samedi 27 juillet 2019

Billets-Vague populiste : un signal d’alarme


Vague populiste : un signal d’alarme

Les citoyens européens sont en colère contre les mutations économiques et sociales qui traversent le continent. Mais c’est aux partis traditionnels de répondre à leurs préoccupations, et non aux populistes.

Partout en Europe, des gens voient leur vie affectée par des changements qu’ils n’ont pas souhaités, pour lesquels ils n’ont pas voté et dont ils ne veulent pas. Dans leurs villes les plus prospères, la ligne d’horizon est modifiée par des tours métalliques qui surgissent à la place d’anciens jardins ou pubs, et dans leurs villes les plus pauvres des détritus jonchent des rues aux magasins fermés.

Les campagnes sont rongées par l’expansion des banlieues ou divisées entre zones d’agriculture industrielle et concentrations de riches propriétés. Des éléments de notre environnement qui semblaient éternels ne sont soudain plus là. De grandes entreprises dont nos pays s’enorgueillissaient à juste titre disparaissent ou sont rachetées par des groupes étrangers. Des établissements anciennement réputés sont privatisés, rebaptisés, et perdent de leur prestige.

De nouveaux venus s’installent sans y avoir été invités, parlant des langues différentes et pratiquant des religions différentes. Eux aussi sont mécontents de voir les usines et les bureaux fermer, et leurs enfants incapables de trouver un emploi ou un logement. Les Etats eux-mêmes sont touchés, menaçant d’imploser ou de se morceler. Rien d’étonnant donc si des citoyens, pour peu que ce mot signifie encore quelque chose, lèvent les bras au ciel en disant : “Qui a voulu tout ça ?” Voilà l’image qu’offre notre continent aujourd’hui, mais à quelques détails près il offrait la même hier, voire avant-hier. Quand l’Europe n’est pas ravagée par une guerre, elle est en proie au mécontentement, minée par la colère, assaillie de récriminations, et elle constitue un terrain propice aux partis populistes de droite comme de gauche.

Dans un passé pas si lointain, il n’existait pas de structure transnationale à part entière comme l’Union européenne pour attirer la colère populiste. Mais la situation actuelle, où les partis rebelles de beaucoup de pays vont probablement envoyer un gros contingent d’élus antieuropéens à Bruxelles, n’est pas fondamentalement nouvelle. Les “nouveaux” partis ne sont pas nouveaux en Europe. Il suffit de se remémorer ceux d’Oswald Mosley [homme politique britannique, fondateur de l’Union britannique fasciste en 1932], Pierre Poujade et Jörg Haider pour voir que le populisme d’aujourd’hui est moins pernicieux que celui d’hier.

D’abord, ces partis sont tellement différents les uns des autres qu’on peut douter de leur capacité à travailler ensemble. Certains d’entre eux sont résolument opposés à l’UE, d’autres préfèrent la réformer plutôt que l’abolir ou la quitter. Un ou deux sont franchement néofascistes, d’autres ont renié, et ce avec plus ou moins de conviction, leurs origines d’extrême droite, et d’autres encore viennent de la gauche de l’éventail politique.

  • Une déliquescence du débat
Les politiciens des partis traditionnels se plaisent à souligner que, pendant qu’ils ont la lourde charge d’appliquer de nécessaires mais douloureuses mesures d’austérité, de coopérer avec le grand capital et de veiller au bon fonctionnement de l’UE, les partis populistes raflent les suffrages. La réalité est plus complexe.

Les gens ne voient pas d’un bon œil ce qui est en train de se produire dans leur pays et sur leur continent. Plutôt que de répondre clairement à leurs inquiétudes, les politiciens traditionnels tendent à les esquiver. Les partis marginaux jouent un autre jeu, proposant des politiques simples, voire simplistes, comme celle visant à mettre un terme à l’immigration ou à déclarer une guerre ouverte aux entreprises. Des sornettes d’un côté, de l’indignation de l’autre.

Il ne peut que s’ensuivre une déliquescence du débat politique, une perte de nuances et d’intelligence. Pourtant, on peut considérer avec optimisme l’actuelle vague populiste. C’est à la fois une incitation à corriger le tir et un signal d’alarme. L’influence, au sein des institutions européennes et nationales, de dirigeants d’entreprise qui se rémunèrent trop, qui se désintéressent du coût social de leurs initiatives et qui amplifient les inégalités a pris trop d’importance. Le processus de démantèlement de l’Etat providence doit être inversé.

Il faut mettre un terme au saccage de nos villes et de nos campagnes. L’accroissement de la précarité est un scandale. Et l’homogénéisation de la culture, du mode d’alimentation, des campagnes, des villes et des rues commerçantes de l’Europe, un véritable cauchemar. Ça ne devrait pas être au Front national français de signaler tous ces problèmes. La tâche incombe au centre de l’éventail politique, et non à ses extrémités.

Dessin de Horsch, Allemagne.
Source Courrier International

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire