5 fruits et légumes par
jour : pourquoi ça ne marche pas
Depuis plus de 15 ans, les
responsables de la santé publique expliquent qu’il faut manger 5 portions de
fruits et légumes par jour. Pour que ça marche, il faudrait que l’État cesse de
se mêler de tout et que chacun soit vraiment responsable de sa santé.
En février dernier le Haut Conseil de la Santé Publique a
rendu, à la demande du ministère de la Santé, un « Avis relatif à
la révision des repères alimentaires pour les adultes du futur Programme
National Nutrition Santé 2017-2021 ». En clair
il s’agit de faire évoluer les règles permettant de manger, et de bouger, dans
des conditions optimales pour rester en bonne santé.
Ces
normes, qui sont diffusées depuis 2001 dans le cadre d’un Programme National
Nutrition Santé (PNNS), évoluent régulièrement pour suivre les nouvelles
connaissances scientifiques, et aussi, nous le verrons, les modes politiques du
moment.
LES NOUVEAUX « REPÈRES » POUR BIEN MANGER
Il est
certain qu’une bonne alimentation est, toutes choses égales par ailleurs, un
déterminant essentiel pour acquérir et garder la meilleure santé possible. La
quantité calorique et la qualité nutritionnelle de nos repas permettent à notre
organisme de contrôler son poids, de fonctionner au mieux et d’éviter nombre de
cancers et de maladies cardiaques.
Quelques-uns
de ces nouveaux conseils méritent d’être retenus : manger toujours plus de
fruits et légumes, surtout des légumes, même si on en mange déjà 5 portions
quotidiennes ; limiter la consommation de viande rouge et de
charcuterie ; consommer tous les jours une poignée de fruits à coque sans
sel ajouté (amandes, noix, noisettes, pistaches) ; manger au moins 2 fois
par semaine des légumineuses (lentilles, fèves, pois, haricots) ;
privilégier les céréales complètes etc.
Tout
cela est bel et bon mais l’ensemble de cette démarche appelle un certain nombre
de remarques.
LES STRUCTURES PUBLIQUES SE MARCHENT SUR LES PIEDS
En
premier lieu on constate que, pour produire ces repères, il faut pas moins de 4
organismes publics ou para publics, qui semblent se marcher sur les
pieds : la Direction Générale de la Santé est à l’origine de la
démarche ; l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire, de
l’alimentation, de l’environnement et du travail) est chargée de concevoir les
repères en fonction des études médico-scientifiques ; le HCSP (Haut Conseil de
la Santé Publique) doit proposer une formulation de nouveaux repères pour les
adultes en vue du 4ème PNNS 2017-2021 ; enfin l’Agence Santé Publique
France élabore les messages à communiquer au grand public et aux acteurs de
santé.
À noter
que l’ANSES a fini ses travaux fin 2016, le HCSP en février 2017 et que, 6 mois
après, on attend toujours les messages de « Santé Publique France »
qui semble avoir tout son temps.
LE « BIO » RECOMMANDÉ SANS PREUVES
SCIENTIFIQUES
Seconde
remarque : les subtils équilibres écologico-socialistes du gouvernement
précédent sont passés par là et l’on a tordu le bras des scientifiques pour
leur faire écrire, pour la première fois depuis 2001, qu’il fallait consommer
des aliments ayant reçu le moins possible de pesticides.
Il est
intéressant de lire, dans l’avis du HCSP, que cette recommandation est
donnée « au nom du principe de
précaution », autrement dit qu’il n’y a aucune preuve scientifique
pour étayer ce soi-disant « repère ».
Le bio
est lui aussi déclaré préférable sans la moindre preuve. Comme pour
l’homéopathie, remboursée sans preuves, comme pour les « perturbateurs
endocriniens », accusés sans preuves, ou ces jours-ci, le soi-disant
« scandale des œufs contaminés », là où les écologistes
passent, la rationalité trépasse.
15 ANS DE MESSAGES QUI NE MARCHENT PAS
Troisième remarque, et non des moindres, ce lourd travail
de communication publique ne marche pas. Le
CREDOC, organisme institutionnel de recherche sur les modes de consommation,
titre son bulletin « Consommation
et modes de vie » de juillet 2017 « Fruits et légumes : les Français
suivent de moins en moins la recommandation ».
