Faut-il une période de transition
présidentielle en France ?
Aux États-Unis s’est ouverte la
période de transition présidentielle. On s’interroge sur l’absence d’une telle
latence démocratique en France.
Alors
qu’aux États-Unis s’est ouverte une période bien spécifique, celle de la
transition présidentielle, on s’interroge sur l’absence d’une telle latence
démocratique en France. Censé permettre une passation des pouvoirs en douceur
et livrer toutes les clés de l’action présidentielle à l’équipe élue, ce temps
politique est moins anodin qu’il n’y paraît. La France pourrait songer à se
doter d’un tel intervalle.
La période de transition présidentielle qui s’est ouverte
aux États-Unis le 8 novembre dernier n’est pas anecdotique. Au soir de son
élection, Donald Trump est devenu le President elect des
États-Unis tandis que Barack Obama demeure pleinement Président des États-Unis.
Il le restera jusqu’au 20 janvier prochain. À cette date, la main gauche
apposée sur une bible, Donald Trump se prêtera à la cérémonie de prestation de
serment sur les marches du Capitole à Washington DC et deviendra alors
officiellement le 45ème Président des États-Unis.
D’ici
là, pendant 73 jours, les équipes des deux Présidents s’attellent à tout mettre
en œuvre pour permettre une passation des pouvoirs harmonieuse et efficace. Les
États-Unis accordent une place importante à cette période qu’ils ont encadrée
dès 1963, via le Presidential Transition Act,
modifié à plusieurs reprises.
Une transition présidentielle qui
permet une passation de pouvoir en bonne et due forme
En
pratique, les équipes du Président Obama préparent depuis près d’un an cette
transition. Elles ont établi un Conseil de coordination pour la transition
présidentielle (composé de responsables de la sécurité nationale, du territoire
et de l’économie), et ont permis l’installation des équipes de campagne des
deux principaux candidats à quelques pas de la Maison Blanche. Elles livrent
chaque jour des informations confidentielles au Président élu et lui
transmettent les renseignements et les dossiers nécessaires à sa prise de
fonction.
L’exécutif
conduit les affaires du gouvernement de manière à favoriser une passation
ordonnée des pouvoirs présidentiels. Il a même été rapporté que l’équipe du
Président Obama a prévu d’organiser un exercice de simulation de crise afin de
préparer l’équipe de Donald Trump à l’hypothèse d’une menace pour la sécurité
nationale.
Une transition présidentielle
utile au futur Président
Au cours
de ces 11 semaines de transition, l’équipe présidentielle entrante va, quant à
elle, pouvoir procéder à la nomination de plus de 4000 postes au sein des
administrations centrales (Spoil system
oblige), prendre la mesure de la tâche qui l’attend, élaborer des stratégies
pour la mise en œuvre de son programme et préparer au mieux sa prise de
fonction. Cette latence démocratique est donc une période de préparation
intense.
L’enjeu
d’une telle transition présidentielle, longue et méthodique, est de permettre
au Président élu de commencer efficacement son action dès son premier jour
d’exercice du pouvoir. Elle lui permet de prendre le temps nécessaire afin de
procéder aux bonnes nominations, de construire les conditions d’une unité
politique nationale. Cela lui permet aussi d’améliorer le début du mandat de
son équipe et, finalement, d’accroître l’efficacité du futur gouvernement. Ces
avantages ne sont pas vains.
L’exemple
de la transition réussie entres les équipes Bush et Obama fait, à ce titre,
référence. Le fair-play politique avait alors parfaitement fonctionné. Obama
avait ainsi pu signer, dès les deux premières semaines de son mandat, plusieurs
décrets présidentiels. Ces premières actions lui avaient alors permis de lancer
les réformes les plus essentielles de son action présidentielle.
Il est
également possible de noter que dans de nombreuses grandes entreprises, la
passation des fonctions entre deux CEO se déroule pendant plusieurs semaines.
Le responsable entrant peut ainsi bénéficier de tous les conseils de
l’ancienne équipe et d’un temps certain afin d’organiser opérationnellement les
grands axes de ses propres orientations. Cela limite aussi l’impact que
certaines erreurs pourraient engendrer.
En France, la transition
présidentielle n’existe pas
Cette
période comprend donc des avantages réels. Pourtant, la plupart des passations
de pouvoir au sein des démocraties occidentales se passent dans un laps de
temps très bref et de manière beaucoup moins méthodique, notamment en France.
En
France justement, la passation des pouvoirs est issue d’une pratique coutumière
et se veut avant tout solennelle. Le président élu accède à ses nouvelles
fonctions une dizaine de jours seulement après son élection. Il prend la mesure
de sa charge une fois installé à l’Élysée, relativement seul face à ses
nouvelles responsabilités.
Dans une
démocratie solide, résiliente et apaisée, une transition des pouvoirs
relativement longue ne devrait pas inquiéter. Bien sûr, la passation des
pouvoirs constitue forcément un défi pour n’importe quel régime démocratique.
Mais la stabilité politique pourrait paradoxalement sortir renforcée d’une
période de représentation bicéphale du pouvoir, utilement et habilement
organisée.
À
l’heure du court-termisme, cette latence démocratique conduit à repenser la
cadence de l’action politique. Elle lui impose un cycle de recul, de
préparation, d’échange après des campagnes électorales souvent frénétiques et
enclines aux excès. Elle lui permet de se montrer plus efficace au cours des
premiers mois, essentiels, d’un gouvernement. Et si la France songeait à se
doter d’un tel intervalle, dès 2017 ?
Source contrepoints.org
Photo Palais de l’Elysée by Nicolas Nova(CC BY-NC 2.0)
Par Benjamin Boscher.
Benjamin Boscher
Benjamin Boscher est un chroniqueur de "Trop
Libre", site internet de la Fondation pour l’innovation politique. Diplômé
de Panthéon-Assas, il est actuellement étudiant en affaires publiques à
Sciences Po et à l’Essec.
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