Scout Tufankjian
L’histoire de la photo la plus virale de tous les temps
La photojournaliste Scout Tufankjian suit
épisodiquement la carrière de Barack Obama depuis 2007. Pendant la campagne de
2008, elle a travaillé comme journaliste pour diverses publications et
pris assez de photos pour faire un livre. Cette fois, elle a été engagée
directement par l’équipe de campagne, qu’elle a rejointe en août 2012, devenant
l’une des deux photojournalistes de la campagne d’Obama.
Son cliché du président étreignant son épouse
s’est propagé à une vitesse fulgurante mardi soir, lorsqu’il a été
tweeté —accompagné de la phrase «Quatre ans de plus»— par l’équipe de
campagne au moment où les résultats ont été connus. Ce post est devenu le plus
retweeté de l’histoire de Twitter et le cliché a rapidement atteint le statut
de photo la plus aimée sur Facebook de tous les temps.
Scout Tufankjian a parlé au blog
Behold de cette photo, raconté comment et quand elle l’avait prise, et
confié les meilleurs moments de son reportage photo de la campagne. En voici un
extrait.
- Comment avez-vous fait ce cliché?
S.T.: Il a été réalisé en août dernier, au
troisième jour d’un bus tour dans
l’Iowa. Tellement hyper classique. C’était une tournée électorale en bus dans
le style 2007-2008, et je crois que cela suscitait une certaine nostalgie chez
le président.
La
première dame venait juste de nous rejoindre, donc il ne l’avait pas vue depuis
plusieurs jours. Elle est arrivée en bus ce matin-là —c’était le premier
événement de la journée— et ils se sont enlacés sur scène.
- C’était la première fois de la journée qu’il la voyait?
S.T.: Sur scène, devant tous ces gens.
J’ai décidé de me concentrer sur eux plutôt que d’adopter un angle plus large,
parce que je crois ne pas être la seule à être totalement inspirée par leur
relation. L’amour et le respect évidents qu’ils éprouvent l’un pour
l’autre, et le fait que leur relation soit clairement d’égal à égale, alors
qu’il est président, c’est remarquable. Alors je voulais me concentrer sur eux
en tant que couple plutôt que sur eux et le public, ou sur eux et leur statut.
- Saviez-vous que l’équipe de campagne envisageait d’utiliser cette photo dans son tweet de victoire?
S.T.: Non, je n’en avais pas la moindre
idée. Je l’ai découvert quand un de mes amis m’a envoyé un mail pour me
prévenir qu’ils l’avaient utilisée.
- Qu’avez-vous ressenti en l’apprenant?
S.T.: Une grande excitation. Je ne me fais
pas d’illusion, je sais que c’est la photo qui est populaire. C’est le message
qu’elle transmet et ce que les gens ressentent pour les Obama, et surtout ce
qu’ils éprouvent pour eux à ce moment précis. Ce n’est pas la composition ou un
truc comme ça.
- Il est intéressant que l’équipe de campagne ait choisi pour célébrer un événement tellement public une image du couple partageant un moment très privé.
S.T.: En fait, ça me plaît bien. Cela
reflète cette façon qu’ont les gens de voir les Obama comme de vraies
personnes, pas comme des personnages publics.
Ce qui
est merveilleux quand on travaille sur cette campagne, ce n’est pas de côtoyer
le président, ou de monter dans l’Air Force One ou toutes les choses qui
arrivent quand on suit une quelconque campagne présidentielle. C’est le fait de
passer du temps avec cette famille qui est si merveilleux. Ce qu’est cette
famille et ce qu’elle représente pour le pays participent autant de l’attrait
du président que ses politiques.
Je ne
sais pas pourquoi ils l’ont choisie, mais c’est pour ça que j’aime qu’ils
l’aient fait. Plutôt qu’une photo de lui saluant la foule devant un drapeau ou
quelque chose de plus traditionnellement présidentiel.
- C’est comment, de prendre Obama en photo avec sa famille?
S.T.: Il est tellement plus heureux et
détendu. Bon, je ne peux pas être absolument sûre de ça. Mais quand il est en
famille, il semble plus heureux qu’à n’importe quel autre moment. Lui et
la première dame sont tellement dirigés l’un vers l’autre. Leur manière de se
renvoyer la balle et de se communiquer de l’énergie…
Quand je
prenais des photos du président pendant la campagne de 2008, je les regardais
se saluer sur scène et je demandais par texto à mon petit ami, aujourd’hui mon
mari: «Est-ce que tu m’aimes autant que
Barack aime Michelle?» et il répondait un truc du genre: «Probablement pas.»
- En quoi peut-on être inspiré par leur relation?
S.T.: Eh bien je suis jeune et je ne suis
pas mariée depuis longtemps. Le lien qui les unit —ils viennent de fêter leur
vingtième anniversaire de mariage—, leur façon de s’apprécier et de
s’écouter, et le vrai respect qu’ils éprouvent l’un pour l’autre, c’est quelque
chose que je voudrais voir dans mon couple dans vingt ans.
- Qu’avez-vous ressenti en voyant que la une de The Economist utilisait la même image, avec la légende «Maintenant, enlacez un républicain»?
S.T.: Je ne l’ai pas vue! Je n’ai pas
encore réussi à quitter ce bureau.
- En prenant la photo de cette étreinte, au mois d’août, avez-vous eu la sensation d’avoir capturé quelque chose de spécial?
S.T.: Toute interaction entre eux deux que
j’arrive à capter est toujours ma meilleure photo du jour, presque sans
exception. Alors, j’imagine que oui.
- Comment ça se passe, d’être photographe de campagne? Est-ce que vous leur donnez toutes vos photos? Vous faites un tri?
S.T.: Je fais un tri pour l’équipe, ils en
écartent certaines et en mettent d’autres de côté pour plus tard. Nous
utilisons les photos sur Facebook, sur Twitter, mais tout est gardé.
Mais
c’est moi qui fais le tri initial, sans doute assise à l’arrière d’une
camionnette en allant ou en revenant de l’aéroport, en essayant de capter un
signal Internet dans l’Iowa, ce qui est pratiquement impossible. J’avais une ou
deux autres photos similaires, mais c’est celle-là que j’ai choisie.
- Cette image deviendra probablement la plus symbolique de toutes vos photos de cette campagne. Avant qu’elle ne soit publiée mardi soir, y avait-il d’autres clichés qui vous paraissaient être vos photos les plus inoubliables de 2012?
S.T.: Il y a eu le bear hug en Florida [quand le gérant
d’une pizzeria, Scott Van Duzer, a pris Obama dans ses bras et l’a soulevé du
sol, NDLR]. Ce bear hug, c’était un
de ces moments parfaits: quand vous êtes exactement au bon endroit, que vous
avez exactement le bon objectif, et que vous le cadrez parfaitement. Tout a
fonctionné à merveille.
Cela a
été un tel choc que j’ai laissé échapper une exclamation de surprise —je crois
qu’on peut m’entendre sur la vidéo— quand il a soulevé le président. Après,
nous étions tous absolument ahuris, genre «Il
vient de soulever le président.»
La
réaction du président a été plutôt stupéfiante. Si quelqu’un me soulevait comme
ça je crois que le choc se lirait sur mon visage. Il n’a fait que hausser les
épaules et a regardé son chef des services secrets.
Photos Scout Tufankjian/Obama for America
Source Julia Turner. Traduit par Bérengère Viennot
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