Dessin de Cost, Belgique.
Alors que les médias de la province du Guangdong [sud de la Chine] révèlent une concentration de cuivre 740 fois supérieure à la normale dans des huîtres, à une embouchure de la rivière des Perles, le 9 octobre dernier, à Wenling, dans la baie de Yueqing [province côtière du Zhejiang, un des grands centres aquacoles de Chine], M. Huang déguste justement une omelette aux huîtres.
Ce paysan de 48 ans ne mange déjà plus depuis huit ans le riz qu’il plante, car il a été prouvé que la prévalence élevée des cancers dans son village est liée à une pollution [des sols] aux métaux lourds. Il fait désormais très attention. Mais voilà que maintenant les fruits de mer vont devenir pour lui un nouvel aliment interdit !
Selon le “Rapport sur la qualité de l’environnement marin de la province du Guangdong en 2010”, les polluants rejetés en mer au niveau des huit principales embouchures de la rivière des Perles auraient été estimés à plus de 1 million de tonnes. Ils seraient à l’origine de dépassements importants des teneurs en métaux lourds autorisées dans certains coquillages.
Un inspecteur chargé de la protection de l’environnement maritime a révélé que la pollution aux métaux lourds provient en grande partie des rejets clandestins des industries chimiques dans les eaux littorales. Toute la côte est touchée par ce type de pollution. Celle de la baie de Yueqing n’est qu’une illustration de ce qui peut arriver aux villes côtières cernées par les industries.
Un haut fonctionnaire de Wenling explique que sa région a été pendant un temps “la plus grande base de démontage et de recyclage de déchets électroniques en Chine”, avec une capacité de traitement de plus de 2 millions de tonnes par an. Les villageois employaient des acides comme le vitriol et l’acide nitrique pour extraire les composants métalliques. La gigantesque pollution générée avait provoqué la disparition des poissons et écrevisses du ruisseau Tongshan, aux eaux jadis limpides.
La pollution aux métaux lourds se déplace au fil de l’eau jusqu’à la mer, où ces substances finissent par s’accumuler, en particulier dans les coquillages, avant de nuire finalement à la santé des hommes qui les consomment. Cette pollution se déverse chaque jour aux embouchures des différents cours d’eau qui constellent les 18 000 km du littoral chinois.
“La pollution des mers qui bordent la Chine par les métaux lourds est devenue un problème global”, souligne Guo Yuanming, ingénieur principal à l’Institut de recherches sur les ressources aquatiques océanes du Zhejiang. Du nord au sud de la Chine, aucune région n’est épargnée. Ainsi, des études effectuées dans le golfe de Bohai [nord-est] ont mis en évidence la qualité médiocre des coquillages élevés dans la plupart des fermes conchylicoles de la province du Hebei. En mer de Chine orientale, la situation s’avère encore plus catastrophique. “L’eau contient du plomb et du mercure à des niveaux bien supérieurs aux normes, et il arrive que des sédiments présentent des teneurs anormales en cuivre et en cadmium.”
La pollution se transmet ensuite très facilement aux produits de la mer. Entre juin 2005 et juin 2006, le Centre d’observation de l’environnement en mer de Chine orientale a prélevé une fois par mois des échantillons sur quatre marchés de gros de Shanghai spécialisés dans les produits de la mer. Résultat, “sur les quinze variétés de coquillages mis en vente, deux présentaient des dangers pour la santé, une devait être consommée avec prudence et quatre seulement pouvaient être mangées quasiment sans problème”.
Plus au sud, dans le golfe du Tonkin, dont les eaux étaient jusqu’à alors considérées comme d’assez bonne qualité, des chercheurs ont découvert en 2008 une “assez grave pollution par les métaux lourds”. Dans la province du Guangxi [sud], selon les conclusions d’études publiées en 2011, “deux variétés d’huîtres peuvent constituer une sérieuse menace pour la santé, du fait de la présence de métaux lourds”.
Les “marées rouges” [dues à des microalgues toxiques] qui touchent de temps à autre les côtes chinoises sont probablement une menace plus grave et plus directe pour la sécurité des produits de la mer que le dépassement des teneurs autorisées en métaux lourds. “Au cours du premier semestre, l’ingestion de moules toxiques ramassées dans la région frontalière entre les provinces du Fujian et du Zhejiang a provoqué des diarrhées chez plusieurs personnes. Par le passé, on a déjà enregistré des morts à la suite de la consommation de mollusques”, explique Guo Yuanming.Les données de l’Observatoire de l’environnement de la mer de Chine orientale montrent une tendance à la hausse du phénomène, avec une augmentation des “marées rouges” toxiques.
Impossible non plus de négliger le problème de la pollution par des matières organiques persistantes. Car la pollution liée aux composés organiques est très souvent cancérigène. Les organoétains [dont le tributylétain (TBT), substance chimique utilisée dans les peintures navales antifouling pour empêcher les mollusques et les organismes de se développer sur les parois des bateaux] pourraient même provoquer des mutations sexuelles [chez l’homme]. “Les effets cancérigènes ne s’observent qu’à long terme. Il faudra sans doute attendre une vingtaine d’années pour en avoir confirmation, mais à ce moment-là il sera trop tard !”
Source Courrier international 17 novembre 2011
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