Et si on supprimait la fonction de Premier
ministre ?
On le sait, les Français sont
attachés à la fonction présidentielle. Mieux vaudrait supprimer le poste de
Premier ministre, se débarrasser de cette « fiction » et donner de vrais
pouvoirs au Parlement et à la société civile.
Le
double exécutif et l’impuissance du Parlement sont des handicaps pour la
France. Nous sommes le seul pays riche et démocratique avec ce genre
d’organisation institutionnelle. Mieux vaudrait supprimer le poste de Premier
ministre, se débarrasser de cette « fiction » et donner de vrais
pouvoirs au Parlement et à la société civile.
En 1992 paraissait aux Éditions Plon le livre de Jean-François
Revel intitulé L’absolutisme inefficace ou contre le présidentialisme à la
française. Réquisitoire implacable contre le
système politique de la Vème République, ce petit ouvrage (moins de 200 pages)
mais, ô combien, concis, riche et complet, dénonçait le paradoxe de
l’omnipotence du pouvoir exécutif français devenu avec le temps d’une saisissante
inefficacité.
Nous
vivons dans une « démocrature »,
tenait à préciser Revel. Il s’agit d’un régime autoritaire dans lequel l’Élysée
décide à la place de tout le monde et dans tous les domaines, sans consulter
personne (surtout pas l’Assemblée) et qui ne peut déboucher que sur des
décisions arbitraires.
La fiction du premier ministre
Toutes
les tares de notre régime présidentiel sont analysées par Revel : la
« fiction » du Premier ministre se trouvant à la merci de l’Élysée et
lui servant de fusible en cas de retournement de conjoncture, une Assemblée
inexistante et incapable de s’opposer à l’exécutif, une présidence paradoxale
car omnipotente et incapacitante à la fois, et enfin, un absolutisme
présidentiel se situant au-dessus des lois et s’appuyant sur l’illusion de la
communication et les excès de la dépense publique.
De plus, le président peut très bien dissoudre un
Parlement qui ne serait pas à ses ordres. Quelque chose a changé
aujourd’hui ? Sous François Hollande,
on en a vu un – Jean-Marc Ayrault – au début de la présidence obligé de
démissionner (le fameux « fusible » ) vu la situation économique du
pays et le gouffre de l’impopularité du… Président. Ce dernier est toujours
considéré comme « le dernier recours », la « haute
autorité » dont « le dernier mot pèse dans la balance ».
Une tradition monarchique
Comme
les monarques sous l’Ancien Régime. Sauf que les grèves organisées par les
syndicats ont remplacé les jacqueries, le président prenant position en
fonction des intérêts immédiats (en cédant et en limogeant son Premier
ministre), tandis qu’en politique étrangère, le président a accaparé un domaine
qu’il considère comme réservé alors que, la Constitution ne le dit nullement.
En se débarrassant du Premier ministre et/ou des ministres encombrants,
l’Élysée ne fait que perpétuer cette situation de crise de l’Ancien régime
lorsque le roi faisait le ménage parmi les membres de son conseil.
Cette
fameuse « raison d’État » a toujours été la règle sous la Vème
République, surtout lorsque le chef du gouvernement n’était plus en odeur de
sainteté à l’Élysée ou bien lorsqu’il fallait augmenter les impôts (comme par
hasard, les historiens ont remarqué que les monarchies limitées comme celle de
l’Angleterre taxaient moins que la monarchie absolue française).
Le
système de nomination de la présidence de la République n’est pas tellement
différent de celui de la monarchie absolue. Le Président s’entoure de ses
fidèles qu’il nomme à des postes de conseillers. Le gouvernement, qui n’est
nullement le reflet de la volonté de l’Assemblée, est aussi constitué d’amis,
de fidèles du Président, alors qu’il devrait être l’émanation de l’Assemblée.
Le double exécutif
Le
secrétaire général de l’Élysée ayant plus d’importance que le Premier ministre,
il est beaucoup moins exposé aux risques de la mise à l’écart comme l’est le
chef du gouvernement. Un exemple éloquent a été la nomination d’un technocrate
non élu, Dominique de Villepin, en tant que Premier ministre face à un
Parlement élu mais obligé de subir les décisions de l’Élysée.
On le
sait, la France est connue pour ses exceptions. Celle-ci pèse sur notre vie
démocratique comme une chape, mais c’est aussi celle dont on parle le moins. Il
s’agit donc de ce « privilège » d’avoir un double exécutif. D’un
côté, un Président avec le pouvoir mais sans les responsabilités et, de
l’autre, un Premier ministre avec les responsabilités mais sans le pouvoir.
Ensuite,
quelque part, non pas entre les deux, mais éloigné des deux, se trouve un
Parlement soumis. Soumis d’abord aux caprices du Président, ensuite aux
décisions du gouvernement qui lui impose non seulement la politique à suivre
mais aussi l’ordre du jour.
Comme le
gouvernement n’est pas l’émanation du Parlement mais celle du Président, on se
retrouve avec un chef du gouvernement arbitrairement nommé pour diriger la
France. Cette autocratie de la Vème République illustre parfaitement
l’impuissance à la française.
Réduire la puissance élyséenne
L’étatisation
du pays ayant rendu pratiquement impossible toute réforme importante de
l’économie et de la société, seule une revalorisation du rôle du Parlement et
un rééquilibrage des institutions pourraient changer la donne. Parler de
« renforcer les pouvoirs du Parlement » et de la baisse du nombre
d’élus est très à la mode de nos jours. Mais cela ne veut rien dire sans la
réduction de la puissance élyséenne.
Le
président élu au suffrage universel doit devenir le seul exécutif ; il ne
devrait plus pouvoir dissoudre l’Assemblée et celle-ci ne devrait pas pouvoir
le renverser (sauf pour des fautes graves très précises). Il faudrait que
l’Assemblée retrouve son indépendance et ses pouvoirs : légiférer et
contrôler. Les exemples canadien, allemand et britannique montrent qu’un
système parlementaire peut agir avec efficacité ; l’exemple américain, que
le régime présidentiel n’est performant qu’avec un Congrès dynamique capable de
le contrôler.
Ce
double exécutif et l’impuissance du Parlement sont des handicaps pour la
France. Nous sommes le seul pays riche et démocratique avec ce genre
d’organisation institutionnelle. Partout ailleurs, les Présidents (Allemagne)
ou les monarques (Grande-Bretagne, Espagne…) n’ont aucun pouvoir.
Aux
États-Unis, il n’y a pas de Premier ministre. On le sait, les Français sont
attachés à la fonction présidentielle. Mieux vaudrait supprimer le poste de
Premier ministre, se débarrasser de cette « fiction » et donner de
vrais pouvoirs au Parlement et à la société civile.
Source contrepoints.org
Photo Bernard Cazeneuve Credit Parti Socialiste
(Creative Commons)
Par Nicolas Lecaussin.
Nicolas Lecaussin
Directeur du développement de l’IREF, Nicolas
Lecaussin est diplômé de Sciences-po Paris, ancien président de l’iFRAP
(Institut Français de Recherche sur les Administrations Publiques), fondateur
de Entrepreneur Junior et auteur de plusieurs ouvrages sur le capitalisme,
l’État et les politiques publiques. Dernier livre publié : "L’obsession
antilibérale française".
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