jeudi 7 novembre 2013

Billets-Hollande : un leader incohérent


Hollande : un leader incohérent

Ce n’est pas son impopularité record qui devrait inquiéter François Hollande, mais plutôt son incapacité à réformer en profondeur un pays miné par les corporatismes.

Le président François Hollande découvre aujourd’hui l’existence de deux types d’impopularité politique. Le premier atteint un leader lorsqu’il prend des décisions “difficiles mais indispensables”, notamment à mi-mandat. Ce sont les électeurs qui en souffrent et expriment leur désaccord dans les sondages, en particulier lors d’élections partielles. Dans le contexte britannique, c’est ce qu’on pourrait appeler le “modèle Thatcher”. Une telle politique finit par porter ses fruits et le dirigeant retrouve sa popularité. L’autre sorte d’impopularité est celle des leaders simplement incohérents, dont les réformettes suffisent tout juste à dresser l’électorat contre eux et leur gouvernement, mais ne produisent guère de résultats ou ne leur apportent pas de nouvelles voix en période électorale. C’est ce qu’on pourrait appeler le “modèle Major” [John Major, Premier ministre britannique (1990-1997) conservateur ayant succédé à Margaret Thatcher].

Ainsi, le fait qu’il soit le président le plus impopulaire de l’histoire de la Ve République ne devrait pas inquiéter Hollande outre mesure. Il vient seulement de terminer les dix-huit premiers mois de son long mandat, et s’il poursuivait les politiques et les réformes dont la France a si cruellement besoin, il serait assuré au moins d’aller dans le bon sens et d’œuvrer à terme pour le bien du pays, ce dont sa popularité finirait par bénéficier, comme ce fut le cas pour Thatcher.

John Major. Or, de toute évidence, Hollande suit le modèle John Major : il rogne mollement sur l’Etat providence sans réformer en profondeur l’économie française, qui n’est pas compétitive et ne crée pas assez d’emplois, loin de là, pour assurer un avenir à ses jeunes. Ce n’est pas nouveau – les émeutes des banlieues il y a huit ans en témoignent. Mais la faible croissance de l’économie française commence à saper le niveau de vie des classes moyennes gâtées, très préservées jusqu’à présent (les agriculteurs n’étant pas encore touchés).

Hollande, pendant et après sa campagne électorale, a endormi les électeurs avec un programme essentiellement frauduleux, leur faisant croire qu’imposer les riches et accabler les banques allait remédier au malaise. Il se trompait, bien sûr, et les vrais problèmes persistent : un Etat dépensier ; des politiques dirigistes et chauvines, tant dans l’agriculture que dans l’industrie automobile (voici un pays qui considère la fabrication des yaourts comme un intérêt national “stratégique”) ; un marché du travail sclérosé ; des prestations sociales trop généreuses ; et l’attachement à un mode de vie, une culture, une langue et une cuisine que ses détracteurs jugent xénophobes. Le français est une belle langue et la baguette un bienfait pour l’humanité, mais la résistance obsessionnelle aux commodités anglo-saxonnes, à l’heure où le pain de supermarché et les McDonald’s attirent de plus en plus de clients, est symptomatique d’un peuple de moins en moins sûr de lui.

François Hollande succombe à son tour au mal qui a frappé Nicolas Sarkozy. Porté par une aspiration nationale, il veut redonner à la France son rang de grande puissance économique, mais ne veut pas tenir tête aux corporatismes qui font échouer toute tentative de mener à bien les réformes dont dépendent la puissance et la prospérité d’un pays. Hollande pourrait suivre l’exemple de François Mitterrand dans les années 1980. Après une brève expérience socialiste, couronnée par l’adoption de la semaine de 39 heures, Mitterrand a fait volte-face pour s’orienter vers le conservatisme budgétaire, associé à une politique du franc fort qui a discipliné l’économie et conduit à la monnaie unique. Jusqu’à présent, Hollande n’a pas l’air taillé dans le même bois que son prédécesseur socialiste.

 Dessin de Mix & Remix paru dans L’Hebdo, Lausanne.
Source Courrier International

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