Il
précise que les jeunes générations mangent moins de fruits et légumes que leurs
aînés et que « les Français qui respectent
le moins cette recommandation sont toujours les individus vivant dans des
familles de deux enfants ou plus, très peu diplômés et habitant plutôt dans la
moitié nord de l’Hexagone. Dans les catégories défavorisées, le surpoids et
l’obésité augmentent de nouveau en 2016, parmi les adultes comme parmi les
enfants. »
Autrement
dit, malgré plus de 15 ans de campagnes intensives, on constate un échec
complet sur leurs axes principaux : l’augmentation de la consommation de fruits
et légumes et la baisse de l’obésité chez les personnes à faibles revenus, les
plus touchées.
En fait
ces messages sont entendus, mais pas suivis : ce phénomène bien connu en
marketing où connaissance du produit et intention d’achat sont des réalités
bien différentes.
LES MESSAGES SUR LES PRODUITS ALIMENTAIRES SONT
CONTRE-PRODUCTIFS
Ceci n’est pas vraiment étonnant puisque 2
chercheuses françaises ont démontré dès 2012
que les bandeaux « consommez 5 fruits et légumes par jour » sur les
boites de produits « plaisir » sont contre-productifs et poussent
paradoxalement à la consommation de ces produits sucré et/ou gras réputés mauvais
pour la santé.
On parle
même d’effet « boomerang ». Cette étude, non démentie à ce jour, n’a
entraîné, cinq ans après, aucun changement de communication et les bandeaux
sont toujours là.
LE PROFESSIONNALISME DES GRANDES FIRMES ALIMENTAIRES
Comment
expliquer ces coûteuses absurdités ? Avec ces campagnes, la santé publique
joue, si j’ose dire, dans la même cour que la grande industrie des produits
alimentaires et elle ne fait pas le poids.
La
sophistication et l’efficacité des outils du marketing d’aujourd’hui et leur
force de frappe commerciale ne sont même pas imaginables par les non
spécialistes que sont les responsables de la santé publique.
Aguerris
par une concurrence féroce et mondialisée, les fabricants de céréales, de
barres chocolatées et autres friandises ont une connaissance approfondie de
leur consommateurs et de leur concurrence. Ils améliorent constamment leurs
produits, pré-testent, testent, re-testent, ont des stratégies promotionnelles
quasi scientifiques.
SANTÉ PUBLIQUE : UNE COMMUNICATION VOUÉE À
L’ÉCHEC
La santé
publique n’a ni les moyens ni la compétence de s’opposer à ces campagnes mais
surtout, elle n’y est pas à sa place. Dans un système où l’État se prétend
pilote omniscient de la santé de tous, il n’y a pas de solution et on ne peut
qu’aller d’échec en échec.
LA SANTÉ EST AVANT TOUT UN BIEN INDIVIDUEL
Il faut
enfin considérer la santé comme ce qu’elle est, un bien précieux que nous
possédons à titre personnel, que nous gérons comme nous l’entendons et pour
lequel nous devons payer le vrai prix, comme nous sommes prêts à payer le vrai
prix d’une tablette de chocolat pour le plaisir qu’elle nous donne.
Il nous
faut pouvoir compter sur des professionnels de santé libres, eux-mêmes
concurrents, que nous choisissons librement. Et comme ceux-ci, s’ils sont bons,
ne peuvent qu’être chers, nous devons pouvoir mutualiser nos risques de santé
avec des assureurs libres, eux-mêmes en concurrence.
CONNAÎTRE LE VRAI PRIX DE LA SANTÉ
Quand
nous serons en mesure de connaître vraiment les prix de notre santé, totalement
faussés par l’omniprésence publique, chacun saura gérer sous sa propre
responsabilité son rapport plaisir / risque et les messages de prévention
auront enfin une chance d’être entendus, compris et suivis.
Source
contrepoints.org
Par
Richard Guédon.
Richard
Guédon est docteur en médecine, ancien Directeur médical d’une mutuelle
d’assurances et ancien administrateur d’une caisse d’assurance maladie.
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