Démagogie fiscale et populisme
Le
gouvernement socialiste vient de s’apercevoir que les mesures fiscales qu’il
avait instaurées depuis deux ans frappaient aussi les foyers les plus modestes.
L’année 2012, en effet, a été la première année depuis cinq ans où plus de 50%
des Français ont payé un impôt sur le revenu. Au cours des quatre années
précédentes, 53% d’entre eux n’en payaient pas.
Manuel
Valls avait annoncé le 11 mai 2014, au journal de TF1, que des mesures seraient
prises dès cette année pour supprimer l’impôt sur le revenu des personnes
gagnant de 1,2 à 1,3 fois le smic : « Il y a à peu près 650 000
ménages qui sont entrés dans l’impôt et qui doivent en sortir. »
« Le
but est de supprimer l’impôt sur le revenu d’un plus grand nombre de personnes.
En 2010, 17 millions de Français payaient l’impôt sur le revenu, et ils étaient
20 millions en 2013. C’est trop, il faut absolument que ça
baisse ! », avait encore déclaré le Premier ministre, le jeudi 15 mai
2014. Et dès le 16 mai, au micro d’Europe 1, il expliquait encore qu’il voulait
supprimer l’impôt sur le revenu pour 1,8 million de ménages, soit environ 3
millions de Français.
Le nombre de contribuables...
.
En
millions - Source "Les Echos" / DGFIR
La
réduction serait applicable dès cette année et calculée sur la base du revenu
fiscal de référence, ce qui correspond au montant net imposable, après
abattements et application du quotient familial, en même temps qu’elle ouvre
certains droits (prime pour l’emploi) ou exonère de certains autres impôts
(impôts locaux, redevance, etc.). Les seuils seraient de 14 000 euros pour un
célibataire, 28 000 pour un couple, 38 000 pour un couple avec trois enfants, a
précisé Matignon.
Par
exemple, un célibataire ayant un revenu fiscal d’environ 14 000 euros n’aurait
donc plus à payer l’impôt sur le revenu, a proposé M. Valls. Ce serait la
même chose pour un couple avec trois enfants et 38 000 euros environ de revenus
annuels. Un couple de retraités percevant chacun une pension de 1 200 euros par
mois verrait son impôt passer de 1 000 euros environ à 300 euros, tandis qu’une
famille, gagnant environ 3 600 euros brut par mois, serait exonérée d’impôt.
La rupture de la démocratie
Mais les
personnes exonérées d’impôt sur le revenu bénéficient aussi d’une exonération
ou d’un allègement automatique de la taxe d’habitation.
Sont
notamment exonérés de la taxe d’habitation afférente à leur habitation
principale, les personnes âgées de plus de 60 ans, ainsi que les veufs ou les
veuves quel que soit leur âge, sous réserve que leurs revenus de l’année
précédente n’excèdent pas une certaine limite, fixée pour 2014, à 10 633 € pour
la première part de quotient familial, et à 2 839 € pour chaque demi-part
supplémentaire ; et qu’ils ne soient pas passibles de l’impôt de
solidarité sur la fortune (ISF) au titre de l’année précédente.
Les
contribuables qui ne bénéficieraient pas des mesures d’exonération visées
ci-dessus, se verraient accorder un dégrèvement, si leurs revenus de 2013
n’excédaient pas la somme de 25 005 € pour la première part du quotient
familial, majorée de 5 842 € pour la première demi-part supplémentaire, et de 4
598 € à compter de la deuxième demi-part.
Celui-ci
serait égal, en principe et, sous réserve d’autres réductions liées aux
modifications apportées par les collectivités locales aux abattements qu’elles
peuvent pratiquer, à la fraction de la cotisation de taxe, qui excède
3,44 % du revenu, diminué d’un abattement fixé à 5 424 € pour la première
part de quotient familial, à 1 568 € pour les quatre premières demi-parts
supplémentaires, et à 2 773 € pour les autres demi-parts. Ainsi, par exemple,
un couple marié, ayant deux enfants à charge, pourrait bénéficier à titre
exclusif ou principal du dégrèvement au titre de 2014, si ses revenus de 2013
n’excèdent pas 44 641 €. Et pour le calcul du dégrèvement, ces revenus feraient
l’objet d’un abattement de 11 696 €.
