Opération du ligament croisé
Vous avez été victime d’une rupture du ligament
croisé antérieur du genou. On vous a décrit l’intervention chirurgicale et les
suites opératoires. Vous n’avez pas tout compris. C’est normal ! C’était un peu
rapide !
Par Stéphane CASCUA avec la collaboration du
docteur Nicolas LEFÈVRE, chirurgien du sport
Un
ligament est une cordelette fibreuse qui relie deux os entre eux au niveau
d’une articulation. Il guide et contrôle son mouvement… jusqu’au jour où
l’amplitude dépasse les limites de son élasticité, et c’est l’entorse ! Le
ligament se différencie du tendon qui accroche un muscle à un os pour
transmettre sa force de contraction. Pour assumer sa mission, le second se doit
d’être plus rigide. Retenez bien cette dernière notion. Elle n’est pas
exclusivement destinée à votre culture générale. Elle vous sera bien utile pour
comprendre vos suites opératoires. Votre chirurgien a remplacé votre ligament
rompu par un tendon… Voilà qui aura quelques conséquences pratiques !
- Ça s’est passé chez vous !
Le
ligament croisé antérieur se situe au centre du genou. Il est «antérieur» car
il s’insère à l’avant du tibia, l’os de la jambe. Il va jusqu’à l’arrière du
fémur, l’os de la cuisse. Il est «croisé» car il croise sur son trajet son
collègue, le ligament croisé postérieur. Il limite l’avancée du tibia. Il se
met aussi en tension quand le genou tourne ou bascule. Vous pouvez vous rompre
le «croisé antérieur» lorsque vos spatules de ski s’écartent ou se croisent
inexorablement. Il se déchire aussi quand votre genou pivote violemment à
l’occasion d’un changement d’appui. Ce peut être le cas au foot quand vos
crampons restent bloqués dans le gazon ou quand un adversaire vous tacle…
maladroitement !
- L’opération est-elle obligatoire ?
Le
ligament croisé antérieur ne fait pas partie de la «capsule», le sac
entourant l’articulation. Il est isolé au milieu du genou, avec son collègue,
le «croisé postérieur». Quand il est totalement rompu, il ne bénéficie
d’aucun soutien et tombe sur le tibia. Les deux extrémités ne sont plus en
contact. La cicatrisation spontanée est impossible.
Illustration : Mathieu PINET
Cependant,
vous avez entendu parler d’une guérison spontanée après rupture du croisé
antérieur. C’est vrai ! Enfin, presque ! Le cas d’Anthony RÉVEILLÈRE, joueur de
football à l’Olympique lyonnais, a défrayé la chronique. Le ligament peut avoir
été victime d’une rupture partielle. Il est distendu mais reste continu. Il
peut se réparer voire se retendre comme c’est le cas dans une banale entorse de
cheville. Il est possible aussi que le croisé antérieur s’accroche lors de sa
chute sur le croisé postérieur. Cicatrisé dans cette position anormale, il
contribue parfois à limiter les mouvements anormaux du genou.
Illustration : Mathieu PINET
Quoi
qu’il en soit, cette évolution n’est pas fréquente et ne permet que rarement
d’obtenir un genou parfaitement stable, surtout si vous pratiquez intensément
des disciplines avec des pivots et des contacts ! Néanmoins, si vous
renoncez à ces activités pour ne pratiquer que des sports dans l’axe,
comme la course et le vélo, il est possible d’éviter l’intervention. Une
rééducation intensive et une surveillance médicale s’imposent. Il faudra
consulter si le genou se dérobe à nouveau… et envisager l’opération.
- Heureusement, on a progressé !
Autrefois,
on suturait les deux extrémités du ligament croisé. Malheureusement, elles
étaient effilochées comme un morceau de bavette à l’échalote. Leurs vaisseaux
sanguins étaient déchiquetés. La réparation ne pouvait pas tenir, la
cicatrisation ne pouvait pas se produire. Le ligament mourait, se nécrosait.
Par la suite, on a compris que c’était l’instabilité en rotation qui gênait le
blessé. Le docteur LEMAIRE a mis au point une opération qui plaçait un tendon
parallèlement au croisé antérieur mais en périphérie du genou. L’intervention
était simple et le bras de levier du montage se montrait très efficace pour
éviter les entorses en rotation. Malheureusement, les mouvements d’arrière en
avant se poursuivaient insidieusement. Le genou frottait et s’usait, les
ménisques s’abîmaient.
- Il faut remplacer le ligament croisé !
Désormais,
votre chirurgien prélève une portion de tendon à proximité de votre genou.
Classiquement, il prend la partie centrale des cordelettes situées à la face
interne du genou. Plus rarement, il utilise une bandelette récupérée sous la
rotule. La première technique se nomme DIDT car les tendons sont ceux des
muscles droit interne et demi-tendineux. La seconde s’appelle
«Kenneth-JONES», du nom du chirurgien qui l’a inventée. Voilà qui explique
ces termes barbares probablement présents sur votre compte rendu opératoire ou
entendus de la bouche de votre chirurgien.
