Les armes automatiques… et les enfants
Une jeune fille de 9 ans a tué son instructeur
avec un pistolet automatique sur un stand de tir en Arizona. Un accident qui
suscite un débat sur l'initiation des enfants aux armes à feu.
Manier,
charger, viser et tirer : voilà qui fait partie d’un rite initiatique pour de
nombreux jeunes Américains. Mais cette semaine, cet excitant rituel de la
progression vers l’âge adulte a tourné à la tragédie : dans un centre de
tir du désert Mohave, une petite fille de 9 ans a tué son instructeur avec un
pistolet mitrailleur Uzi placé en mode automatique.
La
réglementation américaine en matière de maniement des armes par les mineurs est
des plus restreintes. Aussi bien la culture que la législation poussent à une
introduction au tir dès le plus jeune âge, que ce soit lors de pique-niques en
famille sur des stands de tir, chez les scouts ou encore grâce aux séances
organisées par la NRA [National Rifle Association, le lobby des armes à feu]
pour permettre aux enfants de “s’amuser” avec des armes.
Mais même
dans ce pays où le “tourisme des armes” est en plein essor, les tireurs sont
aujourd'hui amenés à réfléchir. Car la mort de l’instructeur Charles Vacca,
lundi 25 août, au stand [baptisé Bullets
and Burgers, “balles et hamburgers”] de Last Stop, à White Hills
(Arizona), est un drame qui soulève d’épineuses questions quant à la
responsabilité des parents et qui ouvre le débat : les Etats devraient-ils
interdire l’utilisation des armes automatiques lourdes par les enfants ?
“La
législation dans l’Arizona autorise les mineurs à manier une arme à condition
d’être accompagné par un parent, un tuteur ou un instructeur. Mais ce type
d’armes-là ?” s’interroge E. J. Monti dans l’Arizona Republic. “Pourquoi un stand de tir laisserait-il une
enfant manier une arme automatique ? Pourquoi un parent le
tolérerait-il ? Pourquoi un Etat l’autoriserait-il ?”
A partir de 8 ans
Les
fédérations nationales de stands de tir fixent généralement à 8 ans l’âge
minimum de pratique pour les enfants, à condition qu’ils soient accompagnés
d’un adulte. A Last Stop, les parents de cette petite fille du New Jersey,
apparemment familiarisés avec les armes à feu, avaient signé une décharge pour
lui permettre de manier l’Uzi.
Sur une
vidéo fournie par le bureau du shérif du comté de Mohave, on peut voir Charles
Vacca donner des conseils à cette petite fille en short rose et queue de cheval
et la féliciter pour la précision de ses tirs, avant de lui annoncer qu’il a
mis le pistolet mitrailleur en position automatique. Quand la petite fille se
remet à tirer, elle perd le contrôle de l’arme qui part vers la gauche puis
vers le haut tout en crachant des rafales de balles. La vidéo prend fin avant
qu’une balle n’ait atteint Charles Vacca. Il est décédé après son arrivée à
l’hôpital à Las Vegas.
De
fabrication israélienne, l’Uzi est apprécié pour sa taille compacte et sa
facilité d’utilisation. Mais c’est aussi une arme dangereuse, en particulier
entre mains des enfants. En 2008, un garçon de 8 ans qui n’avait pas su
tenir son Uzi au moment du recul s’était tiré une balle dans la tête lors d’une
activité de tir à la citrouille sur un salon consacré aux armes à feu, près de
Springfield, dans le Massachussetts.
Dans ce
débat sur les armes et les enfants, la question est de savoir si une formation
précoce permet de réduire le nombre d’accidents à l’âge adulte. A en croire les
témoignages sur les réseaux sociaux, de nombreux Américains ont leur premier
contact avec des armes dès 4 ou 5 ans, au motif que la familiarité avec
les armes limiterait à la fois leur attrait et leur dangerosité.
Fascination
Les
loisirs autour des armes ont souvent quelque chose d'excitant. Au Gun Club de
Scottsdale, dans l’Arizona, pendant les fêtes, on se fait photographier en
famille aux côtés du père Noël – et avec un arsenal complet équipant du
plus petit au plus grand.
Si la
recherche n’offre pas de conclusion définitive, les détracteurs des armes à
feu, à l’image de Marjorie Sanfilippo, psychologue au Eckerd College de St.
Petersburg (Floride), dénoncent la fascination qu’elles exercent sur les
enfants. Lors des études, on voit que les enfants mis en présence d’une arme
ont le plus grand mal à ne pas la toucher, surtout quand on le leur interdit.
Cependant,
les accidents sur les stands de tir sont extrêmement rares. Celui de Last Stop
n’en avait jamais enregistré aucun, “pas même une égratignure”, assure son
propriétaire, Sam Scarmardo.
“Il n’y a
rien de mal à emmener des enfants au stand de tir, estime pour sa part Adam
Winkler, professeur de droit à l’université de Californie (Los Angeles),
interrogé dans le Wall Street Journal.
Les accidents sur les stands de tir sont des cas tout à fait isolés.”
Dessin
de Cost
Source Courrier International