Comment « sauver » Hollande ?
Que
faire ? Oui, que faire ? Telle est la question qui agite les stratèges de
l’Elysée et dont nous vous donnerons quelque écho. Les conseillers du
président, de même que sa garde rapprochée, lui suggèrent différentes
solutions. Car la situation est grave, elle est même sans précédent sous la V
éme République : jamais un hôte de l’Élysée n’a affronté une cote de confiance
aussi basse moins de deux ans après son accession au pouvoir.
La
révolte ne gronde pas seulement en Bretagne mais dans tout le pays ; toutes les
catégories sociales, ou presque toutes, sont mécontentes, parfois pour des
motifs divergents, le plus souvent pour le même : la pluie d’impôts et les
avalanches de taxes qui ne cessent de nous tomber dessus. Mais le pire est que
la fronde touche la majorité présidentielle, y compris les élus de gauche. Non
seulement Samia Ghali, sénateur socialiste, a laissé huer Hollande et Ayrault
le soir des primaires marseillaises où elle a été battue mais, à son retour au
Palais du Luxembourg, elle a été applaudie sur les bancs de la gauche, y
compris ceux du groupe socialiste ! De leur côté, les Verts ont appelé les
lycéens à manifester contre le gouvernement où siègent pourtant deux des leurs,
récidivant en participant aux manifestations en Bretagne contre ce même
gouvernement.
Sans
compter que, au Sénat, de plus en plus nombreux sont les projets de loi
repoussés par la gauche après avoir été approuvés en première lecture au Palais
Bourbon.
N’évoquons
que pour mémoire les conflits publics entre ministres et les reculades
successives du gouvernement : c’est le pain quotidien d’un pouvoir incompétent
et qui improvise à chaque instant en fonction des rapports de force du moment.
Or, que
fait Hollande ? Rien. Il fait les gros yeux mais ne sévit jamais. Il semble
être le spectateur d’une situation qui le dépasse. Il ne maîtrise plus rien. Le
pays s’enfonce dans la crise, alors que d’autres – c’est le cas de l’Espagne et
même celui de la Grèce – commencent à discerner le bout du tunnel. Il faut donc
faire quelque chose pour arrêter cette dégringolade. Les députés de gauche, qui
se font insulter quand ils retournent dans leur circonscription, en sont les
premiers convaincus. Un hebdomadaire soutien de toujours de Hollande, Le Nouvel
Observateur, posait la question à sa « une » en septembre 2012, avec la photo
du président et de son gouvernement : « Sont-ils nuls ? ». Un an plus tard, le
même journal écrit : « Aujourd’hui, la seule retouche à cette manchette serait
d’enlever le point d’interrogation ». Ainsi les rats quittent le… « pédalo ».
- Oui, que faire ?
Un
remaniement ? Ce ne serait pas un « remède » à la mesure de la crise qui frappe
le pouvoir, dit-on à l’Elysée. C’est un fusil à un coup. Que ferait-on après
des municipales et des Européennes catastrophiques si l’on a déjà tiré cette
cartouche ? L’effet d’un remaniement sur l’opinion ne dure que deux ou trois
semaines tout au plus et personne ne serait bouleversé par le limogeage de
quelques ministres dont ils ne soupçonnent même pas l’existence ! Sauf… sauf si
Ayrault lui-même était remercié, à condition de le remplacer par un premier
ministre à poigne qui remettrait de l’ordre dans cette abbaye de Thélème qu’est
devenu le gouvernement. Mais, là, deux obstacles surgissent.
Le
premier est qu’un tel chef du gouvernement ferait de l’ombre au président
puisque celui-ci lui confierait une mission qu’il est incapable d’assumer
lui-même, confessant ainsi son impuissance. Au moins avec Ayrault, de ce
côté-là, il est tranquille : il est aussi falot que lui.
Le
second étant que, finalement, ceux qui peuvent « faire le job » ne sont pas si
nombreux que ça. Valls ? Ce serait l’insurrection de son aile gauche. Fabius ?
Un revenant qui donnerait un coup de vieux aux électeurs.
Aubry ?
Depuis que Hollande lui a préféré Ayrault en 2012, elle s’est repliée sur le
beffroi de Lille et ignore superbement Hollande, quand elle ne s’en moque pas
en privé. En outre, elle serait une redoutable rivale si elle se lançait dans
la course pour lui succéder en 2017. Reste la « solution » d’un inconnu venant
de la société civile, un économiste, du genre Raymond Barre, mais les Français
sont aussi en guerre contre les technocrates et autres experts qui maîtrisent
les chiffres mais ignorent les hommes.
Il a
encore à sa disposition l’arme ultime : une dissolution suivie de nouvelles
élections. Ce serait en effet l’attitude la plus logique et la plus «
républicaine ». Quand il existe un tel fossé – que dis-je : un abîme ! – entre
le pouvoir et l’opinion, il faut en appeler au peuple. Evidemment, les
socialistes seraient largement battus ! « Nous reviendrions avec 100 députés »,
assure Bartolone, président de l’Assemblée nationale, contre près de 300
maintenant. On songe spontanément au précédent de 1997 qui vit Chirac dissoudre
imprudemment l’Assemblée nationale pour se retrouver ensuite avec Jospin à
Matignon.
Oui,
mais ce n’est pas à ce désastreux épisode-là que les machiavels élyséens
songent mais à celui de …1988 qui vit Mitterrand confortablement réélu, avec 54
% des voix, alors que, deux ans plus tôt, plus de 50% des Français ne lui
faisaient plus confiance. Entre ces deux dates, il y eut la cohabitation avec
Chirac sur qui retomba l’impopularité d’une politique de rigueur. La
cohabitation serait donc la seule chance pour Hollande d’être réélu. Et ceux
qui lui suggèrent la dissolution lui font remarquer qu’en 1986 Chirac était
populaire comme premier opposant au socialisme. Ce serait plus facile en 2017
car Copé, actuel président de l’UMP, est presque aussi impopulaire que lui et
la logique institutionnelle voudrait que ce soit lui qu’il appellerait pour
former le gouvernement de cohabitation. (L’Elysée écartant la victoire d’un
Front national dans le cadre du scrutin majoritaire).
Hollande
franchira-t-il le pas ? Acceptera-t-il le pari de perdre les législatives
anticipées pour gagner la présidentielle en 2017 ? Nul ne le sait, il garde
secrètes ses intentions. Mais certains assurent que, eu égard à son aboulie, le
plus probable est qu’après avoir examiné toutes les options, il n’en retienne
aucune, se contentant de faire le gros dos en attendant que le salut lui vienne
d’une reprise mondiale de l’économie…
Source Bulletin d’André Noël N° 2350 le 4 novembre 2013
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