Fillon, Macron, Hamon : cette
élection présidentielle part en vrille !
Si la configuration
Le Pen - Macron se confirme le 22 avril prochain, un événement historique
majeur se sera produit en France. La gauche et la droite de gouvernement auront
été éliminées pour laisser la place à l'inconnu.
Le Pen – Macron. Voilà
le deuxième tour de l’élection présidentielle en l’état actuel de l’opinion.
Les sondages sont concordants : Marine Le Pen dépasse les 25% d’intentions
de vote au premier tour, Emmanuel Macron se situe autour de 25% et François
Fillon autour de 20%. Rien n’est encore joué. Le socle de Fillon ne fléchit
pas. L’engouement pour Macron se poursuit, l’illusion Le Pen également.
Le panorama politique
français devient très inquiétant. Petit tour d’horizon de la situation.
Macron, le centriste révolutionnaire
Si la configuration Le
Pen – Macron se confirme le 22 avril prochain, un événement historique majeur
se sera produit en France. La gauche et la droite de gouvernement auront été
éliminées. Le centre sera opposé à l’extrême-droite au second tour de l’élection
présidentielle. Car Macron a réussi le tour de force de se présenter comme un
révolutionnaire bon chic bon genre (son livre s’intitule Révolution), mais un révolutionnaire qui ne
fait peur à personne tout en donnant de l’espoir à certains. Un centriste
révolutionnaire ! Mais un centriste quand même, qui emprunte à la
social-démocratie et au libéralisme. Cela s’appelle désormais le social-libéralisme :
petite innovation linguistique mais centrisme politique classique.
Les primaires ont accentué le clivage droite-gauche
Les primaires,
présentées comme un progrès de la démocratie, pourraient ainsi aboutir à
marginaliser les deux partis dominants qui alternaient au pouvoir depuis
1958 : LR (avec une multitude de dénominations historiques) et le Parti
socialiste. Le centre, mâtiné d’un peu de libéralisme, n’était parvenu au
pouvoir qu’avec Valéry Giscard d’Estaing de 1974 à 1981.
Autre effet des
primaires : l’accentuation du clivage droite-gauche. En désignant François
Fillon, les électeurs de droite ont choisi un programme conservateur
culturellement et relativement libéral économiquement. Par rapport aux choix
antérieurs des instances dirigeantes du parti (Pompidou, Chirac, Sarkozy), un
glissement à droite s’est produit. Un glissement à gauche peut également être
constaté avec l’élection de Benoît Hamon à la primaire socialiste, l’ancien
frondeur socialiste et ministre démissionnaire prônant un social-écologisme
plutôt coupé des réalités.
Le rejet des candidats issus de primaires
En plaçant en tête des
sondages Marine Le Pen et Emmanuel Macron, le corps électoral global s’oppose
au corps électoral restreint des primaires. Il rejette le résultat des
primaires puisque les deux candidats ayant sa préférence n’en sont pas issus.
Marine Le Pen est considérée par les militants du Front national comme la
candidate naturelle et Emmanuel Macron, fort de soutiens politiques et
financiers, s’est auto-désigné avec un aplomb qui force l’admiration. Dans ces
conditions, les primaires apparaissent actuellement comme un échec politique.
Leur réussite organisationnelle n’y change rien. Si le corps électoral
présidentiel traite par le mépris les candidats issus des primaires, il faudra
bien tôt ou tard, renoncer à singer les pratiques politiques américaines, au
demeurant inadaptées aux institutions françaises.
Les magistrats désignent-ils désormais le
Président de la République ?
L’immixtion du pouvoir
judiciaire dans le processus électoral constitue un autre élément majeur de la
dérive actuelle. Le juridisme obstiné et l’étroitesse d’esprit de quelques
magistrats conduisent à la situation qui vient d’être décrite. François Fillon
serait probablement placé en seconde position si des pratiques très courantes
dans le milieu politique n’avaient été habilement exploitées au moment opportun
pour chercher à le discréditer. Il n’est pas nécessaire de recourir à la
théorie du complot pour énoncer une telle affirmation. Les éléments objectifs
sont là. Tout est une question de perception dans cette affaire
ultra-médiatisée. La présomption d’innocence est constamment violée. Un seul
exemple, mineur mais significatif. L’expression « emplois fictifs
présumés » est employée par de nombreux présentateurs de télévision ou
journalistes de presse écrite. Il n’y a juridiquement aucune présomption de
fictivité ; tout reste à prouver par ceux qui accusent. L’expression est
utilisée à dessein par des journalistes de gauche.
La manipulation de
l’image politico-financière supplante le droit et même la raison. Le patrimoine
de François Fillon représente beaucoup pour le smicard, sans aucun doute. Mais
il reste vraiment très modeste par rapport à celui des dirigeants de grandes
entreprises. Celui qui a été ministre à plusieurs reprises, Premier ministre de
la France pendant cinq ans, ne s’est pas beaucoup enrichi, c’est le moins qu’on
puisse dire. La République ne remercie pas ses serviteurs par ses largesses.
Elle est même très pingre, puisque le salaire net d’un parlementaire est d’un
peu plus de 5 000 € par mois. Ceux qui dirigent l’État et élaborent nos
lois se situent financièrement à des années-lumière de ceux qui dirigent la
vente des yaourts ou des smartphones, les vrais riches.
Le peuple l’ignore
peut-être, mais pas les magistrats spécialisés dans le domaine financier. Avant
tout acte de procédure, ils devraient mettre un point d’honneur à prendre de la
hauteur et à porter sur le sujet un regard large, synthétique, à la fois politique,
économique, institutionnel, historique même. Au lieu de cela, ils se comportent
en petits juristes pointilleux traitant quelques peccadilles financières qui
restent d’ailleurs à prouver. Ce faisant, la magistrature se déconsidère
puisqu’elle confisque le suffrage universel. Le résultat de l’élection
présidentielle pourrait être celui que quelques juges ont souhaité et non celui
que le peuple désirait.
Le vainqueur de la présidentielle pourra-t-il
gouverner ?
Si Fillon l’emporte,
la réponse est positive puisqu’il disposera d’une majorité parlementaire LR et
centriste. Si Macron devient Président, il devra désigner des candidats aux
législatives sous l’étiquette En Marche.
Il y aura des ralliements socialistes et centristes, mais cela ne suffira pas
pour obtenir une majorité à l’Assemblée nationale. Une coalition de plusieurs
partis gouvernera le pays avec le risque d’éclater à tout moment. L’expérience
des frondeurs socialistes montrent abondamment que ce parti, dont le soutien
sera nécessaire, n’est pas prêt au social-libéralisme de Macron.
La dérive de la
magistrature rend de moins en moins improbable l’hypothèse d’une Marine Le Pen
Présidente de la République. Un certain nombre d’électeurs de Fillon se
reporteront sur elle au second tour pour manifester leur mécontentement. Si les
sondages actuels donnent Macron largement vainqueur au second tour, la
situation pourrait évoluer du fait d’événements imprévus, par exemple des
attentats terroristes. L’élection de Marine Le Pen conduirait à un gouvernement
de coalition, mais il est impossible de préciser avec qui. Le risque majeur
réside dans l’impossibilité de constituer un gouvernement disposant d’une
majorité parlementaire. Le pays serait alors ingouvernable.
Source contrepoints.org
Par Patrick Aulnas.
rivagedeboheme.fr
Diplômé d’études supérieures de droit public, ancien professeur agrégé d’économie-gestion, Patrick Aulnas est aujourd'hui blogueur et essayiste.
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