La France périphérique de Christophe Guilluy
En faisant usage de la
géographie pour comprendre l’espace national, Christophe Guilluy fait voler les
cadres des anciennes représentations sociologiques et propose une nouvelle
approche du territoire français. Alors que beaucoup d’études séparent le territoire
en trois, métropoles, banlieues, zones rurales, Christophe Guilluy propose
l’analyse d’une France divisée entre un espace mondialisé, connecté aux autres
villes monde grâce à l’effet de métropolisation et un espace périphérique,
composé de villes où les entreprises ferment et où la population subit de plein
fouet le chômage, le déclassement et les difficultés de sortir de cette
situation de pauvreté. Cette partition du territoire, entre une France qui
bénéficie de la mondialisation et une France qui la subit, explique pour partie
les choix politiques. La première France votant pour des partis qui acceptent
la mondialisation, quand la deuxième choisit ceux qui la rejettent.
L’auteur montre que
les anciennes représentations sociales, cols blancs, ouvriers, employés,
immigrés, n’ont plus lieu d’être, car cette nouvelle configuration du
territoire est tout autant une nouvelle configuration sociale. À cet effet,
dans un chapitre stimulant qui ne manquera pas de susciter de nombreuses
polémiques, il montre que les banlieues à forte présence de populations
immigrées sont parfaitement intégrées dans la mondialisation, et que les
populations qui y habitent sont beaucoup moins exclues qu’il n’y parait, et
donc nettement plus incluses dans une France qui n’a pas toujours compris la
nouvelle donne des banlieues.
Cette France
périphérique se sent exclue, car elle est à l’écart des aides, des subventions
et ne bénéficie pas d’un État providence qui sert la soupe des subventions à
d’autres. Cette frustration engendre des mal êtres et des révoltes sociales,
pour l’instant larvées et limitées, mais qui risquent de s’intensifier.
Surtout, l’auteur montre qu’il devient de plus en plus difficile de concilier
les deux France, car comment associer les perdants et les gagnants de la
mondialisation, ceux qui en veulent moins et ceux qui en veulent plus ? C’est
là aussi tout le dilemme des partis de gouvernement, qui doivent choisir un
type d’électorat et élaborer le discours que celui-ci veut entendre.
Alors que les regards
et les inquiétudes étaient tournés vers les banlieues, d’où devaient surgir les
révoltes sociales, elles émergent en réalité des zones périphériques, que les
politiques ont du mal à comprendre, et qui demeurent souvent sans solution
réelle à leur proposer. Ainsi l’exprime l’auteur : « La véritable fracture n’oppose pas les urbains aux ruraux, mais les
territoires les plus dynamiques à la France des fragilités sociales. »
Une fois le livre
fermé on ne peut que reconnaître que le battage médiatique autour de celui-ci
est justifié. Non seulement les analyses sont justes et percutantes, mais
l’ouvrage est écrit dans une langue accessible, ce qui permet au plus grand
nombre de découvrir la richesse de la science géographique. On sait gré à
l’auteur d’avoir inséré un glossaire à la fin de l’ouvrage pour expliquer les
termes techniques que les lecteurs peu familiers des études géographiques
pourraient ne pas connaître.
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