Il vaut mieux être curieux qu’intelligent
L’inventeur du QI,
Alfred Binet, n’a pas inventé le QI dans l’objectif de mesurer l’intelligence.
Il cherchait à identifier les élèves ayant des difficultés avec le système
éducatif français pour qu’ils puissent retrouver le chemin de l’apprentissage
et du succès, d’abord scolaire.
L’idée que
l’apprentissage ne se fait pas de la même façon pour tous n’est plus à
démontrer.
Il y a un génie en
chacun de nous. Mais si on juge un poisson à sa capacité à grimper aux arbres,
il vivra toute sa vie pensant qu’il est idiot. – Albert Einstein
Aujourd’hui, alors que
l’éducation et la formation se font (ou au moins se conçoivent) tout au long de
la vie, de nouveaux moyens de formation apparaissent (notamment les MOOC),
permettant à terme à chacun de trouver la meilleure méthode pour apprendre. Quelques
étudiants brillants mais vivant dans des pays sous-développés ont par exemple
pu être identifiés via Internet où ils suivaient des cours en ligne et soutenus
par plusieurs universités prestigieuses.
L’intelligence ne se
mesure pas de façon unique, et l’apprentissage ne se fait pas de façon unique.
On comprend mieux les dommages causés par le manque de liberté éducative ;
les parents de surdoués le savent bien, un rythme ou une méthode inadaptés
peuvent conduire un « haut potentiel » au décrochage.
Mais le « haut
potentiel », l’intelligence et le talent peuvent devenir eux-mêmes des
handicaps. Quand on les conçoit comme innés, quantités fixes, caractéristiques
inhérentes de l’individu, il y a de fortes chances qu’on le convainque qu’il est
par nature doué. Et le mal est fait.
Le mal, c’est pour
l’individu d’adopter cette vision déterministe de l’intelligence, de
l’apprentissage et du succès. Il cherchera alors à briller, prouver son
intelligence, et se remettra difficilement à la découverte de ses lacunes et
échecs. Le mal, c’est de conduire l’individu à penser que ses résultats ne sont
pas le produit de son effort.
Les parents sont,
certes, de bonne foi ; ils cherchent à rassurer leur progéniture sur ses
capacités et parfois s’en émerveillent, ou s’inquiètent de n’avoir su élever
qu’un « élève moyen », lent ou souffrant de difficultés de
compréhension. Les instituteurs et professeurs ne sont pas en reste ; leurs
appréciations orales et écrites peuvent condamner les enfants à considérer
leurs capacités impressionnantes ou limitées comme une quantité fixe.
Cet « esprit
fixe » (fixed mindset) qui conduit
à considérer l’intelligence et le talent comme des quantités fixes conduit
selon Carole Dweck (auteur de Mindset) à chercher à avoir l’air intelligent, et
développerait une tendance à éviter les défis, abandonner rapidement dans
l’adversité, considérer l’effort comme vain, ignorer les critiques et se sentir
menacé par les succès des autres.
Si vous êtes le plus
intelligent dans la salle, trouvez une autre salle. – Michael Bell
Un « esprit de
croissance » (growth mindset)
génère un désir d’apprendre, donc une tendance à embrasser les défis,
persévérer dans l’adversité, voir l’effort comme voie vers la maîtrise,
apprendre des critiques et voir dans le succès des autres une source
d’inspiration.
Pour Carole Dweck,
nous nous situerions tous quelque part entre esprit fixe et esprit de
croissance, mais notre position sur cet axe n’est pas figée. C’est un état
d’esprit, qui a d’immenses conséquences sur notre parcours – et, in fine, notre
succès.
En valorisant dès le
plus jeune âge l’effort des enfants plutôt que leur talent inné, on leur fait
don d’une vision d’eux-mêmes et du monde favorisant l’apprentissage et le
travail. Ils ont la responsabilité de leur succès.
Dans le cas contraire,
nombre d’enfants à potentiel inexploité feront tout pour éviter d’exploiter ce
potentiel ; ils préfèreront souvent être médiocres sans effort et sans risque
de connaître leurs vraies limites, celles qu’ils peuvent atteindre en travaillant
dur. Leur apprentissage sera plus difficile, sauf dans les matières pour
lesquelles ils penseront être « doués ».
Et, tout au long de la
vie, cette vision suit chacun d’entre nous. Quelle peut être la plus grande
ambition d’un « élève moyen » ? Ne vaut-il pas mieux éviter d’être un
« bourreau de travail » quand on peut vivre confortablement de ses
facilités ?
La culture revêt alors
une importance capitale. Quand on sait l’importance de l’effort et le nombre de
défis à relever pour entreprendre avec succès, et quand on connaît l’importance
de la persévérance pour réussir après plusieurs échecs, on comprend qu’une
vision déterministe du talent et de l’intelligence nuit grandement à la
création d’entreprise. Ou, plus simplement, à l’acquisition d’une maîtrise
permettant d’être compétent et innovant.
Le succès, c’est aller
d’échec en échec sans perdre son enthousiasme. – Winston Churchill
Rendez service à vos
enfants, collègues, amis : valorisez leurs efforts plutôt que leurs capacités.
Même s’ils sont déjà prisonniers d’une vision ou leur talent est inné, et sont
plus facilement flattés par la reconnaissance de leur génie que de leur travail,
il n’est jamais trop tard pour changer d’état d’esprit. Aidez-les à apprendre
de leurs échecs, reprochez-leur leur ignorance plutôt que leur bêtise.
Et rendez-vous service
: comprenez que vous n’échouez pas, vous apprenez.
J’ai raté plus de 9
000 tirs dans ma carrière. J’ai perdu presque 300 matches. Pas moins de 26
fois, mon équipe m’a fait confiance pour tenter un panier qui nous amènerait la
victoire, et je l’ai raté. J’ai échoué dans ma vie, encore et encore. Et c’est pour
ça que je réussis. – Michael Jordan
Source contrepoints.org
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire