Un arrêt sur les travaux de la photographe Veronika Pinke
mercredi 27 février 2019
Photos-Scout Tufankjian
Scout Tufankjian
L’histoire de la photo la plus virale de tous les temps
La photojournaliste Scout Tufankjian suit
épisodiquement la carrière de Barack Obama depuis 2007. Pendant la campagne de
2008, elle a travaillé comme journaliste pour diverses publications et
pris assez de photos pour faire un livre. Cette fois, elle a été engagée
directement par l’équipe de campagne, qu’elle a rejointe en août 2012, devenant
l’une des deux photojournalistes de la campagne d’Obama.
Son cliché du président étreignant son épouse
s’est propagé à une vitesse fulgurante mardi soir, lorsqu’il a été
tweeté —accompagné de la phrase «Quatre ans de plus»— par l’équipe de
campagne au moment où les résultats ont été connus. Ce post est devenu le plus
retweeté de l’histoire de Twitter et le cliché a rapidement atteint le statut
de photo la plus aimée sur Facebook de tous les temps.
Scout Tufankjian a parlé au blog
Behold de cette photo, raconté comment et quand elle l’avait prise, et
confié les meilleurs moments de son reportage photo de la campagne. En voici un
extrait.
- Comment avez-vous fait ce cliché?
S.T.: Il a été réalisé en août dernier, au
troisième jour d’un bus tour dans
l’Iowa. Tellement hyper classique. C’était une tournée électorale en bus dans
le style 2007-2008, et je crois que cela suscitait une certaine nostalgie chez
le président.
La
première dame venait juste de nous rejoindre, donc il ne l’avait pas vue depuis
plusieurs jours. Elle est arrivée en bus ce matin-là —c’était le premier
événement de la journée— et ils se sont enlacés sur scène.
- C’était la première fois de la journée qu’il la voyait?
S.T.: Sur scène, devant tous ces gens.
J’ai décidé de me concentrer sur eux plutôt que d’adopter un angle plus large,
parce que je crois ne pas être la seule à être totalement inspirée par leur
relation. L’amour et le respect évidents qu’ils éprouvent l’un pour
l’autre, et le fait que leur relation soit clairement d’égal à égale, alors
qu’il est président, c’est remarquable. Alors je voulais me concentrer sur eux
en tant que couple plutôt que sur eux et le public, ou sur eux et leur statut.
- Saviez-vous que l’équipe de campagne envisageait d’utiliser cette photo dans son tweet de victoire?
S.T.: Non, je n’en avais pas la moindre
idée. Je l’ai découvert quand un de mes amis m’a envoyé un mail pour me
prévenir qu’ils l’avaient utilisée.
- Qu’avez-vous ressenti en l’apprenant?
S.T.: Une grande excitation. Je ne me fais
pas d’illusion, je sais que c’est la photo qui est populaire. C’est le message
qu’elle transmet et ce que les gens ressentent pour les Obama, et surtout ce
qu’ils éprouvent pour eux à ce moment précis. Ce n’est pas la composition ou un
truc comme ça.
- Il est intéressant que l’équipe de campagne ait choisi pour célébrer un événement tellement public une image du couple partageant un moment très privé.
S.T.: En fait, ça me plaît bien. Cela
reflète cette façon qu’ont les gens de voir les Obama comme de vraies
personnes, pas comme des personnages publics.
Ce qui
est merveilleux quand on travaille sur cette campagne, ce n’est pas de côtoyer
le président, ou de monter dans l’Air Force One ou toutes les choses qui
arrivent quand on suit une quelconque campagne présidentielle. C’est le fait de
passer du temps avec cette famille qui est si merveilleux. Ce qu’est cette
famille et ce qu’elle représente pour le pays participent autant de l’attrait
du président que ses politiques.
Je ne
sais pas pourquoi ils l’ont choisie, mais c’est pour ça que j’aime qu’ils
l’aient fait. Plutôt qu’une photo de lui saluant la foule devant un drapeau ou
quelque chose de plus traditionnellement présidentiel.
