Macron
est-il le réformateur qu’il prétend être ?
Quel bilan
tirer du gouvernement Emmanuel Macron/Edouard Philippe ? Seront-ils capables de
réformer la France ?
Il existe plusieurs méthodes pour dresser le bilan de l’action
d’un gouvernement, et celle qui consiste à comparer ce qui est nécessaire au
pays avec ce qui a été réellement entrepris comporte un énorme avantage :
celui de ne pas se faire embarquer sur le terrain des éventuelles réformettes
et des faux progrès dont le gouvernement nous abreuverait afin de faire
illusion.
LA FRANCE, DES DIFFICULTÉS
PARFAITEMENT CONNUES ET QUI NE DATENT PAS D’HIER
La France se shoote au keynésianisme, de nature à compenser les
crises de la demande, depuis la fin des années 70 avec les résultats que l’on
sait, alors qu’elle souffre d’une sérieuse chute de sa compétitivité, ce qui
n’est rien d’autre qu’une crise de l’offre.
La dégringolade de nos parts de marchés mondiales sur ces 20
dernières années (-50% sur l’industrie, -20% sur les services), le chômage de
masse et la grande pauvreté constituent la parfaite signature des handicaps qui
nous accablent :
- un mille feuille étatique qui asphyxie l’économie par son train de vie et par sa dette
- un taux de prélèvement qui plombe le bénéfice des entreprises et des ménages, et qui freine la prise de risque
- un droit du travail qui dissuade autant de licencier que de recruter
- des discriminations de salaires et de cotisations entre le public et le privé
- un syndicalisme aussi archaïque que toxique
- un système éducatif en perte de vitesse et idéologisé
- des médias majoritairement anti-libéraux
Examinons maintenant ce que le gouvernement Macron/Philippe a
réellement entrepris sur chacun de ces points.
UN MILLE FEUILLE ÉTATIQUE QUI
ASPHYXIE L’ÉCONOMIE
Avec près de 40% de sa population active qui travaille pour
l’État, la France détient un record qui la rapproche d’un pays communiste
comme la Chine !
Un emploi public détruit deux à trois emplois privés, selon les
économistes. La corrélation entre taille du secteur public et faible croissance
ne fait d’ailleurs aucun doute, celle-ci est en effet amplement démontrée (ici
à l’échelle européenne) :
C’est bien l’obésité de l’État français qui est à l’origine d’un
tel niveau de prélèvement, cet État qui, excusez du peu, emploie deux fois plus
de fonctionnaires que les 83 millions d’Allemands et plus de ministres que les
États-Unis ! De toute évidence, rationalisation, optimisation et
désendettement devraient être les leitmotivs d’une réforme urgente et de grande
ampleur de l’État.
Or, en juin 2017, aussi incroyable que cela puisse paraître, le
Premier ministre Édouard Philippe attendait l’audit des résultats du
gouvernement Hollande pour savoir : « s’il
faut jouer, d’ici la fin de 2017, sur une réduction de dépenses et à quel
niveau ».
Et en septembre, comble de l’irresponsabilité, le gouvernement a
revu à la baisse son plan d’économies pour le projet de loi de finances 2018,
l’objectif de 20 milliards étant ramené à 16 milliards d’euros ! Que
pesaient d’ailleurs ces 20 milliards par rapport aux 2000 milliards d’euros de
la dette ? Une ridicule goutte d’eau (1% environ). Tout est donc très
clair : il ne faut pas compter sur une réforme de l’État.
UN TAUX DE PRÉLÈVEMENTS QUI
PLOMBE LE BÉNÉFICE DES ENTREPRISES ET DES MÉNAGES, ET QUI ÉLOIGNE LES
INVESTISSEMENTS
La France détient quasiment le record des prélèvements de toutes
sortes, elle est le royaume de la distribution, à un niveau qui nous consacre
parmi les pays les plus ponctionnés de la planète :
Alors que nos entreprises sont moins profitables qu’ailleurs en
Europe, alors que l’exode de nos jeunes talents et de nos riches atteint des
niveaux exceptionnels (étude New World
Health2016), le gouvernement a décidé de refinancer la taxe de 3% sur
les dividendes, taxe jugée pourtant illégale par le Conseil Constitutionnel, en
créant une taxe spécifique !
Bon prince, ou particulièrement cynique, le ministre de
l’Économie Bruno Le Maire vient d’annoncer qu’il assume la moitié
de l’effort, et demande aux 320 entreprises
concernées de payer le reste « par civisme ».
Ainsi, le gouvernement Macron/Philippe refuse d’assumer l’erreur du
gouvernement précédent, dont le Président actuel était le ministre de
l’Économie.
