Un prêt-à-penser fourni par le gouvernement
Le Kit Repas Famille (ou
encore #KitRepasFamille en langue 2.0) est une espèce de pense-bête censé
donner réponse à tout sur chaque sujet politique qui viendra immanquablement à
émerger pendant un repas en société – et comment répondre pour montrer que le
pouvoir socialiste a plus d’un tour dans son sac, non mais !
À mi-chemin entre le
bingo et le jeu de l’oie, le style et les sujets abordés montrent qu’on est
dans le plus grand professionnalisme :
Sous chaque vignette,
un argumentaire résumé, destiné à prouver que le Gouvernement Travaille™ et que
si les résultats ne sont pas là, ils ne sauraient tarder. La version web donne
accès à des liens vers un argumentaire « avancé » pour les plus
masochistes ; les autres pourront se limiter à une version à découper et à
coller pour avoir judicieusement le petit manuel socialiste dans la poche au
moment opportun :
– Moi, je le dis
franchement, je n’arrive plus à boucler mes fins de mois.
— …
— Qu’est-ce que tu
fais Dédé à regarder ton pantalon ? On dirait que tu as trouvé un rat au fond
de ta poche ?
— (Dédé, s’éclaircissant la voix) Mais non, tu
es beaucoup plus riche que ce que tu crois ! Le Gouvernement a pris une série
de mesures pour le pouvoir d’achat : baisse de l’impôt sur le revenu pour
certains ménages, réforme du mode de calcul du prix du gaz et de l’électricité,
frais d’agences immobilières réduits (divisés par deux à Paris), encadrement
des loyers à la relocation…
— Certains ménages, pour sûr, mais certainement
pas le nôtre. Et qu’est-ce que tu me chantes sur les frais d’agence immobilière
à Paris ? On vit à Tourcoing depuis seize ans ! Quant au calcul du gaz et de
l’électricité, tu m’excuseras mais ça monte…
— …Sans compter la loi
consommation qui permet de réduire le prix de bien des choses : assurance
emprunteur, produits à lentilles, tests de grossesse…
— Dédé ? Qu’est-ce que
tu baragouines sur ces machins d’assurance dont je n’ai jamais entendu parler ?
Des produits à lentilles ? Des tests de grossesse ? Tu es sûr que tout va bien
? Tu crois que ces machins changent notre pouvoir d’achat au quotidien ?
— Je… Euh… (Dédé fouille nerveusement les petites fiches dans sa
poche alors qu’une vague de sueur le submerge)
Oui, bon, on ne peut
pas gagner à tous les coups.
La propagande
gouvernementale française semble sans limite. On cherchera en vain par quel
texte de loi l’État socialiste s’alloue ainsi l’argent des contribuables pour
faire son autopromotion. Quant aux diplômés communicants derrière l’opération
de comm, on dénichera une photo possible de la fine équipe au détour d’une page
non trouvée sur le site, probablement en pleine séance de brainstorming.
Les réponses choisies
mélangent allègrement le vrai et le faux. Ainsi, à l’assertion « les Français travaillent moins que les
autres » le gouvernement répond que la productivité horaire
française est supérieure à ses équivalents allemands ou anglais – ce qui est
rigoureusement exact. Avec un État obèse représentant 57% du PIB du pays et le
carcan des 35 heures, le secteur privé n’a pas d’autre choix que de lutter
comme un lion pour éviter l’effondrement immédiat, une simple question de
survie. Mais cette vérité-là n’est évidemment pas bonne à rappeler. Alors, à la
place, on a droit à une statistique invraisemblable comme seuls des énarques
peuvent en pondre : « En 2 ans, 1 société
sur 6 a introduit des produits nouveaux qui n’existaient pas sur le
marché. »
Produits nouveaux,
quelle étrange définition ! Selon quels critères ? Quel marché ? Par des
« sociétés » de quelle taille ? Avec quel taux de réussite ? Et
pourquoi sur une période de deux ans ? Ramener cette mesure improbable à une
société sur 12 en rythme annuel faisait moins vendeur, sans doute…
On notera le mélange
pêle-mêle de catégories rigoureusement opposées, comme « le problème c’est l’austérité / le problème c’est que l’État
dépense trop », ou encore « l’État
ne fait rien pour les patrons / l’État fait tout pour les patrons ».
Les auteurs ne s’en cachent même pas, plaçant ces thèmes les uns à coté des
autres sans doute pour susciter une forme d’humour. Le résultat suscite un
certain malaise. Quelqu’un qui défend quelque chose et son contraire ne peut pas être de bonne foi. À moins de
renoncer à la santé mentale, ou à toute représentation réaliste de la réalité.
Mais ce paradoxe est
au cœur du socialisme – le mythe d’une perception de la réalité plus forte que
la réalité elle-même. Le socialisme se joue des mots et les mots représentent
d’ailleurs son seul domaine d’existence. Pour que le socialisme réussisse, il
suffit en théorie que suffisamment de croyants sincères se forcent à scander
« tous ensemble tous ensemble » dans une incantation (les
manifestations, autre symbolisme de la gauche, sont une autre célébration
propice au phénomène) et alors, selon le dogme, la réalité pliera.
L’insécurité est un
« sentiment » – il suffit de la nier, et nous nous sentirons en
sécurité. La croissance est « dans les esprits ». La consommation
dépend du « moral » des ménages plus que de leur réelle situation
économique. La courbe – parlons plutôt de ligne droite – du chômage s’inversera
par la force de la volonté du Président et de son équipe…
C’est le règne de la
pensée magique, mais cette pensée magique est le seul domaine d’influence du
socialisme. Si la prospérité pouvait se payer de mots, le socialisme et
ses avatars auraient été couronnés de succès depuis longtemps. Nous savons qu’il
n’en est rien ; mais inlassablement, parce que c’est sa seule façon d’agir, le
socialisme essaye de formater les esprits, d’embellir la perception de la
réalité, de faire passer des vessies pour des lanternes. Un travail de
bénédictin pour lequel toutes les bonnes volontés sont requises, au point de
devoir fournir un kit de prêt-à-penser en langue de bois jusque dans les repas
familiaux lors des fêtes de fin d’année.
Pitoyable de devoir en
arriver là, et tout aussi pitoyable de penser que pareille opération puisse
sauver la France du naufrage.
Source contrepoints.org
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