lundi 27 mars 2017

Billets-Faut-il une période de transition présidentielle en France ?


Faut-il une période de transition présidentielle en France ?

Aux États-Unis s’est ouverte la période de transition présidentielle. On s’interroge sur l’absence d’une telle latence démocratique en France.

Alors qu’aux États-Unis s’est ouverte une période bien spécifique, celle de la transition présidentielle, on s’interroge sur l’absence d’une telle latence démocratique en France. Censé permettre une passation des pouvoirs en douceur et livrer toutes les clés de l’action présidentielle à l’équipe élue, ce temps politique est moins anodin qu’il n’y paraît. La France pourrait songer à se doter d’un tel intervalle.

La période de transition présidentielle qui s’est ouverte aux États-Unis le 8 novembre dernier n’est pas anecdotique. Au soir de son élection, Donald Trump est devenu le President elect des États-Unis tandis que Barack Obama demeure pleinement Président des États-Unis. Il le restera jusqu’au 20 janvier prochain. À cette date, la main gauche apposée sur une bible, Donald Trump se prêtera à la cérémonie de prestation de serment sur les marches du Capitole à Washington DC et deviendra alors officiellement le 45ème Président des États-Unis.

D’ici là, pendant 73 jours, les équipes des deux Présidents s’attellent à tout mettre en œuvre pour permettre une passation des pouvoirs harmonieuse et efficace. Les États-Unis accordent une place importante à cette période qu’ils ont encadrée dès 1963, via le Presidential Transition Act, modifié à plusieurs reprises.
Une transition présidentielle qui permet une passation de pouvoir en bonne et due forme
En pratique, les équipes du Président Obama préparent depuis près d’un an cette transition. Elles ont établi un Conseil de coordination pour la transition présidentielle (composé de responsables de la sécurité nationale, du territoire et de l’économie), et ont permis l’installation des équipes de campagne des deux principaux candidats à quelques pas de la Maison Blanche. Elles livrent chaque jour des informations confidentielles au Président élu et lui transmettent les renseignements et les dossiers nécessaires à sa prise de fonction.
L’exécutif conduit les affaires du gouvernement de manière à favoriser une passation ordonnée des pouvoirs présidentiels. Il a même été rapporté que l’équipe du Président Obama a prévu d’organiser un exercice de simulation de crise afin de préparer l’équipe de Donald Trump à l’hypothèse d’une menace pour la sécurité nationale.
Une transition présidentielle utile au futur Président
Au cours de ces 11 semaines de transition, l’équipe présidentielle entrante va, quant à elle, pouvoir procéder à la nomination de plus de 4000 postes au sein des administrations centrales (Spoil system oblige), prendre la mesure de la tâche qui l’attend, élaborer des stratégies pour la mise en œuvre de son programme et préparer au mieux sa prise de fonction. Cette latence démocratique est donc une période de préparation intense.

L’enjeu d’une telle transition présidentielle, longue et méthodique, est de permettre au Président élu de commencer efficacement son action dès son premier jour d’exercice du pouvoir. Elle lui permet de prendre le temps nécessaire afin de procéder aux bonnes nominations, de construire les conditions d’une unité politique nationale. Cela lui permet aussi d’améliorer le début du mandat de son équipe et, finalement, d’accroître l’efficacité du futur gouvernement. Ces avantages ne sont pas vains.

L’exemple de la transition réussie entres les équipes Bush et Obama fait, à ce titre, référence. Le fair-play politique avait alors parfaitement fonctionné. Obama avait ainsi pu signer, dès les deux premières semaines de son mandat, plusieurs décrets présidentiels. Ces premières actions lui avaient alors permis de lancer les réformes les plus essentielles de son action présidentielle.

Il est également possible de noter que dans de nombreuses grandes entreprises, la passation des fonctions entre deux CEO se déroule pendant plusieurs semaines. Le responsable entrant peut  ainsi bénéficier de tous les conseils de l’ancienne équipe et d’un temps certain afin d’organiser opérationnellement les grands axes de ses propres orientations. Cela limite aussi l’impact que certaines erreurs pourraient engendrer.
En France, la transition présidentielle n’existe pas
Cette période comprend donc des avantages réels. Pourtant, la plupart des passations de pouvoir au sein des démocraties occidentales se passent dans un laps de temps très bref et de manière beaucoup moins méthodique, notamment en France.

En France justement, la passation des pouvoirs est issue d’une pratique coutumière et se veut avant tout solennelle. Le président élu accède à ses nouvelles fonctions une dizaine de jours seulement après son élection. Il prend la mesure de sa charge une fois installé à l’Élysée, relativement seul face à ses nouvelles responsabilités.

Dans une démocratie solide, résiliente et apaisée, une transition des pouvoirs relativement longue ne devrait pas inquiéter. Bien sûr, la passation des pouvoirs constitue forcément un défi pour n’importe quel régime démocratique. Mais la stabilité politique pourrait paradoxalement sortir renforcée d’une période de représentation bicéphale du pouvoir, utilement et habilement organisée.

À l’heure du court-termisme, cette latence démocratique conduit à repenser la cadence de l’action politique. Elle lui impose un cycle de recul, de préparation, d’échange après des campagnes électorales souvent frénétiques et enclines aux excès. Elle lui permet de se montrer plus efficace au cours des premiers mois, essentiels, d’un gouvernement. Et si la France songeait à se doter d’un tel intervalle, dès 2017 ?


Source contrepoints.org
Photo Palais de l’Elysée by Nicolas Nova(CC BY-NC 2.0)
Par Benjamin Boscher.

Benjamin Boscher

Benjamin Boscher est un chroniqueur de "Trop Libre", site internet de la Fondation pour l’innovation politique. Diplômé de Panthéon-Assas, il est actuellement étudiant en affaires publiques à Sciences Po et à l’Essec.

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