C’est l’été
Le 21 juin est le jour
calendaire qui est le début officiel de l’été et qui dit été dit plages, soleil
et bronzage. Mais qui dit soleil dit aussi mélanomes et bien d’autres
désagréments comme des brûlures qui peuvent durablement défigurer et mettre un
terme prématuré à des vacances pourtant rêvées tout au long des mois d’hiver.
Pourtant l’exposition
au soleil est bénéfique mais également insidieuse et c’est là le danger. En
dehors du fait que le soleil est un bien à petites doses pour que la peau
puisse produire la vitamine D indispensable à la vie, ce même soleil stimule
d’autres métabolismes qui peuvent avoir des effets adverses inattendus. Pour la
vitamine D, l’affaire est claire, notre organisme est incapable de convertir le
7-déhydrocholestérol en cholécalciférol, en d’autres termes la vitamine D3. Il
faut des rayons ultra-violets provenant en général du Soleil, source de toute
vie et de changements climatiques, pour que cette modification moléculaire
puisse avoir lieu :
Mais les rayons
ultra-violets ont aussi un autre effet sur la peau, la production en quantités
certes infimes mais loin d’être nulles du précurseur de l’hormone qui stimule
la production de la mélanine. Normalement cette hormone est produite par
l’hypothalamus, c’est-à-dire dans le cerveau, un endroit qui n’est jamais
exposé directement au soleil. On vient pourtant de découvrir que la peau
participe directement à la régulation de la production de mélanine en
synthétisant elle-même le précurseur de l’hormone sous l’effet des
ultra-violets. Cette hormone, un petit peptide, est bien connue et s’appelle la
MSH, acronyme de Melanocyte Stimulating Hormone ou en français hormone
stimulant les mélanocytes, ces cellules de la peau qui font qu’on produit la
mélanine pour se protéger justement des effets néfastes du soleil en provoquant
un brunissement de la peau, le fameux bronzage.
Il n’y a rien
d’anormal à cela puisque le patrimoine génétique des cellules de la peau
contient les mêmes informations que celles de l’hypothalamus. Or il se trouve
que le gène qui code pour la MSH est un truc compliqué qui a la fâcheuse
mission de coder simultanément pour un autre petit peptide aux fonctions
complexes, la beta-endorphine, et deux autres hormones, l’ACTH
(adrénocorticotrophine) qui régule la fonction des glandes surrénales et la
beta-lipotropine qui intervient dans le métabolisme des lipides. Pour résumer
parce que ça commence à devenir compliqué, le produit d’un seul gène, le 2p23.3
pour être précis, code pour le POMC, ou Pro-Opio-Mélano-Cortine, qui est
ultérieurement coupé en divers morceaux pour finalement aboutir à une série de
petits peptides qui ont tous une fonction précise.
Donc, quand on se fait
bronzer, notre peau produit l’hormone qui stimule les cellules de la peau qui
produisent la mélanine mais, en même temps, il y a une production de
beta-endorphine, nous allons y revenir. La MSH, pour l’anecdote stimule aussi
l’appétit tout court mais aussi l’appétit sexuel, on est en plein Gainsbourg : Sea, Sex and Sun !
Mais revenons à cet
autre produit du précurseur de tous ces petits peptides qui jouent des rôles
variés, j’ai nommé la beta-endorphine. Comme son nom l’indique presque, la
beta-endorphine est littéralement une morphine produite par l’organisme d’où le
préfixe « endo » qui veut dire interne. La beta-endorphine est une centaine de
fois plus puissante que la morphine pour calmer la douleur et faire « planer »
par la même occasion, mais le mécanisme qui se situe dans le cerveau est régulé
aussi précisément qu’une horloge suisse car point trop n’en faut !
Quand on se fait dorer
les couennes sur une plage, sans s’en rendre compte on produit donc l’hormone
qui va brunir la peau, la MSH, qui est également un excitant sexuel, mais aussi
en quantités équivalentes de la beta-endorphine qui va procurer une sensation
de bien-être et calmer au moins temporairement les effets douloureux d’une trop
longue exposition au soleil.
Finalement la nature a
bien fait les choses, mais en réalité pas tant que ça car il y a un revers, et
de taille. Les rayons ultra-violets du soleil ont la fâcheuse tendance à
endommager l’ADN des cellules de la peau et à favoriser l’apparition de mélanomes,
la catégorie de cancer la plus mortelle qui soit, mais aussi, sous couvert de
production de beta-endorphine, à créer comme pour l’usage de la morphine une
sorte d’addiction au soleil. On a pris sa dose gratuite, on recommence et ainsi
de suite, et c’est gratuit, c’est bien connu, le soleil fait partie des
énergies renouvelables ! Pourquoi se priver de son shoot quotidien ? Il y a
donc un réel effet pervers dans cette attitude à se faire bronzer coûte que
coûte pendant les mois d’été. C’est dangereux et c’est comme une drogue dure et
pas n’importe laquelle, la morphine.
Les travaux ont été
réalisés avec des souris mais il n’y a absolument aucune raison que les choses
se passent différemment pour les humains. Pour preuve, les souris dont on avait
rasé le dos pour qu’elles prennent de bons « coups de soleil » avec une lampe à
ultra-violet s’en remettaient très bien jusqu’à ce qu’on leur injecte un
antagoniste de la morphine (et donc de la beta-endorphine) utilisé en urgence
dans les cas d’overdose de morphine caractérisée, la naloxone. Les souris n’ont
pas aimé du tout recevoir une autre dose d’ultra-violets parce que
vraisemblablement elles n’avaient pas envie de souffrir mais aussi et surtout
elles ne pouvaient plus s’administrer leur shoot de beta-endorphine auquel
elles avaient fini par s’habituer ! Conclusion, sur la plage, au soleil, les
dangers sont divers et cachés mais bien réels…
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