vendredi 26 septembre 2014

Billets-Beaucoup de com mais peu d’idées


Beaucoup de com mais peu d’idées

Manipulateur et narcissique, le futur candidat n’est pas à la hauteur des valeurs françaises.

Déçus par leur président, François Hollande, qui avait promis une chose et qui a fait son contraire, les Français assistent au spectacle berlusconien du retour de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy. Premiers signes de ce retour, de nouvelles photos de Sarkozy faisant du jogging à Paris ou du vélo dans sa résidence du cap Nègre, image parue en une du Journal du dimanche.

Le doute n’est plus permis : Sarkozy revient. Et avec lui, le spectacle. Il dit être un homme neuf, mais bien malin qui peut faire la différence avec l’ancien : grandiloquence dans les annonces, vacuité dans les contenus. L’ancien président entend construire sur les ruines de son parti délabré “la première formation du xxie siècle”. Idées ? Programme ? Il évoque un “nouveau projet”, veut “reconstruire la politique”, “dépasser les clivages traditionnels qui ne correspondent plus aujourd’hui à la moindre réalité”.

Autant dire que, lors de son entretien télévisé, il ne s’est engagé sur rien de précis, se cantonnant à son rôle de victime injustement poursuivie par des juges qui enquêtent sur les multiples délits qu’il aurait commis. Pourquoi veut-il revenir ? “Je n’ai jamais vu une telle colère, un tel désespoir”, a-t-il déploré. Il ne veut pas que les Français aient à choisir “entre le spectacle désespérant d’aujourd’hui (Hollande) et la perspective d’un isolement sans issue avec Mme Le Pen”. Des formules reprises telles quelles du texte qu’il avait mis en ligne l’avant-veille sur Facebook.

Big Brother
En somme, peu de politique, beaucoup de communication, et surtout des messages à la première personne du singulier. L’image est très étudiée. Le retour se fait par étapes, avec la complicité des médias, afin d’obtenir la plus grande couverture possible. Premièrement, un texte sur Facebook ; ensuite, des déclarations à la presse ; enfin, un entretien en prime time. Tout ce dispositif médiatique pour faire passer un seul message : me revoilà. “C’est une longue marche qui commence”, annonce-t-il, prenant pour modèle le président Mao. Nicolas Sarkozy assure qu’il a “changé” [formule qu’il utilisait déjà dans son discours d’investiture de 2007].

Reste que son retour ne suscite guère d’enthousiasme. Les Français gardent en mémoire ses gesticulations permanentes, sa tendance à privatiser la fonction présidentielle, ses méthodes dignes de Big Brother. Et surtout, ils n’oublient pas qu’il est poursuivi par la justice dans le cadre de dix affaires de corruption, de trafic d’influence, de financement occulte, d’alliances douteuses (qu’il nie) avec ses amis Kadhafi ou Assad. Est-ce cela, un président de la France ?

A la figure du monarque républicain, digne, respecté et discret, on voit succéder un personnage américanoïde, histrionique, manipulateur des médias (et de ses amis), dans le collimateur de la justice, qui se vante d’avoir 35 000 amis sur Facebook. Où sont la grande culture, l’élégance, la distance respectueuse d’une institution sacralisée, chez cette espèce de Berlusconi à la française ? Est-ce là le genre de réformes dont la France admirable a besoin pour être compétitive dans la mondialisation ?

Ces réformes qu’on dit inévitables et dont on ne sait pas vraiment à quelle prétendue nécessité elles obéissent mais que les médias et les politiques martèlent comme des vérités religieuses. Nous verrons bien. Mais une chose est sûre : même si nul ne doute de l’énergie du personnage, son retour provoque des réactions diverses et ne laisse personne indifférent.

Dessin de Burki paru dans 24 Heures, Lausanne.
Source Courrier International

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire