Juppé jette l’éponge, Fillon
se trumpise
Les désertions
multiples en rase campagne enregistrées cette semaine contribuent à construire
la légende d’un candidat seul contre une technostructure en pleine déconfiture.
Alain Juppé vient de
jeter à nouveau l’éponge dans la course à la présidentielle. Il a prononcé, à
cette occasion, un discours désobligeant pour le candidat officiel, François
Fillon. En creux, tous ceux qui l’ont entendu ont compris que Juppé appelait de
ses vœux une candidature alternative, pour laquelle beaucoup murmurent le nom
de Baroin. Dans la pratique, rien n’exclut que François Fillon ne parvienne à
retourner ces lâchages en une force.
Fillon trumpisé par Juppé
Depuis plusieurs
semaines, cet étrange phénomène politique apparu en 2016, la trumpisation,
guettait François Fillon. À la manière de Trump renforcé, durant sa campagne,
par la guerre que lui a livré l’establishment républicain. Souvenons-nous,
d’ailleurs, que, à l’instar de Fillon, Trump était menacé de destitutions à
quelques jours du scrutin par les dirigeants de son propre camp.
Incontestablement, un
phénomène identique est en train de se produire autour de Fillon. Les
désertions multiples en rase campagne enregistrées cette semaine contribuent à
construire la légende d’un candidat tribunicien seul contre
une technostructure en pleine déconfiture.
L’esprit de 40 triomphe à droite
Paradoxalement, la
grande force de François Fillon réside aujourd’hui dans l’affolement de son
propre camp. Plus les généraux abandonnent la bataille et leur armée, plus le
général en chef apparaît comme l’ultime rempart contre l’effondrement des
officiers supérieurs.
Pour le « peuple
de droite », ce moment est d’abord celui d’une révélation. L’élite des
Républicains dévoile ses cartes. Bien avant la victoire d’un programme, c’est
la volonté de préserver les acquis qui dominent, et la peur de livrer bataille.
L’esprit de 40 s’incarne, et pour beaucoup de militants, cette incarnation
laissera des traces. C’est un peu Vercingétorix lâché par ceux qui n’étaient
pas encore les Bourguignons pendant Alésia. C’est l’état-major qui préfère
l’armistice au combat en juin 40.
Les abandons officiels métamorphosent Fillon
Ainsi, presque malgré
lui, Fillon retrouve aujourd’hui la geste qui a fait sa victoire de novembre.
Donné battu, seul dans une traversée improbable du désert, c’est au peuple de
France qu’il s’adresse directement dans un huis clos dont ses soutiens se sont
abstraits. L’homme qui paraissait embourbé dans une campagne poussive, privé de
ressort, se métamorphose dans l’épreuve. Il incarne la résistance face au poids
étouffant d’une technostructure veule, changeante, obsédée par ses propres
privilèges.
Et c’est probablement
ce que n’ont pas compris ses soutiens qui l’abandonnent : au fond, ces départs,
les électeurs les souhaitent et se disent tous aujourd’hui que la solitude
grandissante de Fillon est la meilleure preuve de la justesse de son combat.
Une présidentielle à l’américaine ?
Dans les prochains
jours, le schéma de la présidentielle devrait donc être posé. D’un côté, les
candidats soutenus par leur parti. De l’autre, un candidat désavoué par son
appareil et dans une relation unique avec le peuple. Si Fillon avait voulu
jouer ce rôle, il n’y serait pas parvenu lui-même. Il a fallu la conjonction
d’une cabale médiatique, d’une instruction judiciaire et d’une conjuration
interne pour façonner cette mise en scène.
Source contrepoints.org
Par Éric Verhaeghe.
Éric Verhaeghe est président de Triapalio. Ancien élève de l'ENA, il est diplômé en philosophie et en histoire. Écrivain, il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Il anime le site "Jusqu'ici tout va bien" http://www.eric-verhaeghe.fr/
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