'avais peur qu'en cas de poursuites contre le Guardian, cela interfère avec le processus journalistique, et qu'une action en justice leur prenne énormément de temps et de ressources [le 4 décembre, Alan Rusbridger, le rédacteur en chef du quotidien britannique, a affirmé devant une commission d'enquête du Parlement qu'« [il] ne se laisserai[t] pas intimider », ndlr].
Nous voulions donc notre propre site, et nous songions déjà à nous adjoindre les services de personnes en accord avec nos méthodes de travail : des fact-checkers bénévoles ou des avocats acceptant de travailler pro bono. Nous cherchions des investisseurs, quand, à la fin du mois de septembre, Omidyar m’a appelé au téléphone. Quand il m’a exposé son plan, je lui ai répondu : « J’ai l’impression que vous m’avez piqué mon idée ». A peine avions-nous raccroché que nous étions déjà en train de bâtir l’équipe.
Depuis, nous avons recruté une douzaine de personnes, dont trois travaillent à Rio avec moi. Nous ne cherchons pas uniquement des journalistes d’investigation spécialisés dans la sécurité nationale et les libertés publiques, nous allons également couvrir l’économie, l’écologie ou le sport, et ce qui compte, c’est la philosophie de travail. Je ne peux pas encore vous donner le nom du site ou sa date de lancement, mais ça ne devrait pas tarder… C’est drôle, Pierre et moi ne nous sommes encore jamais retrouvés dans la même pièce.


Source telerama.fr
Propos recueillis par Olivier Tesquet, envoyé spécial au Brésil (Télérama)

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