Syrie… élection mascarade
Cette présidentielle que Bachar El-Assad a tenu à
organiser n’est qu’une farce électorale, alors que plus de la moitié du pays
échappe au régime et que 9 millions de Syriens sont réfugiés ou déplacés.
La
décision de Bachar El-Assad d’organiser une nouvelle élection présidentielle
est sans doute plus brutale pour les Syriens que la répression sauvage que son
régime mène contre eux.
Car la
violence déchire leur corps mais respecte leur cerveau, alors que cette farce
électorale est une humiliation sans pareille. La brutalité pure suppose que les
Syriens sont forts et doivent être anéantis, tandis que les prendre pour des
imbéciles relève d’une volonté de les réduire à moins que rien. Ce mépris
s’affiche clairement dans la candidature de Bachar El-Assad à la présidence de
la République, vécue comme une blague grossière. Et le rire est en effet la
seule réponse que mérite cette mascarade.
D’autant
qu’Assad s’est présenté comme le septième candidat parmi 24 au total, avant que
la Cour constitutionnelle n’en valide finalement que 3, dont celle de Bachar
Hafez El-Assad. Il est certain que le fonctionnaire chargé de rédiger et de
diffuser la liste des candidats a grincé des dents et tenté de demander à ses
supérieurs de le dispenser de cette responsabilité. Car si demander
l’autorisation de se présenter n’irrite pas Bachar, elle fait se retourner de
colère Hafez, son père, dans sa tombe.
L’événement
est donc une blague en soi, un sujet de plaisanterie exemplaire. Mais c’est
devenu hélas un fait réel qu’il faut traiter avec sérieux. Avec sa nouvelle
“démocratie”, Assad pousse la délicatesse jusqu’à encourager des commentateurs
et des observateurs parmi ses partisans, en Syrie et au Liban, à participer à
l’opération de crétinisation en se demandant en toute naïveté, dans des
émissions de télévision, si [une telle élection,
avec trois candidats, “démocratique”] ne
constituerait pas une première en Syrie depuis cinquante ans.
La
stupéfaction de ces observateurs ne serait pas plus grande s’ils assistaient à
la résurrection du Christ trois jours après sa crucifixion, accompagnée
d’éclairs et de coups de tonnerre, exactement telle que les chrétiens se la
figurent. On suggère implicitement qu’une main obscure a empêché la tenue
d’élections pendant longtemps et qu’Assad s’est rebellé contre cette force, qui
pourrait être l’impérialisme et le sionisme. Toutefois, même une mémoire
affaiblie se souvient que le parti Baas gouverne la Syrie depuis 1963 et que
Hafez El-Assad lui-même l’a dirigée pendant trente ans à partir de 1970, avant
d’offrir la présidence à son fils Bachar.
Le régime
considère donc son peuple avant tout comme un imbécile facile à tromper. Sauf
qu’il demande aujourd’hui à cet imbécile, qui n’a pas été consulté depuis
cinquante ans, de s’exprimer en votant. Comme si le résultat du scrutin n’était
pas connu d’avance. Et comme si des millions de Syriens tués, expulsés et
déplacés par Assad n’étaient pas hors d’état de voter. Le fond du message n’est
pas seulement le mépris pour les Syriens, mais surtout le mépris pour les
principes universels. Le régime dit en substance : vous voulez des élections ?
En voici, et avec des concurrents pour M. le Président.
Quant à
l’idée initiée par la Grèce antique appelée “démocratie”, nous pouvons la
reformuler nous-mêmes, perchés sur un pied, entre deux tueries. Tout peut être
préparé comme un repas rapide, au mépris des centaines d’ouvrages sur les
règles de la démocratie. Il s’agit là d’un message de profond dédain pour le
monde, invité à croire que la démocratie est née en Syrie entre deux barils
d’explosifs. Cet excès d’assurance rappelle le régime de la Corée du Nord.
L’isolement et le délire, qui amènent un dirigeant à se moquer tout à la fois
de son peuple, du reste du monde et des principes universels, conduisent
finalement le chef lui-même à passer pour un crétin.
Dali, œuvre de la série “The Syrian Museum”, de l’artiste syrien
Tammam Azzam, actuellement exposé à l’Institut des cultures d’Islam.
Source Courrier International
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