Privatisation des universités
Vous
avez peut-être entendu les syndicats étudiants ou les partis politiques
dénoncer la possible “privatisation des universités”. Mais rassurez-vous
(ou inquiétez-vous), nos politiques antilibéraux n’ont aucune intention de
faire cela, même la droite. En revanche, je vais vous expliquer
pourquoi il faut privatiser les universités et les grandes écoles.
Situation actuelle
En
France, il est habituellement admis par tous les partis politiques, et réclamé
par les étudiants, que les études universitaires soit gratuites, ou presque.
Avec des frais d’inscription autour de 500 €, les universités ne financent
qu’une infime partie du budget nécessaire à un étudiant, qui représente
plusieurs milliers d’euros. Il en va de même pour un certain nombre de grandes
écoles publiques, pour lesquelles les dépenses de l’Etat sont encore plus
grandes, mais les frais pas d’avantage élevés. Pourtant, je vais ici tenter de
vous démontrer qu’un système d’études supérieures non financées par l’Etat
serait à la fois plus juste et plus efficace.
Plus de justice
L’alternative
la plus répandue à un financement par l’Etat est le financement direct par les
étudiants, qui sont alors les clients de l’université ou de l’école. C’est le
système “à l’américaine” où les universités font payer le coût réel des
études (ou plus – pour financer leurs éventuelles recherches) aux étudiants.
Cela représentant plusieurs milliers d’euros, les étudiants sont souvent
obligés de souscrire à un prêt qu’ils remboursement lorsqu’ils travailleront.
Vous pensez peut-être que c’est horrible pour ces pauvres étudiants de devoir
rembourser un crédit. Mais dans le système français, où les universités
françaises sont payées par l’Etat, croyez-vous qu’il n’y a personne qui paye
les professeurs ? Ils sont bien évidemment financés par les impôts. Donc en
France, quand les étudiants auront un travail, ils n’auront pas de crédits à
rembourser mais auront des impôts bien plus élevés à payer.
Mais me
direz-vous, ça revient au même finalement ? Non pas tout à fait. En effet, le
système actuel est injuste pour un certain nombre de personnes. En effet, ceux
qui ne font pas de longues études supérieures ne coûteront pas cher à l’Etat
mais devront payer leurs impôts comme les autres. C’est aussi le cas de ceux
qui choisissent de travailler rapidement et apprennent dans le cadre de leur
entreprise, et de ceux qui apprendront par eux-mêmes. Enfin, tous les étudiants
qui vont dans les écoles privées payantes auront eux aussi à payer des impôts
pour financer les études presque gratuites d’autres étudiants, alors qu’ils
auront eux-mêmes eu à payer leurs propres études. Au final, le système actuel
consiste à faire payer les études longues dans les universités et les grandes
écoles publiques par ceux qui font peu d’études supérieures, et ceux qui
financent leurs études eux-mêmes. Il s’agit donc au final d’un système de vol
des uns au profit des autres, qui n’est pas plus juste que ça. Si vous pensez naïvement
que ceux qui font des études courtes auront un métier mal payé et donc paient
peu d’impôts, vous vous trompez. D’une part, une grande partie des impôts
touche les emplois modestes (TVA, taxes sur l’essence…), et d’autre
part, beaucoup de gens arrivent à avoir au final en bon salaire même s’ils
n’ont pas fait d’études supérieures.
Des étudiants plus motivés
Si,
comme moi, vous avez déjà enseigné à l’université à des étudiants de première
année, ou si vous êtes vous-même étudiant, vous aurez sans doute remarqué qu’un
grand nombre d’étudiants ne sont pas motivés par leurs études. Beaucoup d’entre
eux sont à la fac par défaut, parce qu’il n’y a pas de sélection à l’entrée, et
parce que les frais d’inscription sont faibles (rien à voir avec les écoles
privées). Le résultat est qu’environ un étudiant sur deux ne passe pas en
deuxième année. Pourtant, occuper des étudiants qui s’ennuient coûte très cher,
et ne leur rend pas forcément service. Au final, des étudiants qui vont perdre
leur temps à rater des études supérieures “parce qu’il faut en faire” ne vont
pas s’en sortir mieux que s’ils avaient commencé à travailler. Il y a aussi une
certaine idée généralement partagée qu’il est impossible d’apprendre quoi que
ce soit après avoir commencé à travailler, alors qu’il est tout à fait possible
de continuer à se former par la suite. L’avantage de cette solution est
d’ailleurs est que l’étudiant pourra avoir une expérience dans le métier (ou un
métier proche) avant de continuer dans cette voie.