Outre l’aspect odieux de cette surtaxe, c’est le symbole même
d’un Président réformateur qui vole en éclats. Avec une telle exaction, le
gouvernement a perdu toute crédibilité.
Mais comment s’en étonner de la part d’un pouvoir qui ose
annoncer « des baisses d’impôts
financées par une hausse de la CSG » ? N’est ce pas prendre
les Français pour des imbéciles ? Et tenter de masquer son impossibilité
structurelle de diminuer la manne fiscale, véritable drogue dont il est
incapable de se sevrer ?
Certes, du fait de la réforme actuellement engagée, certaines
catégories verront leur pression fiscale allégée. Mais seule une minorité de
Français en bénéficiera. Car en réalité, les hausses d’impôts vont frapper très
tôt dans l’échelle des salaires :
- les retraités percevant plus de 1200 euros de retraite mensuelle !
- plus généralement, l’ensemble des classes moyennes (cf. l’analyse de Sébastien Laye Figaro 10/17) !
Taxer une majorité de Français afin de diminuer l’imposition
d’une minorité paraît moralement discutable et économiquement inefficace. Il
s’agit probablement même d’une grotesque imposture puisque la pression fiscale
devrait augmenter pour plus de la moitié des ménages !
Tout cela prouve combien le gouvernement est considérablement en
deçà de la réforme nécessaire, cette réforme qui doit nous rapprocher du niveau
de prélèvement un peu plus décent pratiqué par nos voisins européens notamment.
UN DROIT DU TRAVAIL DISSUASIF
Dans ce domaine, les efforts du gouvernement
Macron/Philippe sont tangibles. On peut éventuellement critiquer la méthode
choisie (par ordonnances) mais les changements prévus vont dans le sens d’une
meilleure fluidification du marché du travail, en donnant davantage
de latitudes aux entreprises, y compris
jusqu’au référendum lorsque cela est nécessaire, et en limitant les possibles
abus des décisions des prud’hommes, ou la lourdeur des indemnités
exigées en cas de licenciement.
On peut juste déplorer que ces mesures, bien que positives, ne
s’attaquent pas à la complexité de la législation, et risquent au contraire de
l’accroître par de nouvelles dispositions. Quoi qu’il en soit, quand bien même
cette réforme semble plus ambitieuse que celle engagée par Myriam El Khomri,
elle ne bouleversera pas la donne de façon significative.
Pourquoi ? Parce qu’elle se trouve bien isolée : que
peut-elle changer sans une profonde réforme de l’État et une baisse drastique
des charges qui pèsent sur les entreprises ?
INÉGALITÉS ENTRE LE PRIVÉ ET LE
PUBLIC
Bien que discriminatoires, et choquantes aux yeux des
étrangers, puisque à niveau de responsabilité égal, un fonctionnaire gagne
plus, cotise moins, et bénéficie d’une retraite meilleure et plus longue
qu’un travailleur du privé, ces inégalités font
partie du paysage français. Réformer le régime des pensions serait un minimum,
même si les inégalités touchent également les niveaux de rémunération.
Le candidat Emmanuel Macron avait promis de s’atteler aux
retraites. Mais strictement rien n’a été fait jusqu’à présent, concernant son
fameux « système de retraite universel ». Et toujours rien n’a été
promis non plus en ce qui concerne les différences de salaire.
Visiblement, tout ce qui touche au train de vie de l’État (et à
ses agents) semble avoir bizarrement tétanisé les volontés du gouvernement
Macron/Philippe.
UN SYNDICALISME D’UN AUTRE ÂGE
C’était une promesse de Nicolas Sarkozy qu’il n’avait
hélas pas tenue. François Hollande, quant à lui, s’était bien gardé
d’entreprendre quoi que ce soit dans ce domaine, tellement les
syndicats sont puissants (du point de vue de
leur capacité de nuisance) et recrutent principalement leurs adhérents à
gauche.
Moins de 8% des travailleurs français sont en effet syndiqués,
avec une surreprésentation des fonctionnaires, à des syndicats majoritairement
politisés pour ne pas dire idéologisés. FO, CGT et Sud sont généralement peu
enclins à considérer les intérêts de l’employeur à moyen terme, favorisant
systématiquement la négociation par la force au bénéfice des travailleurs à
très court terme.
Quitte à nuire à l’emploi, tout cela sur fond
de grèves à répétition coûteuses pour la collectivité.Certes,
l’usage du référendum que suggère le gouvernement peut aider à contourner les
organisations syndicales. Mais certaines entreprises n’ont pas attendu Macron
pour mettre en place une telle consultation. Et cela n’enlèvera pas la folle
capacité de destruction des plus virulentes de ces organisations.
