Apologie du terrorisme à 8 ans
Apologie du terrorisme à 8 ans : manipulation
médiatique et consignes ministérielles.
D’abord, la totalité des médias ont titré « un
enfant de 8 ans entendu par la police ». Alors qu’évidemment, c’est plutôt le
père qui a été convoqué avec son fils. Mais c’est plus banal et moins
accrocheur.
Ensuite, le père est
venu avec « son » avocat. Car il est très commun qu’un citoyen lambda, convoqué
pour être entendu par la police, se déplace avec son avocat, qui a d’ailleurs
tenu au courant ceux qui pouvaient le lire sur twitter.
Comme le hasard fait
bien les choses, c’est ensuite France Info
qui signale que le Comité contre l’islamophobie « suit le dossier ». On serait
à l’affût du moindre événement sortant de l’ordinaire on ne s’y prendrait pas
autrement.
Bref, tout est mis en
œuvre pour que l’on constate que, ciel, il y a des enfants qui prononcent un
mot interdit ; et avec émerveillement que l’État met tout en œuvre pour lutter
contre le terrorisme.
Cette affaire comporte
cependant un élément plutôt stupéfiant : l’école a fait un signalement parce
qu’un enfant de 8 ans semait le trouble en soutenant le terrorisme et que son
père prenait assez mal les remontrances. Des instituteurs, un directeur, du personnel,
se sentent dans l’obligation de prévenir la police (certes il y a des consignes
ministérielles, avec tous ces dépliants et ces sites qui expliquent à quoi on
reconnaît un futur djihadiste), se déchargeant par là-même de leur autorité et
de leur responsabilité. Ils appellent au secours un autre service de l’État
pour gérer une situation qui les a dépassés. Ou pour faire du zèle en
appliquant à la lettre les consignes ministérielles.
Voilà pourquoi on en
est là aujourd’hui : parce que si même des enseignants lèvent le doigt pour
crier « monsieur l’agent, venez vite, le garçonnet il a dit un gros mot »,
c’est qu’il y a un problème non seulement dans le système scolaire, mais aussi
dans le recrutement du personnel enseignant.
Qu’un gamin tente de
franchir la ligne rouge d’une façon ou d’une autre (comportement, agressivité
verbale, voire physique si aucune opposition ne se produit) est un phénomène
quotidien à l’école, et même qui se produit à longueur de journée. C’est un test.
L’enseignant qui ne passe pas ce test et appelle tout de suite quelqu’un
d’autre prouve qu’il ne sait pas gérer la situation et qu’il s’est trompé dans
son choix professionnel.
Dans tous les cas
faire des signalements ne peut pas être la solution magique pour résoudre le
problème. Cela montrera simplement l’agitation des ministres qui s’évertuent à
« faire quelque chose », un peu comme un médecin face à un malade incurable à
qui il rédige quand même une petite ordonnance pour ne pas s’avouer à lui-même
qu’il ne peut pas le soigner et qu’il n’y a rien à faire.
Avant l’histoire de Charlie Hebdo, ce type de trouble à l’école
existait déjà. Point n’est besoin de prononcer le mot « terrorisme » pour avoir
un comportement déplacé. Alors que faisaient les enseignants avant ? Soit ils
ne faisaient rien, et cela confirmerait qu’on tolérait certains discours, sans
se tenir pour personnellement responsable du climat qui règne dans une classe.
Soit ils sévissaient
en toute discrétion. Et l’intervention de l’État pour régenter dorénavant ce
qui se passe à l’école aboutit exactement à cela : les enseignants ne prendront
plus de mesure par eux-mêmes mais feront appel à l’instance officiellement chargée
du terrorisme. Puisque le mot a été prononcé. Donc en renforçant les mesures de
« détection » des élèves « problématiques », l’État enlève aux enseignants le
peu d’autorité qu’ils avaient encore.
Exactement comme
l’État a enlevé à ces pères venus du Maghreb leur autorité sur leurs enfants,
en les faisant convoquer pour la moindre fessée, substituant à leur autorité
qui s’exprimait sur un mode différent (qu’on peut avoir envie de contester ou
non) le laxisme post-soixante-huitard, sur le mode « les enfants doivent
s’exprimer » ou l’infantilisant « vous n’avez pas le droit de … ».
Non, décidément, quand
l’État intervient au lieu de laisser à chaque individu son bon sens et sa
responsabilité, et qu’il érige en politique nationale un comportement délateur,
on court à la catastrophe.
Source contrepoints.org
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