Montée du FN
Comment en est-on arrivé là ?
Selon un sondage paru mercredi, le Front
national arrive en tête des intentions de vote aux prochaines élections
européennes. Pour les journalistes étrangers, la montée du FN s'explique avant
tout par la pauvreté du débat politique français.
”Le cyclone Le Pen
effraie l’Europe et maintenant l’Elysée”, écrit le quotidien italien La Stampa après la publication du sondage IFOP
qui place le Front national en tête des prochaines élections européennes, avec
24% des intentions de vote. Il s'agit du second signal d’alarme en trois jours,
poursuit le quotidien italien : ”Dimanche [6 octobre], au premier tour des
cantonales partielles de Brignoles (Var), le candidat du FN a tout raflé en
obtenant un score impressionnant de 40,4% des voix, le double de l’UMP, le
triple de la gauche.”
Le résultat de
Brignoles constitue un premier coup de semonce pour l’Elysée, écrit The Times : ”Le président Hollande a dû faire
la grimace lors de l’élection cantonale partielle en Provence. (…) Imaginez la
tête de David Cameron s’il apprenait que l’UKIP [parti britannique populiste
eurosceptique] a remporté 40% à une élection partielle des Home Counties
[comtés autour de Londres]. Dur.”
Comment en est-on
arrivé là ? s'interrogent les journalistes européens. Il y a avant tout la mue
du FN entreprise par la fille Le Pen, explique The
Times. Une femme politique ”pro gay, pro avortement, mère de trois
enfants, divorcée, qui a travaillé pour débarrasser le parti de son père de ses
oripeaux d’extrême droite traditionnelle, utlra-catho, royaliste et raciste”.
Exit les skins, les discussions douteuses sur la Seconde Guerre mondiale ou sur
la guerre d’Algérie.
Marine Le Pen
« n’a eu de cesse de brouiller les pistes. Pas un jour ne se passe sans
qu’elle n'exhorte les valeurs de la République. Elle a même détourné les idées
traditionnellement défendues par la gauche telle que la laïcité (…). Et elle va
aujourd’hui jusqu’à menacer de poursuites judiciaires toute personne qui
qualifierait son parti d’extrême droite ». Difficile donc de mettre une
étiquette sur le FN, souligne le quotidien anglais. ”Si sur l’économie sa
rhétorique très protectionniste ne convainc pas, sur les questions d'identité
nationale, elle touche un large spectre politique”.
Le vote FN n'est plus un tabou
Si bien qu'aujourd’hui
en France, écrit La Stampa, ”déclarer
son vote FN n’est plus tabou”. Et le quotidien italien de citer les récentes
déclarations d’Alain Delon, qui approuve la montée de l'extrême droite.
Pour la plupart des
commentateurs, la réussite du FN est directement liée à la faillite des partis
traditionnels français. Pour The Times,
ce succès est ”autant dû au charisme de son leader qu’à l’incapacité de ses
opposants à se confronter aux dures réalités d’aujourd’hui. Aucune discussion
sérieuse possible sur des sujets tels que l’immigration, la délinquance,
l’éducation ou la religion sans que les ministres ne finissent par se traiter
de noms d’oiseaux”.
De son côté, El País explique que la droite a
largement contribué à légitimer les idées du FN lors de la campagne de 2012,
”quand Sarkozy copiait le discours islamophobe d’extrême droite”. Le journal
espagnol qui
souligne la radicalisation actuelle de la vieille droite républicaine
désorientée, n'épargne pas les socialistes : ”Incapable d’humaniser
l’esprit comptable froid de l’Europe allemande, Hollande a annoncé les plus
grandes coupes [budgétaires] de l’histoire de France avec 14 millions d'euros
d'économies pour 2014, et n’a semblé n’être de gauche que pour ses positions
sur l’éducation et le mariage gay. Les socialistes ont perdu la grâce de la
gauche radicale et de ses alliés écologistes pour avoir échoué à mettre en
œuvre le slogan, ”le changement c’est maintenant". Le rejet de Sarkozy,
qui a porté Hollande à l’Elysée, s’est dissipé dans une présidence normale,
fonctionnelle, asipide et résignée”.
Dessin de Chappatte, Suisse.
Source Courrier International
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