Ados, gonflette et dopage
L'obsession du corps parfait n'épargne pas les
garçons. De plus en plus de jeunes Américains cherchent à se sculpter un corps
de rêve et sont prêts à y mettre le prix au détriment de leur santé.
Fsecart via FlickrCC Licence by
A l'âge de
quinze ans, David Abusheik s'est mis à faire deux heures d'haltérophilie par
jour, six jours par semaine. Aujourd'hui en terminale au lycée Fort Hamilton de
Brooklyn [quartier de New York], il a ajouté à son régime des barres et des
boissons protéinées afin d'augmenter sa masse musculaire sans prendre un poil
de graisse. "Avant, je ne prenais aucun complément alimentaire, explique ce garçon de 18 ans qui se destine
à une carrière d'ingénieur, mais je cherchais quelque chose qui m'aide à me
muscler un peu plus vite."
Face à ces
garçons qui mettent leur santé en danger pour essayer de se sculpter un corps à
la Schwarzenegger, que seuls les gènes peuvent réellement conférer, les
pédiatres ont commencé à tirer la sonnette d'alarme. Qu'ils passent des heures
dans des salles de sport, dilapident leur argent de poche en compléments
alimentaires hors de prix ou prennent le risque de s'essayer aux stéroïdes, les
jeunes Américains semblent prêts à payer le prix fort pour obtenir le corps
idéal.
Selon une
étude publiée le 19 novembre par la revue Pediatrics, plus de 40 % de collégiens et lycéens affirment s'entraîner
régulièrement dans le but d'augmenter leur masse musculaire, 38 % reconnaissent
consommer des compléments alimentaires et près de 6 % admettent avoir essayé
des substances anabolisantes. Fait plus significatif encore, 90 % des
1 307 garçons interrogés – qui vivent tous dans la région de
Minneapolis-St Paul [Minnesota] mais sont représentatifs de ce qui, selon les
médecins, serait un phénomène national – disent s'entraîner au moins une fois
de temps en temps afin d'acquérir davantage de masse musculaire.
- Les collégiens aussi se mettent au culturisme
Si le
culturisme a depuis longtemps la faveur des étudiants à l'université, les
pédiatres ont été surpris de constater que les collégiens s'efforcent eux aussi
de développer leur musculature. Or leur jeune âge constitue un facteur de
risque supplémentaire. Les médecins expliquent que, tout comme les jeunes
filles qui comptent chaque calorie qu'elles absorbent afin de rester minces
peuvent se faire plus de mal que de bien, les garçons à la recherche d'une
image illusoire de virilité peuvent finir par retarder leur croissance, plus
encore lorsqu'ils utilisent des compléments alimentaires – pire, des stéroïdes
– pour accélérer les résultats.
"Les
compléments alimentaires posent problème car contrairement aux médicaments, ils
ne sont pas réglementés et il est donc très difficile de connaître leur
composition exacte", explique le Dr Shalender Bashin, professeur de
médecine de l'université de Boston et chef du service d'endocrinologie, diabète
et nutrition du Centre médical de Boston. Ils contiennent parfois des stéroïdes
anabolisants, et certains compléments protéinés, même s'ils sont de très bonne
qualité, peuvent être dangereux lorsqu'ils sont consommés en grande quantité ou
en remplacement des repas, souligne-t-il.
Les
stéroïdes anabolisants sont particulièrement nocifs pour un corps qui n'est pas
totalement formé, poursuit le Dr Bashin. En effet, "ils bloquent la
production de testostérone chez les hommes", ce qui conduit à de graves
problèmes de sevrage chez les adolescents en pleine croissance qui tentent
d'arrêter d'en prendre. Pourtant, à force d'associer les stéroïdes à de grands
sportifs comme Lance Armstrong, on ancre l'idée selon laquelle les produits
dopants peuvent être gérés avec succès.
- Des jeunes musclés en photo sur les réseaux sociaux
Internet fourmille de forums de culturisme sur lesquels des
gamins à peine sortis de la puberté discutent de programmes d'haltérophilie, de
proportion de masse graisseuse et évaluent mutuellement leurs progrès. Des
adolescents publient également sur les réseaux sociaux Tumblr et Facebook des
images d'athlètes tout en muscles sous les termes de "fitspo"
ou "fitspiration", contraction de "fitness inspiration".
Le jeune
David Abusheikh a ainsi rempli sa page Facebook de photos de lui torse nu
exhibant ses pectoraux. Cette année, le concours de culturisme de son lycée a
atteint un record de participation, attirant 30 élèves. "Ils nous posent
toutes sortes de questions", confie
Peter Riviera, professeur d'éducation physique au lycée Fort Hamilton qui
contribue à superviser le concours. "Comment puis-je perdre du poids ?
Comment faire pour me muscler ? Combien de fois par semaine dois-je
m'entraîner ?"
Par
rapport au mode de vie sédentaire des accros aux jeux vidéo ou de la télé, on
ne peut pas véritablement considérer cette obsession pour l'exercice physique
comme un danger pour la santé. Les enseignants comme M. Rivera assurent
d'ailleurs que la plupart des adolescents sont avides de conseils sur les
méthodes les plus saines pour se muscler sans recourir à des substances
dopantes. Mais, dans la mesure où l'on en sait si peu sur les compléments
alimentaires, il peut s'avérer difficile, surtout pour des adolescents, de
prendre de bonnes décisions.
David
Abushiekh, qui mesure 1,52 m pour 56 kilos, assure qu'il ne touche pas aux
stéroïdes et qu'il préférerait ne pas avoir recours aux compléments
alimentaires. Mais, du fait de sa petite taille, il lui fallait gagner en masse
musculaire pour participer au concours de culturisme de son lycée. "Mon
objectif premier est de faire des études d'ingénieur, dit-il, mais si, pour une raison ou une autre, je n'y arrive
pas, je me dis que je pourrais toujours devenir coach personnel."
Source Courrier International
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