John Stuart Mill ce
libéral de gauche
Devenu adepte
d’un « libéralisme progressiste », le grand penseur libéral a placé au-dessus
de tout la liberté des individus.
Premier opus de maturité de l’immense penseur et économiste
anglais que fut John Stuart Mill (1806-1873), les
Principles of Political Economy with some of their Applications to Social
Philosophy ont été maintes fois réédités après leur parution initiale en
1848 : ils furent en effet « le traité le plus
lu de la période » (Schumpeter). Le lecteur français n’y avait plus
depuis longtemps accès, la seule traduction datant de 1864 n’ayant jamais été
rééditée. Le présent volume comble cette lacune, en donnant à lire un choix
raisonné des textes les plus importants du volume.
J.S. Mill s’y montre classiquement libéral en économie, partisan
de la libre concurrence et d’un « laissez-faire » qui doit demeurer la « règle
générale » tout en l’assortissant de notables restrictions qui seront sa marque
propre et sanctionnent sa rupture avec l’économie politique orthodoxe. S’il y a
chez Mill une adhésion claire aux principes classiquement libéraux de
l’économie politique, celle-ci est néanmoins corrigée par l’introduction de
notables « exceptions » au respect de la « règle générale du
laissez-faire » (Livre V). Mill s’éloigne d’Adam Smith et de Ricardo, pour
poser les bases d’un libéralisme modérément régulateur, ou « de
gauche », comme on dit parfois.
Le lecteur y verra aussi poindre le libéral radicalement
réformateur sur le plan social. Dans son chapitre sur « l’avenir des classes laborieuses », Mill prend fait et cause,
exemples à l’appui, pour une distribution primaire bien plus équitable des
richesses produites, par l’association du capital et du travail, par
l’émancipation par l’éducation, ou la promotion des travailleurs en
auto-entrepreneurs librement associés.
Idée qu’il poursuit dans son étonnant chapitre sur « l’état stationnaire », où affleurent déjà
des préoccupations (malthusiennes) écologiques. Il anticipe les problématiques
contemporaines d’une écologie raisonnée et critique d’une croissance
démographique sans fin.
Enfin, Stuart Mill préfigure les thèmes
émancipateurs, anticonformistes et antipaternalistes, du fameux On Liberty (1859),
en faveur d’une pleine liberté individuelle contre l’étatisme, préfigurant en
cela d’une dizaine année les thèses clefs de son maître-ouvrage.
Le second ouvrage constitue une traduction inédite en français
des Chapters on Socialism (1879) par
Michel Lemosse. Le tout agrémenté d’une présentation par Alain Laurent.
Paru en 1879 sous le titre On
Socialism, ce bref texte de John Stuart Mill (1806-1873), inédit en
français, est issu de notes rédigées à la fin de sa vie en vue d’un futur livre
sur son rapport au socialisme naissant qui l’attire tout en suscitant ses
réserves. Cet ouvrage sera finalement publié à titre posthume en 1879, six ans
après sa mort. Sous la forme inachevée d’un texte en cinq chapitres, Stuart
Mill répond à la question « Est-ce que les
constructions théoriques socialistes sont réalisables et bénéfiques ? »,
et soumet ces « constructions » (où Louis Blanc a la part belle) à un
« examen impartial ».
Attentif au sort des « classes laborieuses » depuis la
révolution de 1848 et s’aidant de sa méticuleuse lecture de Louis Blanc, Mill
exprime sa sympathie pour un « socialisme tempéré », progressif, non
autoritaire et décentralisé, et plaide pour le développement d’une économie
coopérative, autogérée mais ouverte à la libre concurrence ou à l’association
égalitaire entre entrepreneurs et salariés. Il répudie, sans appel, le
« socialisme autoritaire » (le communisme).
Mais Mill n’hésite pas à critiquer les déficiences de ce
socialisme « tempéré » : idéalisme parfois béat, catastrophisme,
incompréhension des vertus de la libre concurrence et risques liberticides
(« tyrannie de la majorité », étatisation de l’éducation, …)
Malgré une mise en cause du principe de la propriété privée des
moyens de production, Mill reste à distance du socialisme tout en s’affirmant
en pionnier d’un libéralisme hardiment réformiste et déterminé à résoudre la
question sociale.
Devenu adepte d’un « libéralisme progressiste », le grand
penseur libéral demeure très méfiant envers l’État et continue à placer
au-dessus de tout la liberté des individus. Aussi apparaît-il dans ces pages
comme le préfigurateur de ce qu’on nomme le « social-libéralisme ». D’où le
double intérêt de Sur le socialisme :
pour l’histoire des idées, et la compréhension des débats qui font notre
actualité.
- Source contrepoints.org
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