Un système privé de bourses universitaires
Le canton de Lucerne veut mettre en place un
système totalement nouveau qui permettrait aux étudiants d'obtenir une bourse
auprès d'investisseurs privés. Les opposants redoutent une dérive "à
l'américaine".
Le parlement du canton
de Lucerne a adopté le 14 octobre en première lecture une nouvelle
réglementation des bourses d'étude, qui, si elle passe le cap de la deuxième
lecture, emprunte un chemin totalement nouveau pour la Suisse, puisqu'elle met
sur pied une collaboration entre le canton et le secteur privé. Concrètement,
l'association Studienaktie.org s'occupera des personnes dont la demande de
bourse a été rejetée par le canton.
Studienaktie.org met
les étudiants en contact avec des investisseurs : si ses revenus sont conformes
aux attentes, l'étudiant devra en reverser jusqu'à 5 %. Studienaktie.org compte
actuellement 220 investisseurs prenant en charge 110 étudiants.
C'est à la fin 2010
que le canton de Lucerne, ayant constaté l'existence de graves lacunes dans le
système des bourses d'étude, a contacté Studienaktie.org pour chercher à
l'améliorer, déclare Lars Stein, fondateur et président de l'association.
Cette coopération a
pour but "l'accès à l'éducation pour tous", ajoute Stein. Les prêts
conclus par l'intermédiaire de Studienaktie.org ne seront pas le seul moyen
pour y parvenir. A la demande du canton, l'association va également contacter
des fondations accordant des bourses. Le processus se déroulera de la façon
suivante : on va d'abord déterminer la contribution que l'étudiant peut
apporter et celle du canton. Si celui-ci ne verse rien, Studienaktie.org
recherchera des fondations susceptibles de contribuer au financement des études
de l'intéressé, explique Stein. Si l'association n'en trouve aucune, elle
cherchera des investisseurs. Stein compte en outre faire intervenir d'autres
organismes, par exemple les établissements d'enseignement supérieur et les
entreprises.
- Elargir le système de bourse
D'après Lars Stein,
les candidats au domaine d'étude peu prometteur sur le plan des revenus
professionnels ne passeront plus à travers les mailles du filet. L'association
soutient déjà des jeunes dont les études ne promettent pas de gros retours
financiers.
Ceci s'explique selon
lui par le fait que les investisseurs ne misent pas uniquement sur la
rentabilité financière, mais aussi sur un engagement personnel et social. Les
personnes ainsi soutenues appartiennent pour une petite majorité à l'université
de Saint-Gall (HSG), mais cela s'explique pour des raisons historiques : c'est
dans cet établissement que Stein a fondé Studienaktie.org en 2006.
Pour Reto Wyss, le
conseiller d'Etat [équivalent d'un ministre] chargé de l'éducation au canton de
Lucerne, cette nouvelle réglementation est une bonne chose car elle n'est pas
synonyme de restriction mais d'élargissement des possibilités. Jusqu'à présent,
un millier de personnes échappaient chaque année au système de bourses
cantonal. Ceci ne devrait plus se produire à l'avenir.
La contribution du
canton devrait augmenter de 500 000 francs suisses [405 000 euros] par rapport
à 2011 et passer à 13,7 millions de francs [plus de 11 millions d'euros]. Les
bourses seront moins nombreuses mais leur montant sera plus élevé, ajoute Wyss.
Comme auparavant, celui-ci ne suffira pas pour vivre et l'étudiant devra
également apporter une contribution personnelle. Le calcul des bourses reposera
sur des coûts plus proches de la réalité. La contribution des parents ne
reposera plus sur le revenu imposable mais sur le revenu réel et le patrimoine.
- "Américanisation" du système universitaire
La loi a été adoptée
le 9 septembre à une forte majorité. Seuls le Parti socialiste et les Verts s'y
sont opposés : ils craignent une américanisation du financement de l'éducation.
Les représentants des étudiants ont également émis des critiques.
Pour l'Union des
étudiants de Suisse (Unes), ce texte permet aux autorités de se dégager de
leurs responsabilités. L'Unes se méfie en particulier du financement par des
investisseurs : elle craint que les étudiants choisissent leur domaine d'étude
en fonction de perspectives financières et de la possibilité de rembourser leur
prêt. Elle voit dans la privatisation un danger pour l'égalité des chances.
L'Organisation des
étudiants de l'université de Lucerne (SOL) dénonce également ce texte et exige
que les parlementaires reviennent dessus. Les prêts privés représentent selon
elle un gros risque pour les étudiants, c'est le meilleur moyen de pousser les
jeunes dans le piège de la dette.
Si la loi est adoptée,
elle entrera en vigueur le 1er avril 2014. Ce n'est qu'alors que le contrat
avec Studienaktie.org prendra également effet. Lucerne est pour le moment le
seul canton à être en négociation avec l'association pour un partenariat, confie
Lars Stein, mais ce système suscite un certain intérêt à l'étranger.
Photo
Le pont de la Chapelle, dans la ville suisse de Lucerne
Source Courrier International
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