Programme Macron : ce
conservatisme qui avance masqué
Le programme
d'Emmanuel Macron n'est ni libéral, ni centriste : il est clairement
social-démocrate, à la suite des idées de François Hollande et Manuel Valls.
On nous avait promis,
sous le sceau de la supposée complexité de la pensée d’Emmanuel Macron (ce qui
revient à dire, avec morgue et suffisance, que sa prétendue intelligence serait
inaccessible au citoyen), monts et merveilles, clarifications transcendantales
et reformes révolutionnaires, à l’occasion du dévoilement (au sens christique
du terme ?) du programme Macron.
Outre que nombre de
ces mesures avaient été en réalité égrenées au cours des dernières semaines
(dont les plus ineptes, on citera ici pour titillez les esprits libéraux assez
retors pour soutenir Macron, la nationalisation de l’UNEDIC ou encore la possibilité
pour tout démissionnaire de vivre de l’assistance publique en percevant des
allocations chômage), la déception nous a envahi quand nous avons pu enfin
découvrir la philosophie générale de ce programme et son – fragile – chiffrage.
Force est de
constater, à l’aune de ces éléments, que ce programme n’est pas social-libéral
ou même centriste : il est clairement social-démocrate, dans la lignée de
ce que François Hollande, Manuel Valls (oui car malgré la comédie sur le
renouvellement, il était bien conseiller économique puis ministre de ces deux
hommes), et Macron lui-même n’ont pas pu faire aboutir durant le quinquennat
qui s’achève. Il apparaît ainsi qu’En Marche et l’alliance avec Bayrou sont de
plus en plus une répétition sous stéroïdes d’Hollande 2012.
Un chiffrage contestable
Cette continuité est
évidente pour qui analyse un tant soit peu le fameux chiffrage du projet :
les grandes masses financières correspondent point pour point aux objectifs de
Valls, Macron et Hollande au cours des prochaines années, parfois annoncées
pour un horizon 2022. Cette similarité rend d’ailleurs suspect le véritable
exercice de chiffrage par Pisani-Ferry, qui n’a probablement pas eu lieu au
cours de son court mois de service pour En Marche. L’ancien directeur de France
Stratégie (think tank officiel du gouvernement, avec lequel j’ai eu le plaisir
de travailler sur les problématiques de dette européenne) s’est contenté de
ressortir des cartons ses anciennes recommandations récupérées par François
Hollande.
Des exemples de ces
fameux chiffres, égrenés depuis plusieurs années par nos hauts fonctionnaires
rocardiens sans qu’on connaisse le détail de ces arbitrages ? La réduction
des charges de 20 milliards d’euros. Ce chiffre magique correspond en fait à
une grande partie du pacte de compétitivité qui a pris la forme du CICE ;
après sa mise en œuvre, nos énarques se sont aperçus que cette ubuesque usine à
gaz, qui prenait la forme d’une créance fiscale, ne fonctionnait pas. Il
apparaît donc logique de la convertir en baisse de charges pérenne… même si
cette baisse a déjà eu lieu. Magnifique effet d’affichage à prévoir pour une
efficacité quasi-nulle, surtout si la conversion est étalée sur plusieurs
années.
Recyclage des solutions de François Hollande
La réduction des
dépenses publiques fournit un autre exemple du recyclage des mesures
hollandaises. Macron nous annonce 60 milliards de baisse de la dépense publique
(3 points de PIB pour passer en un quinquennat de 57% à 54% du PIB en dépense
publique) : là encore, il s’agit exactement du chiffrage de Valls et
Hollande pour 2022, avec 10 milliards pris sur les collectivités locales, 10
milliards d’euros sur l’assurance chômage grâce à des (sic) « reformes
structurelles » (l’indemnisation même pour les démissionnaires
n’entraînerait-elle pas plutôt un boom de ces dépenses ?), près de 15
milliards en faisant de petites économies « naturelles »
d’organisation (sans que rien ne prouve le réalisme de ces mesures qui de toute
façon ne sont pas appliquées depuis cinq ans) sur la sécurité sociale et
l’hôpital.
On se refuse à tout
changement de paradigme sur la gestion de l’État pour mettre en exergue
certaines mesures d’austérité dont la récurrence dans le débat public ont
peut-être prouvé la vacuité… Sur ce point, on ressort la vieille théorie sur le
non remplacement du départ à la retraite de certains fonctionnaires pour
annoncer 120 000 fonctionnaires de moins en cinq ans.
Un programme d’investissement public insensé
Le programme sur la
dépense publique et la croissance devient véritablement insensé quand Macron
parle de 50 milliards d’euros d’investissement public (2,5% du PIB…) qui ne
sont pas vraiment des investissements, sans faire sourciller aucun journaliste
économique. En comptabilité privée ou publique, un investissement donne
naissance à un bien immobilisé : infrastructure, immeuble, usines. Les
règles d’imputation des dépenses du secteur public local ont par exemple été
précisées par la circulaire interministérielle du 26 février 2002, qui énonce
les critères de distinction entre les dépenses de fonctionnement et les
dépenses d’investissement.