Comme
par ailleurs le gouvernement veut éviter que ceux qui ont été exonérés d’impôt
redeviennent assujettis trop rapidement, une moitié de Français se trouverait
ainsi pour longtemps à l’abri de l’impôt. Non pas que les plus pauvres ne
payent pas d’impôt, puisqu’ils supportent aussi la TVA, mais ce pourcentage de
Français n’aura plus de liens avec l’impôt direct : l’impôt désagréable, -
par lequel pourtant chacun prend conscience du prix de sa participation à la
vie sociale. Une moitié de Français pensera que l’on peut - exiger des repas
gratuits et réclamera toujours plus, dans la mesure où elle en ignore le
prix.... Une autre moitié de Français se dressera contre la première, qu’elle
va accuser très vite de ne pas participer à l’effort commun. Et celle qui ne
participera pas, verra de moins en moins l’intérêt de sortir de sa médiocrité,
dans la mesure où elle sera entretenue par l’Etat au prix des efforts des
autres.
Un financement aléatoire
Car ce
sont les autres qui paieront bien sûr ! Pour le moment, M. Valls a
évalué le coût de la mesure à un milliard d’euros, qu’il compte financer grâce
« à la lutte contre la fraude fiscale ». Il attend les rentrées
fiscales, aléatoires, de Français qui vont régulariser cette année leurs
comptes étrangers, afin de financer une mesure durable ! Il ne voit qu’à
court terme, en attendant une croissance du PIB, dont il se fait le héraut, en
même temps qu’il la rend impossible par sa politique qui multiplie les charges
pesant sur ceux qui seraient aptes à créer de la richesse.
De
manière étonnante et salutaire, Valls a rappelé publiquement la
situation : « Entre 2010 et 2012, la droite a augmenté les impôts de
30 milliards. Et entre 2012 et 2014, la gauche les a augmentés aussi de 30
milliards ! Cela suffit, c’est trop ! Trop d’impôts, selon la vieille
formule, tue l’impôt et tue surtout la compétitivité de notre pays". Mais
s’il charge la mule des uns, pour alléger celle des autres, s’il aggrave la
déchirure entre la France qui travaille et la France assistée, il aggravera
d’autant la situation plutôt que de l’améliorer ! C’est déjà par la faute
de cette politique, que se poursuit la hausse du chômage et la panne de la
croissance du PIB.
La seule
solution serait de baisser les impôts de l’ensemble des Français, en faisant en
sorte que tous le payent... au moins un peu..., afin de fixer entre eux le
sentiment d’appartenance à une même communauté. Un impôt sur le revenu unique
et proportionnel, à taux bas (15% ?) et sans niches, représenterait une
solution dont le rendement serait supérieur au rendement actuel de l’impôt sur
le revenu, ce qui permettrait de structurer les assurances sociales, notamment
pour laisser à la charge de la collectivité ce qui relève de sa responsabilité
propre : les prestations familiales et la solidarité sociale. Les plus
modestes verraient ainsi leurs charges sociales baisser en compensation de leur
impôt sur le revenu. De surcroît, ce devrait être l’occasion de rendre aux
salariés la responsabilité de leurs assurances sociales auprès de caisses
publiques, mutuelles, ou privées, dont la concurrence permettrait de faire
baisser les cotisations.
Mais le
gouvernement Valls continue de réformer par petites doses et de procéder par
des coups de rabot, qui n’empêcheront pas les dépenses publiques de progresser
en volume de 0,1% par an jusqu’en 2017, conformément à un programme, dit
"de stabilité" ! La réforme nécessaire n’est pas en vue... Au
contraire, c’est la démagogie qui, s’emparant plus que jamais de la politique,
favorise ainsi un populisme dont les élections européennes vont témoigner…
Source Institut de recherches économiques et fiscales
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