Charlie expliqué aux lecteurs étrangers
Hors de France, Charlie Hebdo reste un objet de
presse assez mystérieux. Les rédactions du monde entier s'emploient à
l'expliquer et à l'illustrer, avec plus ou moins de liberté.
Vu d'Espagne : une tradition française
Dans un éditorial titré "Liberté ou terreur", le
quotidien espagnol La Vanguardia explique à ses lecteurs le symbole que représente Charlie Hebdo de l'autre côté des Pyrénées. "L'hebdomadaire attaqué
s'inscrit dans la tradition de la presse satirique, très ancrée en Europe, mais
particulièrement chez nos voisins français où elle jouit d'une diffusion très
importante depuis la révolution. Charlie Hebdo a cultivé cette
tradition sur un ton particulièrement insolent."
Avec
"ses dessins hauts en couleurs", la revue se moquait de tout et de
tous : "politique, religion, pouvoir, économie", précise la
rédaction, "accumulant les ennemis sur le chemin".
"Mais
dans la société française, souligne l'éditorial, on accepte cela avec patience
et une dose - parfois massive - de stoïcisme, qui correspond bien à ce pays où
la défense des libertés individuelles est assumée et considérée comme l'un des
fondements de la démocratie."
Vu d'Inde : une certaine proximité
En Inde,
de nombreux journalistes ont, au fil des ans, rencontré des membres de la
rédaction de Charlie Hebdo à Paris,
Delhi ou Bombay. Sur la page d'accueil des blogs du site de la chaîne de
télévision New Delhi TV (NDTV), la journaliste française Hélène Ferrarini, qui
a fait une partie de ses études dans une université de la capitale indienne,
explique "pourquoi Charlie Hebdo
est important pour la France".
Le site Scroll.in, dont l'un des
correspondants est un ancien stagiaire de Charlie, fait également la part
belle aux analyses et aux décryptages. Le dessinateur Hemant Morparia relate
ses rencontres avec Wolinski lors de l'exposition de ses dessins organisée à
Bombay en 2008, puis lors de leur exposition commune à La Rochelle. Morparia
explique que "cet artiste avait vraiment une place spéciale en France
(...) Je débattais avec Wolinski de l'intérêt d'être juste un provocateur.
L'intention ou le fond n'étaient-ils pas importants ? Le lectorat du magazine
était déjà acquis à sa cause : Charlie prêchait des convertis
(vous voyez, même si on essaie, on n'échappe jamais à la religion)".
Vu de Chine : le B.a.-ba
Mais de quoi se moque-t-il ? A Hong Kong, le site du magazine Fenghuang Zhoukan,
qui décrit sommairement le journal comme "plutôt à gauche, contre la
dictature, l'Eglise et les institutions", souligne qu'il ne "craint
pas la grossièreté". Il reprend quelques unes brocardant les islamistes,
tout en rappelant qu'il s'en prenait aussi régulièrement à l'Eglise catholique.
"C'est peut-être ce mélange d'irrespect pour la
politique et la religion qui a entraîné la colère de certains", dit pour
sa part le portail
d'information chinois Sina.com.
"Si le magazine a moqué le président Hollande ou le pape, ce sont ses
représentations de Mahomet à la une qui ont le plus retenu l'attention",
affirme le portail, qui se garde pourtant d'illustrer son propos. A la place,
ce sont les couvertures sur Michael Jackson, DSK, Hollande et le clown de
McDonald qui sont présentées pour démontrer l'irrévérence de Charlie.
Vu des Etats-Unis : la liberté de rire
Le site américain Vox tente l'explication par
une présentation de couvertures de Charlie Hebdo "en neuf
dessins". Le pure player choisit celles qui ont le plus suscité la
polémique, et en particulier celle de "Charia Hebdo" qui avait été
suivie de l'incendie des locaux du journal en 2011. Beaucoup de ces couvertures
s'en prenaient aux islamistes, souligne le site, mais "la cible principale
du magazine, c'est la politique française". "Aucune personne, aussi
vénérable qu'elle soit, n'est à l'abri de la satire du magazine", ni le
pape ni Jésus…
"De même que les tours jumelles du World Trade Center
étaient l'un des symboles de la culture américaine - pouvoir, richesse et
ambition de Wall Street - le petit hebdomadaire caustique Charlie Hebdo est un symbole de la tradition satirique française",
explique de son côté The New Yorker.
"Le magazine a toujours célébré la liberté de rire de tout et de tout le
monde. Il perpétue ainsi la tradition de Voltaire, qui raillait les guerres de
religion et l'Inquisition et qui a écrit la tragédie controversée Le Fanatisme ou Mahomet [...] mais également le Traité sur la tolérance".
Charlie "est à la fois décrit comme de
gauche et comme anarcho-libertaire : il pratique une satire désinvolte, sans
ligne idéologique claire", poursuit le magazine américain.
Pour
illustrer son propos, il cite les deux unes de
Charlie du 26 septembre 2012, soit une semaine après la publication de
la deuxième série de caricatures de Mahomet. Sur la première édition, qui
arbore un bandeau "journal irresponsable", un homme des cavernes
tient dans une main une torche allumée et dans l'autre, une calebasse remplie
d'huile. Le titre : "L'invention de l'humour". Sur la deuxième
édition, surtitrée "Fini de rire" la couverture est blanche et barrée
du bandeau "Journal responsable". "Le message était clair,
conclut The New Yorker : pour l'équipe
de Charlie Hebdo, la satire est une
proposition à prendre ou à laisser".
Source courrierinternational.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire