Entretien avec Cécile Philippe
Pour la reconnaissance mutuelle des cadres
réglementaires de l’Union européenne
- Vous nous proposez une idée neuve décapante, en quoi consiste-t-elle ?
Cécile Philippe : C’est de permettre à toute personne physique ou
morale de l’Union européenne d’opter pour le cadre légal de son choix. L’Union
européenne s’est construite au fil des ans de façon à fluidifier les échanges.
Il s’agirait d’aller encore plus loin, en franchissant une nouvelle étape. À
l’image des entreprises, qui prévoient dans leurs contrats la juridiction qui
tranchera en cas de litige, les personnes physiques ou morales pourraient opter
pour le droit de l’Union européenne de leur choix, sans avoir à déménager.
- Concrètement, comment est-ce que cela marcherait ?
Cécile Philippe : Que vous soyez entreprise ou personne physique
vous pourriez opter pour un cadre règlementaire de l’UE indépendamment de votre
localisation. Par exemple une entreprise ayant son siège social à la Défense
devrait pouvoir se mettre sous l’emprise du droit néerlandais, sans qu’elle ait
besoin de se déplacer. Un Français résident à Lille pourrait opter pour le
droit belge, sans qu’il lui faille déménager. La personne morale ou physique
aurait les charges et prestations associées au cadre règlementaire qu’elle
choisirait et serait considérée comme établie à l’étranger.
- Pourquoi cette proposition ?
Cécile Philippe : Distinguer la localisation du droit applicable
permettrait de rompre avec une spirale inquiétante. Depuis plusieurs années, on
assiste à des déplacements de sièges sociaux de la France vers d’autres pays de
l’UE, proposant un cadre règlementaire plus propice au business. Arcelor
Mittal, Solvay, EADS, ST Micro-electronnics, Publicis, la liste est longue. Et
c’est sans compter les entreprises qui déplacent leurs équipes de direction à
l’étranger, en ne laissant chez nous que des sièges sociaux allégés. Nombre de
ces entreprises seraient restées en France si l’on avait été capable de leur
proposer un droit plus accueillant. Alors, pourquoi ne pas les laisser choisir
ce droit qu’elles jugent plus propice, tout en leur permettant de rester en
France ? Au final on y serait gagnant, car les emplois resteraient chez
nous, ce qui profiterait à notre économie.
Quand on regarde au
niveau des individus, on connait tous des personnes qui partent à l’étranger.
Promenez-vous dans les rues de Londres, et vous rencontrerez des Français de
tous les âges, établis outre-Manche pour des raisons économiques. Nombre d’entre
eux seraient restés chez nous si on avait su leur fournir un cadre plus
propice. Au lieu de les laisser partir, avec ou sans exit tax, ce qui nous appauvrit, offrons leur une alternative
leur permettant de rester en France. Ces personnes ne seront pas un surcoût,
puisqu’elles n’auront plus accès aux prestations françaises, mais elles
continueront de vivre et consommer chez nous. In
fine, on y gagnera.
- N’avez-vous pas peur que cette proposition n’encourage la concurrence fiscale ?
Cécile Philippe : La concurrence fiscale est une réalité, et rien
ne l’arrêtera. Certains prétendent qu’on pourrait harmoniser les fiscalités au
niveau européen, mais il s’agit d’une chimère et pendant qu’on perd du temps,
la situation empire. Lorsqu’on augmente les impôts, David Cameron se félicite,
il sait que cela va attirer chez lui encore plus de talents. Laissons au moins
les entreprises et les individus rester chez nous, pour qu’ils continuent à
enrichir la collectivité, plutôt que de les pousser à l’exil.
Source Institut économique Molinari
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