En réalité, la seule réforme dans ce domaine concerne le
« chèque syndical », sorte de crédit donné à chaque travailleur pour
qu’il le reverse au syndicat de son choix. Ce système administré, bizarrement
alambiqué, n’est bien évidemment pas exempt de critiques, notamment concernant
sa capacité à faire croître le taux de syndicalisation, ou encore la
possibilité qu’il ouvre la porte à des hausses des cotisations futures.
Surtout, personne ne voit en quoi ce système bureaucratique de
chèques à allouer pourrait mettre un terme aux méthodes délétères et
contre-productives des syndicats les plus radicalisés.
UN SYSTÈME ÉDUCATIF EN PERTE DE
VITESSE
La suppression de la réforme Belkacem a été une décision
unanimement saluée. Les mesures prises lors de cette rentrée vont également
dans le bon sens, et c’est sans doute dans le domaine de l’éducation que le
gouvernement Macron semble le moins velléitaire et le moins brouillon.
À noter d’ailleurs que le ministre de
l’Éducation, J.M.Blanquer, est l’un des très rares
ministres issus du monde de l’entreprise ! Cette nomination semble
particulièrement judicieuse au regard de la trajectoire de notre pays dans des
classements internationaux comme PISA…
Toutefois, rien ne semble prévu jusqu’à présent en matière
d’enseignement de l’économie, domaine sur lequel les classements comparatifs
européens positionnent les Français à une place très médiocre.
L’orientation
quasi marxiste des contenus dans le secondaire
ainsi qu’à l’université de lettres ou encore dans les écoles de journalisme (VA
12/16) constitue un danger pour la pluralité des idées et pour le bon
fonctionnement de la démocratie. Selon le prix Nobel d’économie
Edmund Phelps, cette inculture économique constitue
un frein à la croissance.
Il est particulièrement dangereux en effet que
seuls Keynes, Marx et Piketty soient aux programmes, et que les exercices
tournent autour d’articles issus d’Alternatives Économiques.
Le fait que 9 candidats à la présidentielle de 2017 sur
11 proposaient un programme étatique, voire communiste, est une conséquence
directe de ce lavage de cerveau subi à l’école depuis des décennies. Or rien
pour le moment n’est engagé ni prévu pour nettoyer l’Éducation
nationale de son idéologie.
DES MÉDIAS MAJORITAIREMENT
ANTI-LIBÉRAUX
À la fois conséquence et acteur du gavage idéologique au Lycée
et à l’Université, la grande majorité des médias représentent eux aussi un
danger pour l’avenir de l’hexagone.
En désinformant systématiquement les citoyens dans le but de les
tenir éloignés des solutions non étatiques, les médias tout comme l’Éducation
nationale interdisent de fait toute réforme libérale.
Il est certes paradoxal de demander à un gouvernement
social-démocrate (ou majoritairement socialiste) comme celui de Macron/Philippe
de casser une filière qui l’a nourri. Pour autant, la quasi absence de
contre-pouvoir médiatique est un problème majeur. La France se classe au
39ème rang en termes d’indépendance de la presse (RSF 2017).
Pour le moment, rien n’est fait dans ce sens par le gouvernement
Macron. Au contraire, à peine élu, le Président lui-même a émis le souhait de
choisir les médias qui allaient couvrir ses déplacements et son actualité, ce
qui n’est rien d’autre qu’une tentative d’accroître cette mainmise sur les
moyens d’information !
EN CONCLUSION
Il faut admettre que le gouvernement actuel est habité d’une
plus grande ambition et d’un plus grand courage que le gouvernement précédent
(ce qui n’est pas difficile il est vrai).
Toutefois, à l’aune des réformes engagées et de celles qui ne le
sont pas, force est de constater que le gouvernement Macron/Philippe ne brille
ni par sa cohérence, ni par son envergure. Surtout, en refusant de s’attaquer
au train de vie de l’État et à l’abus de pression fiscale, le gouvernement se
prive des deux leviers les plus importants.
Ses atermoiements concernant les impôts, les taxes, la CSG, et
sa scandaleuse surtaxe confirment son incapacité à sortir du carcan socialiste
basé sur toujours plus d’impôt. Et ce n’est pas la petite réforme du droit du
travail qui, bien que positive, changera quoi que ce soit à elle toute seule.
Un certain espoir est permis toutefois côté Éducation nationale.
Mais rien ne semble possible à court terme ni sur le plan des inégalités
privé/public ni sur l’indépendance des médias.
Source contrepoints.org
Par Claude Robert.
Claude Robert est consultant
international en organisation, et auteur du site satirique « Eradiquons le
politiquement correct français »
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