mercredi 15 mars 2017

Billets-Il vaut mieux être curieux qu’intelligent


Il vaut mieux être curieux qu’intelligent

L’inventeur du QI, Alfred Binet, n’a pas inventé le QI dans l’objectif de mesurer l’intelligence. Il cherchait à identifier les élèves ayant des difficultés avec le système éducatif français pour qu’ils puissent retrouver le chemin de l’apprentissage et du succès, d’abord scolaire.

L’idée que l’apprentissage ne se fait pas de la même façon pour tous n’est plus à démontrer.

Il y a un génie en chacun de nous. Mais si on juge un poisson à sa capacité à grimper aux arbres, il vivra toute sa vie pensant qu’il est idiot. – Albert Einstein

Aujourd’hui, alors que l’éducation et la formation se font (ou au moins se conçoivent) tout au long de la vie, de nouveaux moyens de formation apparaissent (notamment les MOOC), permettant à terme à chacun de trouver la meilleure méthode pour apprendre. Quelques étudiants brillants mais vivant dans des pays sous-développés ont par exemple pu être identifiés via Internet où ils suivaient des cours en ligne et soutenus par plusieurs universités prestigieuses.

L’intelligence ne se mesure pas de façon unique, et l’apprentissage ne se fait pas de façon unique. On comprend mieux les dommages causés par le manque de liberté éducative ; les parents de surdoués le savent bien, un rythme ou une méthode inadaptés peuvent conduire un « haut potentiel » au décrochage.

Mais le « haut potentiel », l’intelligence et le talent peuvent devenir eux-mêmes des handicaps. Quand on les conçoit comme innés, quantités fixes, caractéristiques inhérentes de l’individu, il y a de fortes chances qu’on le convainque qu’il est par nature doué. Et le mal est fait.

Le mal, c’est pour l’individu d’adopter cette vision déterministe de l’intelligence, de l’apprentissage et du succès. Il cherchera alors à briller, prouver son intelligence, et se remettra difficilement à la découverte de ses lacunes et échecs. Le mal, c’est de conduire l’individu à penser que ses résultats ne sont pas le produit de son effort.
Les parents sont, certes, de bonne foi ; ils cherchent à rassurer leur progéniture sur ses capacités et parfois s’en émerveillent, ou s’inquiètent de n’avoir su élever qu’un « élève moyen », lent ou souffrant de difficultés de compréhension. Les instituteurs et professeurs ne sont pas en reste ; leurs appréciations orales et écrites peuvent condamner les enfants à considérer leurs capacités impressionnantes ou limitées comme une quantité fixe.

Cet « esprit fixe » (fixed mindset) qui conduit à considérer l’intelligence et le talent comme des quantités fixes conduit selon Carole Dweck (auteur de Mindset) à chercher à avoir l’air intelligent, et développerait une tendance à éviter les défis, abandonner rapidement dans l’adversité, considérer l’effort comme vain, ignorer les critiques et se sentir menacé par les succès des autres.

Si vous êtes le plus intelligent dans la salle, trouvez une autre salle. – Michael Bell
Un « esprit de croissance » (growth mindset) génère un désir d’apprendre, donc une tendance à embrasser les défis, persévérer dans l’adversité, voir l’effort comme voie vers la maîtrise, apprendre des critiques et voir dans le succès des autres une source d’inspiration.

Pour Carole Dweck, nous nous situerions tous quelque part entre esprit fixe et esprit de croissance, mais notre position sur cet axe n’est pas figée. C’est un état d’esprit, qui a d’immenses conséquences sur notre parcours – et, in fine, notre succès.
En valorisant dès le plus jeune âge l’effort des enfants plutôt que leur talent inné, on leur fait don d’une vision d’eux-mêmes et du monde favorisant l’apprentissage et le travail. Ils ont la responsabilité de leur succès.

Dans le cas contraire, nombre d’enfants à potentiel inexploité feront tout pour éviter d’exploiter ce potentiel ; ils préfèreront souvent être médiocres sans effort et sans risque de connaître leurs vraies limites, celles qu’ils peuvent atteindre en travaillant dur. Leur apprentissage sera plus difficile, sauf dans les matières pour lesquelles ils penseront être « doués ».

Et, tout au long de la vie, cette vision suit chacun d’entre nous. Quelle peut être la plus grande ambition d’un « élève moyen » ? Ne vaut-il pas mieux éviter d’être un « bourreau de travail » quand on peut vivre confortablement de ses facilités ?
La culture revêt alors une importance capitale. Quand on sait l’importance de l’effort et le nombre de défis à relever pour entreprendre avec succès, et quand on connaît l’importance de la persévérance pour réussir après plusieurs échecs, on comprend qu’une vision déterministe du talent et de l’intelligence nuit grandement à la création d’entreprise. Ou, plus simplement, à l’acquisition d’une maîtrise permettant d’être compétent et innovant.

Le succès, c’est aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme. – Winston Churchill

Rendez service à vos enfants, collègues, amis : valorisez leurs efforts plutôt que leurs capacités. Même s’ils sont déjà prisonniers d’une vision ou leur talent est inné, et sont plus facilement flattés par la reconnaissance de leur génie que de leur travail, il n’est jamais trop tard pour changer d’état d’esprit. Aidez-les à apprendre de leurs échecs, reprochez-leur leur ignorance plutôt que leur bêtise.

Et rendez-vous service : comprenez que vous n’échouez pas, vous apprenez.
J’ai raté plus de 9 000 tirs dans ma carrière. J’ai perdu presque 300 matches. Pas moins de 26 fois, mon équipe m’a fait confiance pour tenter un panier qui nous amènerait la victoire, et je l’ai raté. J’ai échoué dans ma vie, encore et encore. Et c’est pour ça que je réussis. – Michael Jordan


Source contrepoints.org

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