Valls, aujourd'hui Matignon, demain l'Elysée ?
L'ex-ministre de l'Intérieur vient d'être nommé
au poste de Premier ministre par François Hollande, au lendemain de la cuisante
défaite socialiste aux municipales. Portrait d'un homme déterminé, qui vise
l'Elysée depuis longtemps, rappelait le quotidien italien fin 2013.
La guerre
des gauches s’intensifie chaque fois que le Parti socialiste est au pouvoir et
se confronte aux problèmes concrets : l’économie, la justice,
l’immigration, la sécurité. C’est alors que la crise d’identité explose. Le cas
de Leonarda, pour qui les collégiens et les lycéens se sont mobilisés (les
jeunes contre un gouvernement socialiste, un véritable affront !), avait
exacerbé des tensions déjà existantes entre la gauche dite romantique, ou
angélique, et la gauche pragmatique, ou réaliste. Il a intensifié le conflit
entre les principaux courants du bloc progressiste, à l’intérieur même de
l’exécutif.
Le
ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, est en désaccord avec la ministre de la
Justice, Christiane Taubira, sur la réforme du système judiciaire et du code
pénal, qu’il juge trop permissive. Les lois fiscales naissent, agonisent et
meurent au rythme des polémiques entre les préposés aux questions économiques.
Tous, ou presque, sont fermement convaincus que la gauche repose depuis ses
origines sur l’alliance entre les idées de progrès et de justice ; mais
tous, ou presque, doivent se rendre à l’évidence que les notions de droite et
de gauche sont devenues floues pour les électeurs. Beaucoup sont en effet
passés de la gauche au Front national.
L’effondrement
de popularité enregistré par le président de la République est attribué aux
conflits internes qui minent le gouvernement de gauche, mis en relief par
l’expulsion controversée de Leonarda. François Hollande a accepté le retour de
la jeune fille, seule. Une décision à la fois molle et brutale. Le président
voulait calmer les consciences angoissées à gauche, solidaires de Leonarda, et
ne pas trop heurter les esprits inquiets à droite, affligés par l’idée d’un
retour de la famille Rom. Mais la jeune fille a repoussé avec dédain la
proposition, répondant : tout le monde (père, mère et frères) ou personne.
Une
réplique humiliante pour le président, dont le nom est désormais terni par un
doute arrogant et injuste : “Hollande est-il de gauche ?” Alors que
la cote de popularité de Hollande chute, celle de Manuel Valls, son ministre de
l’Intérieur, monte (58 %). Et selon une enquête d’opinion, le ministre
aurait bien plus de chances de battre la droite aux prochaines élections (en
2017), que le président en exercice. Mais Hollande doit encore passer trois ans
et demi à l’Elysée et Manuel Valls se garde bien d’avancer sa candidature.
L’impopularité du président hésitant et la popularité du ministre strict sont
tout sauf insignifiantes. L’écart toujours plus large cache probablement un
futur conflit, même si pour le moment il révèle seulement la vivacité de la
guerre entre les gauches.
Manuel
Valls est facilement classable parmi les sociaux-libéraux, avec une tonalité
autoritaire due à une attention rigoureuse à la sécurité, liée aux problèmes
posés par l’immigration. Selon ses partisans, il incarne la gauche moderniste
et réformiste. Il pourrait donner une impulsion réformiste dans le cadre d’une
République intransigeante. Pour Valls, beaucoup de choses doivent changer. Y
compris le nom du parti. Pour lui, le mot “socialiste” ne veut plus rien dire.
Les exemples du New Labour de Tony Blair et du SPD de Gerhard Schröder doivent
être pris en compte.
Cependant
Manuel Valls n’a pas que des amis au sein du parti. Ils ne sont pas rares à
condamner ses positions, jugées non conformes aux principes de la gauche. On
l’accuse d’adopter la tactique du Front national pour le combattre, au risque
de faire son jeu. Lors des primaires, remportées par François Hollande, il
n’avait pas dépassé 6 %. Mais à présent, les sondages démontrent qu’il
plaît aux électeurs, un peu moins à ceux de gauche d’ailleurs. Pour François
Hollande, le ministre de l’Intérieur incarne la précieuse popularité qui lui
manque.
Dessin de Mix & Remix paru dans L’Hebdo, Lausanne
Source Courrier International
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