Hollande : un leader incohérent
Ce n’est pas son
impopularité record qui devrait inquiéter François Hollande, mais plutôt son
incapacité à réformer en profondeur un pays miné par les corporatismes.
Le président François
Hollande découvre aujourd’hui l’existence de deux types d’impopularité
politique. Le premier atteint un leader lorsqu’il prend des décisions
“difficiles mais indispensables”, notamment à mi-mandat. Ce sont les électeurs
qui en souffrent et expriment leur désaccord dans les sondages, en particulier
lors d’élections partielles. Dans le contexte britannique, c’est ce qu’on
pourrait appeler le “modèle Thatcher”. Une telle politique finit par porter ses
fruits et le dirigeant retrouve sa popularité. L’autre sorte d’impopularité est
celle des leaders simplement incohérents, dont les réformettes suffisent tout
juste à dresser l’électorat contre eux et leur gouvernement, mais ne produisent
guère de résultats ou ne leur apportent pas de nouvelles voix en période
électorale. C’est ce qu’on pourrait appeler le “modèle Major” [John Major,
Premier ministre britannique (1990-1997) conservateur ayant succédé à Margaret
Thatcher].
Ainsi, le fait qu’il
soit le président le plus impopulaire de l’histoire de la Ve République ne
devrait pas inquiéter Hollande outre mesure. Il vient seulement de terminer les
dix-huit premiers mois de son long mandat, et s’il poursuivait les politiques
et les réformes dont la France a si cruellement besoin, il serait assuré au
moins d’aller dans le bon sens et d’œuvrer à terme pour le bien du pays, ce
dont sa popularité finirait par bénéficier, comme ce fut le cas pour Thatcher.
John Major. Or, de toute évidence, Hollande
suit le modèle John Major : il rogne mollement sur l’Etat providence sans
réformer en profondeur l’économie française, qui n’est pas compétitive et ne
crée pas assez d’emplois, loin de là, pour assurer un avenir à ses jeunes. Ce
n’est pas nouveau – les émeutes des banlieues il y a huit ans en
témoignent. Mais la faible croissance de l’économie française commence à saper
le niveau de vie des classes moyennes gâtées, très préservées jusqu’à présent
(les agriculteurs n’étant pas encore touchés).
Hollande, pendant et
après sa campagne électorale, a endormi les électeurs avec un programme
essentiellement frauduleux, leur faisant croire qu’imposer les riches et
accabler les banques allait remédier au malaise. Il se trompait, bien sûr, et
les vrais problèmes persistent : un Etat dépensier ; des politiques
dirigistes et chauvines, tant dans l’agriculture que dans l’industrie
automobile (voici un pays qui considère la fabrication des yaourts comme un
intérêt national “stratégique”) ; un marché du travail sclérosé ; des
prestations sociales trop généreuses ; et l’attachement à un mode de vie,
une culture, une langue et une cuisine que ses détracteurs jugent xénophobes.
Le français est une belle langue et la baguette un bienfait pour l’humanité,
mais la résistance obsessionnelle aux commodités anglo-saxonnes, à l’heure où
le pain de supermarché et les McDonald’s attirent de plus en plus de clients,
est symptomatique d’un peuple de moins en moins sûr de lui.
François Hollande
succombe à son tour au mal qui a frappé Nicolas Sarkozy. Porté par une
aspiration nationale, il veut redonner à la France son rang de grande puissance
économique, mais ne veut pas tenir tête aux corporatismes qui font échouer
toute tentative de mener à bien les réformes dont dépendent la puissance et la
prospérité d’un pays. Hollande pourrait suivre l’exemple de François Mitterrand
dans les années 1980. Après une brève expérience socialiste, couronnée par
l’adoption de la semaine de 39 heures, Mitterrand a fait volte-face pour
s’orienter vers le conservatisme budgétaire, associé à une politique du franc
fort qui a discipliné l’économie et conduit à la monnaie unique. Jusqu’à
présent, Hollande n’a pas l’air taillé dans le même bois que son prédécesseur
socialiste.
Dessin de Mix & Remix paru dans L’Hebdo, Lausanne.
Source Courrier International
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