Illustration : Mathieu PINET
Pendant
l’opération, il faut percer deux trous, l’un en bas du fémur, l’autre en haut
du tibia. Tous deux arrivent dans l’articulation à l’endroit où s’accroche le
croisé antérieur. Dans le premier tunnel, on fixe une des extrémités du tendon
prélevé avec une vis. Puis, on le tire jusqu’au second trou. Avant de
l’accrocher, on le tend avec précision pour assurer un maintien du genou dans
toutes les positions. Cette intervention dure environ 1 heure, elle consiste à
reconstruire un ligament, voilà pourquoi elle porte aussi le nom de
«ligamentoplastie».
- Reprenez votre vie quotidienne, faites de la kiné.
Vous
restez environ trois jours hospitalisé. Vous n’avez pratiquement pas mal car
les anesthésistes prennent en charge votre douleur. Pour marcher, vous utilisez
des cannes pendant quelques jours. Souvent vous portez une attelle 3 à 6
semaines. Elle a pour objectif de protéger les points d’ancrage de votre
nouveau ligament dans les tunnels osseux. De retour à votre domicile, vous
effectuez de la kinésithérapie 3 à 5 fois par semaine. Il faut récupérer peu à
peu de la mobilité articulaire, reprendre de la force musculaire et retrouver
de la coordination. Votre arrêt de travail est de 1 à 3 mois. Sa durée est
souvent conditionnée par votre aptitude à effectuer les trajets. Vous ne
pourrez conduire aisément ou déambuler dans les transports en commun qu’au bout
de 2 mois. La rééducation va se prolonger 6 à 8 mois. Heureusement, la pratique
sportive s’y substituera progressivement !
- Le sport fait partie de votre rééducation !
Une
grosse blessure, c’est l’occasion de réaliser une excellente «préparation
physique généralisée». Vous allez revenir en pleine forme. Alors, courage ! La
progression proposée ici correspond à l’évolution la plus fréquente. Bien sûr,
elle varie selon chaque individu et les lésions associées à votre rupture du
ligament croisé ; vous devez suivre les indications de votre chirurgien ! Dès
votre retour à domicile, faites de la musculation des bras. Après 1mois,
faites du rameur en limitant la flexion de votre genou. Passé ce délai, il est
possible de crawler. Mais, si nager est facile en centre de rééducation, dans
une piscine traditionnelle, il faut passer le carrelage glissant… Attendez 2
mois et mettez votre attelle jusqu’au bord du bassin. À 2 mois, vous pouvez
aussi pratiquer tranquillement le stepper et le vélo de salle. À 3 mois, il est
possible de pédaler plus intensément. Simultanément, commencez à trottiner.
Vers 4 mois débutent les vrais footings. À partir de 5 mois, accélérez et
effectuez quelques déplacements latéraux et changements de direction.
Attention, il s’agit de gestes programmés et «anticipés» par votre cerveau !
Rien à voir avec le mouvement brutal et mal coordonné en réaction à la feinte
d’un adversaire ! À 6 mois, les pratiquants de sports collectifs reprennent les
entraînements techniques mais évitent les contacts. Ceux qui font des arts
martiaux insistent sur les katas et s’interdisent les combats. Sept mois après
l’intervention, vous pouvez vous entraîner à 100%. Vers 8 mois, la compétition
est envisageable. Il vous faut souvent encore 1 ou 2 mois pour retrouver tous
vos automatismes et «oublier» votre genou.
- Ralentissez ! Ligamentisation en cours !
Votre
chirurgien a remplacé votre ligament par un tendon. Le premier est légèrement
élastique, le second plutôt rigide ! Les contraintes mécaniques progressives et
typiquement ligamentaires vont stimuler l’adaptation et la transformation de ce
transplant : c’est la « ligamentisation ». Mais, le processus est lent et semé
d’embûches. Initialement, les globules blancs arrivent pour remodeler le
nouveau venu. Il le fragilise ! Sa solidité est minimale vers 3 à 4 mois. Pas
de chance, c’est le moment où vous vous sentez beaucoup mieux ! Vous avez des
fourmis dans les pieds. Dans le jargon médical, on dit que «vous allez trop
bien» ! Prudence et patience s’imposent encore. La nature doit encore
travailler pour reconstruire un vrai ligament ! De votre côté, il faut
persévérer pour muscler, coordonner et contrôler plus précisément les
mouvements de votre genou. En pratique, l’amélioration de la texture de votre
transplant soutenue par vos aptitudes physiques accrues vous permet de
reprendre les sports avec pivots et contacts après 6 et 8 mois. C’est déjà bien
car la ligamentisation de votre tendon ne s’achève vraiment qu’1 à 3 ans après
l’intervention.
Source SantéSportMag
Merci pour ce texte. Je suis en plein dedans ! Ça donne un peu de courage !
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