Qu'est-ce que la résistance civile?
La résistance civile est un type d'action politique
s'appuyant sur l'emploi de méthodes non-violentes. Le terme est à un large
degré synonyme d'autres comme « action non-violente », « résistance
non-violente » et « pouvoir populaire » (people power). Il recouvre un éventail
d'activités appelant à une mobilisation large et soutenue dans le but
d'interpeller un pouvoir, une force, une politique ou un régime particuliers,
d'où le terme « résistance ». Le qualificatif « civil » réfère dans ce contexte
à ce qui touche les citoyens ou la société, signifiant par là que les objectifs
d'un mouvement sont « civils » en ce qu'ils sont largement partagés au sein de
la société. « Civil » dénote en outre que l'action en question est de nature
non militaire ou non-violente.
La résistance civile, dont on trouve de nombreux
précurseurs historiques, a été utilisée dans de nombreuses luttes des temps
modernes; par exemple, contre le colonialisme, les occupations étrangères, les
coups d'État, les régimes dictatoriaux, les malversations électorales, la
corruption, la discrimination raciale, religieuse ou sexuelle. On y a recours
non seulement contre le pouvoir tyrannique, mais également contre des
gouvernements élus démocratiquement, en rapport avec des enjeux comme le
maintien de l'ordre constitutionnel, la préservation de l'autonomie régionale
au sein d'un pays, la défense des droits des minorités, la protection de
l'environnement et l'opposition à certaines guerres et interventions
militaires.
La résistance civile fait intervenir plusieurs
mécanismes de changement. Elle ne se limite pas à plaider auprès de
l'adversaire. Elle peut exercer des pressions et faire usage de coercition,
notamment par la hausse des coûts associés au maintien par l'adversaire d'une
politique contestée, par l'affaiblissement de sa capacité même d'appliquer
cette politique, voire par l'assèchement total de ses sources de légitimité et
de pouvoir, que ce soit au plan intérieur ou international. Un objectif de bien
des campagnes de résistance civile sera de susciter des dissensions et les
défections au sein du régime de l'adversaire et de ses bases d’appui. On trouve
une grande variété de formes d'actions possibles, dont manifestations,
pétitions, grèves, opérations escargot et boycotts; sit-in, occupations et mise
sur pied d'institutions gouvernementales parallèles. Les campagnes de
résistance civile exigent une stratégie, c'est-à-dire l’effort de projection et
de direction des mouvements et des éléments de la campagne.
On ne suppose aucunement que le pouvoir de
l'adversaire visé par la résistance civile évitera lui-même le recours à la
violence. La résistance civile a de fait été utilisée dans bien des cas où
l'adversaire était disposé à faire usage de violence. On ne suppose pas non
plus l'absence de toute forme d'entente ou de coopération entre des forces de
résistance civile et certains gouvernements ou entités capables de force
violente. Les raisons qui poussent un mouvement à éviter la violence sont
souvent liées au contexte plutôt qu'à un principe éthique absolu : elles sont
parfois issues des traditions politiques de la société, de son expérience de la
guerre et de la violence, de considérations légales, d'un désir de mettre en
évidence la violence de l'adversaire dans un contexte dénué de provocation, ou
encore d'un calcul que la résistance civile sera mieux en mesure que les moyens
violents de réussir dans une situation particulière.
Le terme « résistance civile » a fréquemment
été utilisé en lien avec certains types de campagnes non-violentes. Gandhi l'a
utilisé à plusieurs occasions. Pourquoi utiliser le terme résistance civile,
plutôt que l'un de ses nombreux quasi-synonymes?
La résistance civile est un type du phénomène
global plus large de « l'action non-violente ». Plusieurs voient « l'action
non-violente » comme le concept plus général qui englobe une gamme célèbre
d'activités de toutes sortes. Au nombre des autres quasi-synonymes de la
résistance civile mentionnons la « résistance passive », la « résistance
citoyenne », la « désobéissance civile » et le « satyagraha ». Chacun de ces
termes renvoie à ses propres usages et connotations. Toutefois, « résistance
civile » est le terme général le plus approprié à des luttes qui sont « civiles
» au sens où elles revêtent une qualité civique, liée aux intérêts et aux
aspirations de la société dans son ensemble. Dans certains cas, l'action menée
ne consiste pas d'abord en une forme de désobéissance, mais en une forme de soutien
aux normes de la société contre un usurpateur, tandis que le principe général
d'éviter le recours à la violence n'est pas doctrinaire.
La définition de tous ces termes laisse plusieurs
questions sans réponses. Le problème le plus évident est que certaines
campagnes en apparence non-violentes peuvent ne pas être perçues comme telles
une fois le contexte pris en compte. En Irlande du Nord en mai 1974, la
majorité protestante a organisé une impressionnante grève générale de quatorze
jours, tandis que le but poursuivi et l'impact de cette action non-violente
furent de causer la chute d'un pouvoir exécutif partagé visant à pacifier les
troubles qui secouaient la province. Pour d'autres exemples de grèves en
soi non-violentes, mais qui comportent des risques de conséquences violentes,
on peut penser à une grève du personnel hospitalier qui priverait les patients
des services essentiels, ou à un débrayage sans préavis des contrôleurs aériens
qui mettrait en péril les avions toujours en vol. De telles possibilités
évoquent ce principe qu’une définition de termes abstraits, si utile pour
saisir l'essentiel de concepts précis, comporte toujours des problèmes en
périphérie.
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