Or le programme de
Macron ne comprend pas 50 milliards d’euros d’investissement en infrastructures
numériques, en actifs de production d’énergie ou autres : il s’agit
essentiellement de dépenses de fonctionnement (salaires) dans l’éducation, la
formation (sans revoir la gabegie de la formation professionnelle) : ces
dépenses de fonctionnement annihilent pour partie les 60 milliards d’économies
annoncées et feront in fine augmenter la sphère publique. Avec la pente
naturelle des dépenses, le quinquennat Macron verra allègrement la dépense
publique franchir le seuil de 60% du PIB et la dette exploser au-delà de 100%
du PIB.
Même arbitrages que Manuel Valls
Sur la fiscalité des
entreprises, Macron reprend exactement les derniers arbitrages de Valls :
une supposée baisse progressive de l’impôt sur les sociétés de 33% à 25% à la
fin du quinquennat… un vœu pieux pour lequel nombre d’entrepreneurs attendent
un plan complet et surtout un financement des mesures.
Enfin, Macron a
décidé, au nom de son opposition factice entre rente et innovation, de
concentrer ses attaques sur l’immobilier (comme il a peu été sur le terrain, ce
dirigeant politique ne s’est pas aperçu que nombre des créations récentes
d’emplois en France devaient plus à la construction qu’aux start-ups) :
simplifier l’ISF est un objectif louable en faisant sortir le patrimoine
professionnel, mais si on se contente de garder tous les actifs immobiliers, on
ne résout pas le problème de tous ces propriétaires subitement assujettis à
l’ISF avec la flambée des prix de l’immobilier.
Un exercice de démagogie
Il aurait mieux valu
étudier un impôt séparé sur l’immobilier résidentiel de luxe. Ses vagues
projets de taxation de la valeur locative sont bien sûr liberticides et
détruiront les épargnants ayant fini de payer leur prêt immobilier. Enfin, son
idée de supprimer la taxe d’habitation pour 80% des Français est un exercice
honteux de démagogie :
a) Il est toujours
facile de supprimer les impôts des autres, puisqu’il s’agit d’une ressource des
collectivités locales, et non de l’État (qu’il commence par proposer un vrai
programme de réduction de la dépense publique).
b) Comme pour l’impôt
sur le revenu, le top 20% des payeurs de cette taxe n’est pas véritablement
constitué de nantis mais plutôt de la classe moyenne, qui va devoir assumer le
coût de cette taxe pour les 80% restant de la population. Monsieur Macron, qui
a financé l’achat de son premier bien immobilier par un prêt du millionnaire
Hermand, ne se rend pas compte des efforts consentis par cette classe moyenne
pour devenir propriétaire.
Le détail des mesures
du programme de Macron rappelle aussi que le candidat parait incapable de
s’extirper de certaines contradictions ou incohérences : juxtaposer
certaines de ces déclarations de ministre ou de candidat avec les
non-arbitrages de son programme sur certains points ne laissera pas
d’étonner. Sur les 35h ? Le 9 Novembre 2016, le candidat s’attaque
aux 35h : « quand on est jeune, 35h,
ce n’est pas long, il faut donc plus de souplesse et de flexibilité » avant
de préciser le 11 décembre : « la
durée du travail restera à 35 heures ». Sur les allocations
chômage ? Le 9 novembre 2016 : « quand
vous avez un taux de chômage à 10%, la dégressivité des allocations est une
mesure injuste », avant de dire le 30 Janvier « la dégressivité fait partie des mesures dont
les partenaires sociaux devront discuter ». Vraiment ? Alors
même que l’UNEDIC serait nationalisée sous Macron ? Comment réconcilier
ces deux déclarations avec son programme ?
Nous ne nous
attarderons pas ici sur la vacuité du programme de Macron sur les questions
régaliennes et de sécurité : alors que les zones de non-droit, les
manifestations violentes, les ignominies terroristes, les attaques quotidiennes
contre les forces de l’ordre se multiplient, il n’est nul besoin de regarder
au-delà de l’économie pour être inquiet d’un quinquennat Macron. Sur le champ
économique, tant d’incohérences et d’impréparation laisse présager cinq ans
d’immobilisme et de souffrances supplémentaires pour les Français, dans la
lignée du quinquennat d’Hollande.
Source contrepoints.org
Photo By: OFFICIAL LEWEB PHOTOS – CC BY 2.0
Par Par Sébastien Laye.
HEC, IEP, Sébastien Laye a développé des sociétés dans le secteur financier aux Etats Unis au cours des cinq dernières années, après une carrière en fonds d’investissement et en banque. Il est franco-américain et écrit régulièrement pour L’Expansion ou FigaroVox. Il est chercheur associé à l’Institut Thomas More.
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