Interdiction des
portables à l’école : le ministre n’a rien compris !
Interdire les portables à l’école
est une décision très discutable qui démontre qu’on n’est pas encore à l’école
du XXIème siècle.
Le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel
Blanquer, a déclaré que les téléphones portables seraient interdits dans l’enceinte des établissements du primaire et
du collège à partir de la rentrée prochaine. Une décision qui ravit certains
enseignants qui n’arrivent plus à gérer l’intrusion de la technologie dans
leurs classes.
Cette
décision est très discutable et ne résoudra aucun problème.
DES ENSEIGNANTS EN CONCURRENCE AVEC LES PORTABLES
Les
parents seront ravis d’apprendre que le ministre va interdire les portables.
Comme si cela allait résoudre le problème ! Le téléphone en classe ne pose un
problème que lorsqu’il dérange le cours. Et l’enseignant a (normalement) les
moyens de ne pas se laisser déborder.
L’élève
consulte son téléphone en classe. Le portable est donc plus intéressant que le
cours donné par l’enseignant. N’est-ce pas à l’enseignant de se montrer plus
rusé, plus intéressant, plus réactif ? Il est en concurrence avec de la
technologie, à lui de se réinventer.
Le
téléphone n’est que le moyen de déranger un cours, pas la cause. Du reste, le
« Code de l’Éducation » avait déjà prévu l’interdiction des portables
en salle de classe, c’est dire son inefficacité si l’on pense aujourd’hui à une
interdiction plus vaste !
DES ENSEIGNANTS QUI SONT ENCORE DES ENFANTS
Certains
enseignants aujourd’hui se disent soulagés que le ministre les soutienne. Ils
attendaient que la loi règle leur problème, que la solution vienne d’en
haut : du proviseur, du ministre, de la loi, des interdictions. Il
attendent d’être maternés !
En se
plaçant d’eux-mêmes dans cette position, ils se mettent tout seuls en
situation d’infériorité, sapant tout seuls leur autorité.
Alors que leur métier est
d’être un leader, qu’une classe devrait se gérer aujourd’hui comme une petite
entreprise qui doit satisfaire des clients, donner un résultat, être rentable,
concurrentielle, être à la pointe.
De son côté, le ministre paternaliste n’est pas en reste. Il vient leur
proposer son appui, brandissant une loi toute pétrie d’interdictions pour leur
venir en aide, montrant du même coup qu’ils sont débordés par le phénomène et
incompétents. Il va régler une situation… que les enseignants n’ont pas su
régler ! Il ne faudra pas après cela venir pleurer sur le manque de
considération pour cette profession malmenée…( On note quand même qu’il y a curieusement des
enseignants qui n’entendent jamais la sonnerie d’un téléphone pendant leurs
cours. Et qui n’ont donc pas besoin d’une loi.)
LE PROBLÈME N’EST PAS LE TÉLÉPHONE
Le
portable, c’est le moyen pour un gamin d’appeler ses parents quand il y a un
changement d’emploi du temps : une absence de prof, une grève ( si
peu fréquentes…). Le ministre serait-il resté avec l’idée qu’il y a encore des
cabines téléphoniques devant chaque école ? Ou alors prévoit-il de mettre
à la disposition des élèves des téléphones à l’intérieur de
l’établissement ? On nage dans la modernité, au ministère !
Abordons aussi la confiscation des téléphones interdits :
le ministre réfléchit à des casiers qui ferment bien et qui régleront tout d’après lui puisqu’on y
enfermera à triple tour ces fameux téléphones qui dérangent. Il n’imagine pas
que le trésor attisera les convoitises. Encore une idée déconnectée du réel.
Malheureusement
nous avons encore une fois sous les yeux la manifestation de décisions
proposées avant d’avoir pensé à la réalité concrète,une loi avant même d’avoir
réfléchi aux modalités de son application. Le meilleur moyen de passer pour un
amateur.
LE MINISTRE DÉCIDE DE CE QUI EST BON POUR LES ENFANTS
Et si on vivait un peu avec son temps ? Et si on
prenait de vraies décisions au lieu de promettre des interdictions
surréalistes et inapplicables ?
On tente
d’obliger l’élève à entrer de force dans un moule archaïque au lieu d’adapter
l’école à l’élève du XXIème siècle.
Alors
bien sûr, le ministre évoque la santé des enfants, le principe de précaution
devant des ondes qu’on redoute, et le fait qu’il ne faut pas laisser un enfant
devant un écran avant l’âge de 7 ans. Tout n’est pas faux, et cela flatte
les oreilles parentales.
Il est bon que les enfants ne
soient pas trop, voire pas du tout, devant les écrans avant l’âge de 7 ans.
Encore
un ministre de l’Éducation nationale qui sait ce qui est bon pour vos enfants.
Le bien-être de l’enfant est brandi comme argument, donc c’est presque
impossible à démonter sans que l’on passe pour un abominable mangeur d’enfants.
Or si la santé, le bien-être ne doivent pas être négligés
à l’école, ils ne relèvent cependant pas d’un ministère de l’Éducation
nationale. Qu’en sera-t-il le jour où un
gouvernement prônera, exactement pour les mêmes raisons de bien-être de
l’enfant, l’inculcation de telle ou telle théorie ? Cela s’est déjà vu.
Ne
vaudrait-il pas mieux se concentrer sur le recrutement d’enseignants capables
de ne pas être débordés par les nouvelles technologies ?
INTERDIRE LES PORTABLES ? UNE ERREUR
Interdire
les téléphones portables est aussi saugrenu que d’interdire les calculatrices
en classe. Quand l’enseignant et le ministre auront compris qu’il faut un accès
wifi pour tout l’établissement et que les élèves aient accès à internet pour
les besoins d’un cours, qu’en sera-t-il de cette interdiction d’un autre âge ?
« Sortez vos portables ! Ah non, madame, c’est
interdit… » Ridicule. Et dire que ce ministre suscitait les
espoirs et disait juste avant la rentrée à propos de l’enseignement :
Nous pouvons progresser en nous
appuyant sur la recherche de pointe, notamment les sciences cognitives.
Le
discours est attrayant mais les faits montrent tristement qu’on ne sait pas
penser l’école de demain.
Au
passage, autoriser les enfants de l’école primaire à avoir des portables serait
peut-être l’occasion de leur en enseigner le bon usage, d’apprendre à les
éteindre et les mettre dans les cartables dès le plus jeune âge… et pour
cela il faudrait recruter des enseignants qui soient à même d’avoir cette
pédagogie. Apprivoiser les objets connectés et en faire un atout plutôt que de
toujours recourir à ce que l’État fait de mieux si systématiquement : interdire
!
Les
enfants vont à l’école pour apprendre. Donnons-leur de bons enseignants et du
wifi !
Source contrepoints.org
Par Phoebe Anne Moses.
Phoebe Ann Moses
Professeur de Lettres modernes Phoebe Ann Moses aime
la rhétorique et s'intéresse aux sujets de société. Elle déteste plus
particulièrement ce qui nuit au libre-arbitre et à la responsabilité
individuelle.
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