Hollande… crédibilité 14%
C’est avec un peu
d’étonnement que j’ai appris que Hollande allait intervenir sur les médias,
étonnement qui s’est rapidement mêlé de consternation en entendant ce que le
président avait à dire. Cela méritait-il vraiment d’interrompre toutes les
rotatives et tous les journalistes en radio ? Franchement, je me demande.
Parce qu’en cinq
minutes d’une intervention menée à un rythme qui ne ressemblait pas à celui,
lancinant, qu’il impose d’habitude à ses auditeurs, ce qu’il a dit n’a pas
franchement cassé des briques.
Après avoir passé un
petit savon sur les électeurs du FN, qui n’ont vraiment pas été gentils, lui
font mal à sa France et mettent ce beau pays, le phare de la Liberté et des
Droits de l’Homme, dans une sale posture vis-à-vis des autres membres
européens, Hollande a fermement décidé de faire porter le chapeau à son
prédécesseur et à la conjoncture très difficile (mais surtout pas lui), puis
s’est fixé comme mission de réformer la France et de réorienter l’Europe, parce
que bon, ça suffit à la fin, maintenant, c’est décidé, il faut faire des
choses.
Voilà donc le
capitaine de pédalo qui annonce vouloir agiter ses petites cannes de serin pour
draguer derrière lui tout le paquebot européen. On y croit très moyennement,
d’autant moins que son frêle esquif a encore rétréci au lavage électoral, et ne
mesure plus guère qu’un petit 15% (si on oublie l’abstention, et 6.1% sinon).
Mais il y tient : avec sa nouvelle légitimité turgescente et vigoureuse, il va
réorienter l’Europe, d’autant plus qu’il va mener une réforme du Tonnerre De
Brest en France, vous allez voir, ça va cogner du chaton mignon.
Oui, vous avez bien lu
(et pour les plus courageux d’entre nous, vous avez bien entendu), il entend
réformer la France à grand coup de plans d’actions, de pactes trucs et de
dépoussiérage institutionnel machin. Cette affirmation soudaine à vouloir
changer les choses interroge. D’une part, on se demande pourquoi il ne s’y est
pas mis plus tôt. Même en imaginant qu’il lui ait fallu un an pour prendre la
mesure de l’ampleur de la crise, la deuxième année aurait largement dû être
consacrée à mettre en place les réformes structurelles qui permettraient,
justement, de relancer la croissance, ou, au moins, de stabiliser la situation,
arrêter l’hémorragie d’emplois, de reboucher les paniers percés des
administrations, bref, insuffler un vrai vent de réformes profondes.
D’autre part, on
attend toujours les détails de ses pactes divers et variés, annoncés pour
certains depuis la fin de l’année dernière. Si la mise en place des réformes
demandera bien évidemment du temps, annoncer précisément de quoi il va
retourner n’en prend guère, et composer des grandes lignes pour préparer
l’opinion à ces réformes ne nécessite surtout que du courage. Les données, on
les a depuis des lustres. Les domaines d’actions sont connus. Les méthodes ne
sont, malheureusement, pas pléthore et les marges de manœuvre ont même tendance
à se réduire, ce qui laisse peu de place aux tergiversations chronophages. Mais
apparemment, l’actualité a été trop chargée ces derniers temps puisque nous
n’avons eu ni les grandes lignes, ni le détail de ces réformes, juste leurs
noms sous forme de slogans publicitaires et de jingles acidulés.
