samedi 8 décembre 2012

Billets-Ken Loach a refusé son prix au festival de Turin


Ken Loach a refusé son prix au festival de Turin

Par ce geste, le réalisateur britannique entendait protester contre les conditions de travail d'employés de ménage liés à la manifestation. Explications d'Andrea Martini, journaliste au quotidien “La Nazione”.
Andrea Martini est une figure de la critique italienne. Il est professeur d’histoire du cinéma à l’université de Sienne et critique de cinéma pour le quotidien La Nazione.

« En refusant le Grand Prix du Festival du film de Turin, Ken Loach a agi en complète cohérence avec lui-même. Quand on connaît ses films, et notamment Bread and roses, qui s’intéressait, en 2000, à la révolte des femmes et hommes de ménage mexicains à Los Angeles, on sait combien il est sensible à l’injustice sociale. Cet été, des syndicalistes ont pris contact avec le réalisateur britannique pour l’avertir que le musée du Cinéma de Turin, qui est associé au festival, avait délégué une partie de ses services de gardiennage et de nettoyage à une société extérieure. Ces contractuels, désormais extérieurs au musée, ont vu leurs salaires baisser. Deux employés se sont plaints et ont perdu leur emploi. Loach a demandé des explications au festival et à Alberto Barbera, directeur du musée, mais, au lieu de lui répondre, tous ont eu la mauvaise idée d’essayer de le faire revenir sur sa décision ; pis, de le culpabiliser. Comment pouvait-il ne pas tenir sa promesse de rencontrer les cinéphiles turinois ? On ne voit pas Ken Loach succomber au chantage affectif. La veille du début du festival, il a expliqué son refus de venir dans un communiqué à la fois ferme et aimable.

Gianni Amelio, réalisateur et directeur artistique du festival, et Ettore Scola, venu recevoir un prix pour sa carrière, ont eu des mots très durs à l’encontre de leur confrère, le traitant d’“idéologue obtus et narcissique. Le quadragénaire Paolo Sorrentino, président du jury, a même parlé d’un retour aux divisions des années 1970. Pour comprendre ces réactions excessives, signalons le désistement tardif de Dustin Hoffman (non pour des raisons politiques !) : en 48 heures, le festival avait perdu deux grands noms… C’est dommage car Turin est un festival fait pour Ken Loach. Le prix Cipputi, par exemple, y récompense chaque année le meilleur film sur le monde ouvrier. Allez trouver un prix équivalent à Venise ou à Cannes ! Les médias italiens ont beaucoup commenté le geste du cinéaste anglais, mais, bizarrement, n’ont pas eu la curiosité d’aller voir du côté du personnel de nettoyage. Cela ne devrait pas tarder : j’ai entendu dire que Ken Loach viendra bientôt leur rendre visite… »


Source Télérama propos recueillis par Agnès Catherine Poirier

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