Berlin espionne la Turquie
Les révélations du magazine Der Spiegel sur
l'espionnage de la Turquie par les services de renseignement allemands jettent
un froid entre ces deux partenaires de l'Otan. Elles éclairent aussi le retour
de l'Allemagne sur la scène internationale.
C'était une révélation quelque peu embarrassante pour
l'Allemagne, pays qui s'indigne depuis des mois d'être espionné par son allié
Washington : les services de renseignement allemands (BND) ont dans leur
viseur... la Turquie, l'allié de l'Otan. Le fait est consigné dans le mandat
établi par le gouvernement en 2009 qui fixe pour quatre ans (voire davantage,
comme dans le cas présent) les points forts de l'action du BND définis par le
gouvernement, relate Der Spiegel dans
son édition du 18 août.
Le but de cette surveillance ? Officiellement, il pourrait
s'agir de mieux "contrôler le PKK [parti kurde interdit en Turquie], les
groupes extrémistes implantés en Allemagne, les trafics de drogue et de
passeurs", comme l'assure le président de la Commission des Affaires
intérieures au Bundestag, Wolfgang Bosbach (CDU), cité dans les colonnes de la Süddeutsche Zeitung. Le dessein de cette
surveillance peut aussi être expliqué par les paroles du député au Bundestag,
Jürgen Trittin (Vert), relatés dans le quotidien de Munich, à propos du fait
que "la sécurité de l'Allemagne est 'directement affectée' par les tensions
dans la zone frontalière entre la Turquie, la Syrie et l'Irak, dans la mesure
où des soldats de la Bundeswehr y sont stationnés."
En attendant les éclaircissements – qui viendront non du
gouvernement d'Angela Merkel mais du Parlement, selon la Süddeutsche Zeitung –, la Turquie s'offusque,
demande des explications à l'ambassadeur d'Allemagne à Ankara et exige un arrêt
immédiat de ces pratiques d'espionnage. "Si Ankara le veut, elle pourrait
en faire une grosse affaire politique, souligne encore Der Spiegel.
Dans le contexte actuel, où Berlin dirige ses efforts diplomatiques sur la
lutte contre l'Etat islamique dans le nord de l'Irak, [région où la Turquie
joue un rôle central] on préfère ne pas imaginer les conséquences que cet
événement pourrait avoir."
Quelles que soient les futures réactions d'Ankara, "le
BND pose problème – mais il crée aussi un fait accompli, analyse
l'éditorialiste du magazine Der Spiegel,
Roland Nelles. Depuis quelque temps, des
dirigeants – tels que Joachim Gauck, le président de la République, ou Ursula
von der Leyen, la ministre de la Défense – évoquent l'importance croissante de
l'Allemagne dans le monde et incitent Berlin à s'affirmer sur la scène
internationale. Au moment où le débat s'amorce, le BND met déjà le projet en
œuvre."
Dessin d'Ammer, paru dans NRC Handelsblad (Amsterdam)
Source Courrier International
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