- C’est comment, de prendre Obama en photo avec sa famille?
S.T.: Il est tellement plus heureux et
détendu. Bon, je ne peux pas être absolument sûre de ça. Mais quand il est en
famille, il semble plus heureux qu’à n’importe quel autre moment. Lui et
la première dame sont tellement dirigés l’un vers l’autre. Leur manière de se
renvoyer la balle et de se communiquer de l’énergie…
Quand je
prenais des photos du président pendant la campagne de 2008, je les regardais
se saluer sur scène et je demandais par texto à mon petit ami, aujourd’hui mon
mari: «Est-ce que tu m’aimes autant que
Barack aime Michelle?» et il répondait un truc du genre: «Probablement pas.»
- En quoi peut-on être inspiré par leur relation?
S.T.: Eh bien je suis jeune et je ne suis
pas mariée depuis longtemps. Le lien qui les unit —ils viennent de fêter leur
vingtième anniversaire de mariage—, leur façon de s’apprécier et de
s’écouter, et le vrai respect qu’ils éprouvent l’un pour l’autre, c’est quelque
chose que je voudrais voir dans mon couple dans vingt ans.
- Qu’avez-vous ressenti en voyant que la une de The Economist utilisait la même image, avec la légende «Maintenant, enlacez un républicain»?
S.T.: Je ne l’ai pas vue! Je n’ai pas
encore réussi à quitter ce bureau.
- En prenant la photo de cette étreinte, au mois d’août, avez-vous eu la sensation d’avoir capturé quelque chose de spécial?
S.T.: Toute interaction entre eux deux que
j’arrive à capter est toujours ma meilleure photo du jour, presque sans
exception. Alors, j’imagine que oui.
- Comment ça se passe, d’être photographe de campagne? Est-ce que vous leur donnez toutes vos photos? Vous faites un tri?
S.T.: Je fais un tri pour l’équipe, ils en
écartent certaines et en mettent d’autres de côté pour plus tard. Nous
utilisons les photos sur Facebook, sur Twitter, mais tout est gardé.
Mais
c’est moi qui fais le tri initial, sans doute assise à l’arrière d’une
camionnette en allant ou en revenant de l’aéroport, en essayant de capter un
signal Internet dans l’Iowa, ce qui est pratiquement impossible. J’avais une ou
deux autres photos similaires, mais c’est celle-là que j’ai choisie.
- Cette image deviendra probablement la plus symbolique de toutes vos photos de cette campagne. Avant qu’elle ne soit publiée mardi soir, y avait-il d’autres clichés qui vous paraissaient être vos photos les plus inoubliables de 2012?
S.T.: Il y a eu le bear hug en Florida [quand le gérant
d’une pizzeria, Scott Van Duzer, a pris Obama dans ses bras et l’a soulevé du
sol, NDLR]. Ce bear hug, c’était un
de ces moments parfaits: quand vous êtes exactement au bon endroit, que vous
avez exactement le bon objectif, et que vous le cadrez parfaitement. Tout a
fonctionné à merveille.
Cela a
été un tel choc que j’ai laissé échapper une exclamation de surprise —je crois
qu’on peut m’entendre sur la vidéo— quand il a soulevé le président. Après,
nous étions tous absolument ahuris, genre «Il
vient de soulever le président.»
La
réaction du président a été plutôt stupéfiante. Si quelqu’un me soulevait comme
ça je crois que le choc se lirait sur mon visage. Il n’a fait que hausser les
épaules et a regardé son chef des services secrets.
Photos Scout Tufankjian/Obama for America
Source Julia Turner. Traduit par Bérengère Viennot
mardi 26 février 2019
Photos-Claude Cahun
Claude Cahun, Autoportrait, vers 1929. Collection Neuflize Vie -
Photo André Morin.
Claude Cahun
Sans ses autoportraits photographiques, réalisés entre 1913 et
1953, Claude Cahun serait sans doute tombée dans l'oubli. La gloire, cette
artiste aux dons multiples s'en souciait peu. A ses yeux, la littérature
dominait. Etre reconnue pour ses photos l'aurait surprise...
Née Lucy Schwob en 1894 au sein d'une famille de la bourgeoisie
nantaise propriétaire du journal républicain Le
Phare de la Loire, nièce de l'écrivain Marcel Schwob, la jeune fille
était dotée d'une plume superbe. Sur les cimaises du Jeu de paume, qui lui a
consacré une rétrospective érudite, quelques phrases extraites de ses livres
servent intelligemment de guide à sa démarche de photographe : « Je vais jusqu'où je suis, je n'y suis pas encore. »
Et c'est en effet une quête obstinée - se débusquer soi-même - qui se révèle
ici, photo après photo.
Si ses clichés sont datés par la qualité du papier, les formats
parfois minuscules, le noir et blanc, les métamorphoses auxquelles se livre
sous nos yeux Claude Cahun stupéfient. On la voit en Ophélia, dans son lit,
belle, sensuelle, les cheveux flottant à la surface des draps. Ou bien alors le
crâne et les sourcils rasés, de profil, sans égard pour elle-même avec son nez
qui évoque un bec de mouette. En 1929, cheveux courts, Cahun pose en Narcisse,
sa silhouette masculine se reflétant dans un miroir.
Jouant sur l'ambivalence sexuelle, l'androgynie, le
travestissement, la gravité ou le comique, Claude Cahun révèle une multitude
d'identités. Poète, essayiste, comédienne, créatrice d'objets et de costumes,
elle a partagé sa vie avec sa compagne d'enfance Suzanne Malherbe, plus connue
sous le pseudonyme de Marcel Moore. Résistante sur l'île de Jersey, elle a
échappé par miracle à son exécution par les nazis. Amie d'Henri Michaux et de
Robert Desnos, Claude Cahun, morte en 1954, s'était définie comme une « surréaliste depuis l'enfance ». Cette
étiquette reste bien en deçà de la modernité esthétique de son œuvre, qui
inspire encore Cindy Sherman, star de la photographie contemporaine.
1930 Robert Desnos
1939
1929 autoportrait
1929 autoportrait
1929 autoportrait
1929-1930
Source Télérama
Photos-Pete Souza
L'après Ben Laden
Photo Pete Souza
C’est une autre image de Barack Obama qui a marqué de tout son poids le début du mois de mai : celle du président des Etats-Unis et de sa garde rapprochée suivant en direct, dans la « situation room » (salle de crise) de la Maison-Blanche, par écrans interposés, l’opération lancée contre la villa pakistanaise de Ben Laden. Cette photographie a fait le tour du monde, devenant rapidement « la plus vue de tous les temps sur Flickr », le très populaire site de partage d’images. En fait, le service de presse de la Maison-Blanche avait choisi de diffuser huit autres clichés réalisés, ce même 1er mai, par Pete Souza, photographe officiel des lieux. Ce photojournaliste de renon, né en 1954, qui a vingt ans de reportages en free-lance derrière lui (mais qui a aussi œuvré officiellement pour Reagan de 1983 à 1989), a tissé une relation de grande confiance avec Obama.
Souza a un accès illimité au Président. Pour preuve, même dans des moments aussi tendus, il peut se faire le témoin par l’image de tout ce qui se trame dans les coulisses du pouvoir américain. Y compris en plan serré, comme sur cette photo d’un Obama saisi quelques heures après l’assaut et préparant son allocution.
Concentration du boxeur avant de monter sur le ring : comment, avec quels mots, dire au monde entier que des soldats d’élite de son pays, à sa demande, ont supprimé le leader d’al-Daida ? Une image d’autant plus saisissante que « l’autre », celle de la « situation room », le figeait dans une position de quasi-retrait. Cette fois, le cadrage est tout à lui et le montre les traits tirés, l’œil fatigué, humain. Sacrée journée…
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