Et du côté européen,
il prétend pouvoir réorienter tout le paquebot Europe. On se demande où il est
allé pécher une idée pareille, mais deux petites secondes de réflexion montrent
qu’il ne le pourra pas. D’abord, parce que le Parti Populaire Européen (la
droite européenne, donc) a toujours la dragée haute. Ensuite, il faut bien
admettre qu’actuellement, ceux qui ont le vent en poupe, ce sont largement plus
les anti-européens que les pros, et certainement pas le PSE (parti socialiste
européen) qui a perdu pas mal de sièges et n’a toujours pas la majorité au
parlement. Et enfin, les récentes élections, toutes bleues marines
furent-elles, n’ont pas changé la donne européenne : les équilibres sont
identiques, les gugusses sont globalement les mêmes. Hollande n’a rien pu
réorienter en deux ans d’Europe, on ne voit pas ce qui pourrait changer
maintenant. Et ce n’est certainement pas avec sa nouvelle crédibilité qu’on
n’aperçoit plus maintenant qu’avec un microscope à balayage électronique qu’il
va pouvoir déclencher autre chose que des sourires amusés parmi ses collatéraux
à Bruxelles.
Avant même d’avoir
entendu le chef de l’Exécutif s’exprimer sur les résultats de campagne, il
était légitime de se demander s’il y avait réellement matière à commenter de sa
part.
Après tout, le peuple,
souverain, a voté, et a mis une solide calotte aux partis de
gouvernement : il n’y a guère à discuter. Après tout, l’élection implique
des députés européens, et si elle est probablement un défouloir pour les
électeurs, ne change pas l’équilibre des forces en présence dans le jeu
national : il n’y a donc en France rien qui change fondamentalement. Après
tout, le bonhomme est en place pour encore trois ans et peut, si cela sent
vraiment le roussi, dissoudre l’assemblée ; moyennant le scrutin à deux
tours, il aurait probablement une droite pas trop extrême en face de lui
pendant le reste de son mandat, ce qui sera amplement suffisant pour la griller
définitivement et être réélu quasiment dans un fauteuil. Bref : même un
échec pareil ne le remet pas directement en cause.
Alors, sérieusement,
pourquoi a-t-il pris la parole ?
Quel conseiller à
moitié débile lui a proposé une manœuvre aussi délicate, et pire, quel
hydrocéphale lui a pondu un texte à ce point navrant ? Prendre la parole
devant le peuple à la suite d’une telle rouste demande effectivement du
courage, mais cela se transforme en pure inconscience si c’est pour ensuite se
placer, encore une fois, dans un nouveau piège rhétorique. C’est à se demander
si Hollande, parfaitement conscient de son inamovibilité, ne se moque pas
ouvertement du peuple français. Alternativement, il est totalement inconscient
du décalage de son attitude par rapport à ce qui est demandé et ne comprend pas
qu’ajouter une grosse louchée de langue de bois sur la débâcle de dimanche ne
fait qu’attiser l’irritation générale, tant chez ses opposants que, pire, chez
ses partisans (dont le nombre continue de diminuer).
De façon claire,
prendre la parole pour un résultat aussi calamiteux laisse pour le moins
perplexe. Si l’on écarte la possibilité qu’il ait lancé cette idée en l’air,
pour rire, entre deux tartines au petit-déjeuner, et que tout son staff, aussi
servile que perdu, ait embrayé aussi sec, on est forcé d’imaginer que cette
prise de parole répond à une stratégie particulière. Bien évidemment, on en
sera réduit aux pures spéculations, mais peut-être le message d’hier ne
s’adressait-il finalement pas aux Français. Peut-être était-il plutôt dirigé
vers l’extérieur, ce monde qui nous regarde un peu, consterné par les
résultats, et que Hollande a bien maladroitement tenté de rassurer, tant sur le
plan politique que sur le plan économique avec ses promesses de réformes, pour
l’instant sans substance concrète. Peut-être aussi ce message s’adressait-il à
ses propres troupes sur le mode « Tenez bon, j’ai compris qu’on barbotait
dans le purin, on va s’en sortir », impossible à faire avaler.
Difficile à savoir. La
seule impression qui surnage est que le chef de l’Exécutif semble s’être fait
dicter sa conduite par un parti tiers, qu’il est balloté par les événements et
ne montre aucun signe de savoir où il va… mais qu’il y va quand même, à tout
hasard.
Vraiment, tout ceci
n’est pas très rassurant.
Source contrepoints.org
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