Européennes… ça bouge !
Au-delà des batailles de chiffres et querelles
de chapelles, le verdict des élections européennes en France est à la fois
inquiétant, et porteur d’espoir.
Inquiétant parce que :
- Si l’on rajoute les voix des deux Fronts (National et de Gauche), on obtient 34% des voix. Bien sûr, le taux d’abstention très élevé (entre 56% et 58%) fausse les proportions mais le tiers environ des Français qui se sont déplacés aux urnes ce dimanche ont fait un choix protestataire et populiste. Protestataire car ces deux partis sont en opposition avec le système en place. Populiste parce que les solutions que ces deux partis suggèrent sont à la hauteur de leur discours protestataire : elles tiennent plus du rejet de l’ordre établi que de la recherche de solutions concrètes et opportunistes, plus de la recette de grand-mère que de la stratégie réfléchie et qui a fait ses preuves ailleurs ou plus tôt dans l’histoire économique…
- Le parti au gouvernement, qui accumule les échecs depuis deux ans, et qui malgré cela, continue de discourir et de travestir les faits aux Français, ne représente plus que 14% et quelques. Si l’on compare aux résultats obtenus dans les autres pays européens, il est évident que le rejet du gouvernement actuel a pesé très lourd dans la balance. Structurellement, une bonne partie du vote populiste s’explique vraisemblablement par l’impuissance publique actuelle. Il s’agit, à l’instar et dans la continuité des municipales, d’un vote sanction sévère à l’attention du Président français et de son gouvernement.
- Même si additionnés entre eux, les partis de droite modérée, non étatiste, et « plutôt non anti-libérale » (il faut rester nuancé car en France, même la droite est un peu de gauche) arrivent en tête avec près de 30% des voix, le principal parti de l’opposition qui puisse se targuer d’être crédible en tant que présidentiable, a également été lui aussi méchamment sanctionné. Contrairement aux municipales, élections qui ont peut-être fait illusion à son sujet, lors de ces européennes, la présidence bancale de l’UMP paie (enfin ?) le prix de ses conflits et du fait générateur, celui qui est un peu à l’origine de tous ses errements : la fausse-vraie élection de son premier secrétaire. Ce parti qui aurait dû faire un carton sur les décombres d’un gouvernement de gauche plus qu’aux abois (il cumule en effet tous les échecs : chômage, dette, et pression fiscale, c’est-à-dire le comble du ratage) se fait tout simplement descendre (il ne représente que 20% des voix exprimées), après avoir sans doute un peu trop trompé ses militants et les électeurs en voulant ne pas traiter le problème à sa racine, tout cela probablement pour des raisons d’ego et/ou de calcul à plus ou moins long terme de la part de certaines ambitions politiques… Au lieu de compenser l’artificialité handicapante de l’élection de son premier secrétaire, sa direction quasiment bicéphale n’aura fait qu’accroitre ses blocages internes.
Mais porteur d’espoir car pour ces élections
européennes, les Français se sont laissé aller et se sont même défoulés. Avec
une certaine rugosité d’ailleurs. Il en résulte plusieurs avantages :
- Au niveau national, le gouvernement actuel, totalement à la rue, qui a perdu deux ans et dont le Président a sauvé sa peau récemment en nommant premier ministre probablement le seul joker compétent qu’il pouvait trouver au sein de sa famille politique, se trouve sous une pression encore plus forte. C’est presque dommage pour ceux qui seraient prêts à croire en la réussite de M. Valls, mais cela devrait inciter le gouvernement à se remettre encore plus en question, et puisse-t-on rêver, cela pourrait pousser le Président à prendre des décisions radicales à la mesure de son incapacité avérée (et dangereuse). Imaginons un instant qu’il soit habité par une certaine forme d’abnégation, qu’il ait le sens du ridicule ou encore celui du devoir patriotique. Il pourrait en sortir grandi, et éviter par la même occasion de trainer ad vitam aeternam au fond des poubelles de l’histoire…
- Au niveau européen, cela fait rentrer certes en nombre limité, mais suffisamment bruyamment, des députés prêts à tout, notamment à parler cru et à oser nommer les problèmes actuels des démocraties déclinantes comme la nôtre. Un peu d’anti-européanisme (à dose supportable au vu du nombre de députés) au sein du Parlement Européen peut sans doute titiller les conservatismes, remuer les mauvaises habitudes, et réveiller certaines torpeurs…
En réalité, le score
du FN n’est pas si dramatique car ce parti ne trouvera pas si facilement des
alliés au Parlement Européen lui permettant de passer à l’acte et de mettre en
œuvre ses remèdes de rebouteux. Et puis, nous sommes en démocratie, et le FN a
au moins un mérite, celui d’exprimer la profonde défiance de la part d’une part
croissante de la population française vis-à-vis de sa classe politique, ce qui
n’est pas rien ! Cela devrait finir par payer.
Enfin, en France, même
si l’enjeu de ces élections européennes n’était que relativement peu
domestique, le mauvais score de l’UMP doit servir de détonateur salvateur. Face
à un Parti Socialiste qui, selon les mots même de l’actuel Premier Ministre, a
un problème, celui « de ne jamais avoir
réussi à se libérer de la nostalgie marxiste », il est urgentissime
qu’une force crédible, indiscutable et exemplaire dans son comportement comme
dans ses propositions émerge clairement et torpille chaque fois qu’il est
possible le gouvernement actuel afin d’interrompre au plus vite cette chronique
d’un échec annoncé qui a déjà coûté beaucoup trop d’argent et de malheurs
individuels en seulement deux ans.
Source contrepoints.org
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