Des économies
Aux
Etats-Unis, le coût des études a poussé les universités à innover pour proposer
des études moins chères. Une innovation technologie très à la mode est les
“MOOC” (Massively Open Online Courses). Il s’agit de cours par Internet, où le
cours est enregistré sous forme de vidéo, et où ensuite les étudiants
travaillent ensemble pour progresser. Des devoirs sont néanmoins corrigés par
des professeurs. Ces MOOC sont proposés soient par des universités classiques,
soit par des société privées qui en ont fait leur activité principale. Cette
nouvelle façon d’étudier a un coût extrêmement réduit par rapport aux études
traditionnelles. Cela marche bien aux Etats-Unis car les étudiants y voient un
moyen de ne pas avoir de crédit à rembourser. C’est l’étudiant qui choisit
entre les MOOC ou les études traditionnelles, et c’est lui qui paye au final,
ce qui fait qu’il va pouvoir choisir entre les deux en assumant son choix,
comme tout client qui choisit entre deux produits.
En
France, les MOOC sont très peu développés, ce qui est assez logique si
quand on y réfléchit. En effet, leur avantage réside dans une réduction
des coûts. Mais qui a intérêt à réduire les coûts ? Certainement pas les
étudiants en fac, qui ne payent pas le coût des études. Les dirigeants des
universités alors ? Rappelons-nous qu’en France, les universités sont gérés par
des professeurs élus eux-mêmes par l’ensemble professeurs, chercheurs et
personnels de l’université. A votre avis ceux-ci ont-ils intérêt à favoriser
une forme d’enseignement qui permet de se passer d’un grand nombre d’entre eux
? C’est un peu comme ci une entreprise était gérée par ses salariées, mais
qu’on se rendait compte qu’il fallait en licencier un certain nombre. Les salariés
ont alors le choix de faire un licenciement de masse tout en gardant
l’entreprise en vie, ou alors de continuer ainsi mais de faire faillite. Cela
explique sans doute pourquoi si peu d’entreprise fonctionnent selon ce mode.
Mais une
université publique ne peut pas faire faillite ! Pourquoi ? Parce que s’il y a
des pertes et une mauvaise gestion, on trouvera toujours quelqu’un pour payer
(vous qui payez des impôts !). Donc au final, tous les ingrédients sont là pour
que rien ne change.
Plus de concurrence
Ce que
je vais énoncer ici est une banalité quand on parle d’entreprises, mais on n’y
pense pas quand il s’agit d’universités ou de grandes écoles. Le fait que les
universités soient payantes va favoriser la concurrence. Chacun va essayer de
faire soit mieux que son concurrent pour le même prix, ou proposer la même
chose pour moins cher.
Au
passage, profitons-en pour tordre le coup à une autre idée reçue. On entend
souvent les syndicats étudiants avoir peur d’une plus grande concurrence
entre universités. Leur cheval de bataille est la défense des diplômes
nationaux, identiques sur tout le territoire. Ils défendent cela, car ils
veulent qu’une diplôme de licence (par exemple) soit reconnu par les
entreprises comme aussi bon, qu’on vienne d’une grande université de Paris ou
d’une petite université perdure à la campagne.
Dans la
réalité, c’est très largement un illusion. L’étudiant écrit clairement sur son
CV dans quelle université il a fait ses études, donc si une université a un
mauvaise réputation, cela le desservira de toute façon.
Par
contre, le système actuel a un véritable effet pervers. Une université n’a
aucun intérêt à garantir la qualité de ses diplômes, c’est à dire à rendre le
niveau suffisamment difficile pour que le diplôme certifie de vraies
compétences. Si une université augmente le niveau de difficulté, elle ne
décernera qu’une licence comme une autre, et ne pourra pas “vendre” l’image de
marque de son diplôme (c’est censé être un diplôme normalisé par l’Etat). Par
contre une université laxiste décernera aussi des licences, ce qui contribuera
à décrédibiliser non seulement l’université en question (bien fait pour elle !)
mais aussi les autres qui décernent une diplôme officiellement équivalent.
Il est
d’ailleurs particulièrement intéressant de voir certains syndicats étudiants
réclamer un assouplissement des règles pour obtenir le diplôme de licence (par
exemple le droit de compenser un mauvais semestre par un bon semestre) alors
que d’autres défendent le maintien de la qualité des diplômes, comme quoi
certains ont compris le revers de la médaille.
Conclusion
La
privatisation des universités et des grands écoles, loin d’être un complot au
service des riches, serait à la fois une solution plus efficace et plus juste
qui entraînerait une meilleure gestion des universités. Cela montre que même
dans le domaine de l’éducation supérieure, les principes économiques qui font
du marché libre le meilleur système s’appliquent également. Espérons que les
contribuables comprendront un jour que les universités et écoles sont la
non pas pour garantir un poste aux professeurs, mais bien pour former les
étudiants et leur permettre d’avoir un travail grâce à leurs compétences.
Source contrepoints.org
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire