David Bowie : Un mutant
A l'occasion de la sortie de “The Next Day”,
retour sur les métamorphoses et les audaces de Bowie, qui a toujours su
bouleverser le cours et les codes du rock.
Neuf ans
de réflexion. L'homme qui a su orchestrer ses multiples renaissances a géré
avec brio son absence. De son vrai-faux adieu à la scène en 1973 à son éclipse
subite, en juin 2004, pour raisons de santé, David Bowie a toujours su
maîtriser son destin. Retiré d'une course qui a vu tant de ses contemporains
frôler l'usure, la répétition, David Bowie a stoppé net la banalisation vers
laquelle sa dernière trilogie d'albums l'entraînait.
Convalescent,
mais surtout libre de ses mouvements, il s'est contenté d'observer les
mutations artistiques et esthétiques, l'évolution économique d'une industrie
qu'il a en partie anticipée (introduction de son catalogue, dont il détient
tous les droits, en Bourse dès 1997). Pour constater qu'absent il demeurait
très présent. Lui, dont l'art s'est abreuvé de tous les grands – reconnus ou
obscurs – qui l'ont précédé, a vu son œuvre kaléidoscopique, impossible à
réduire à un style puisqu'il les a presque tous abordés, imprégner les sillons
et l'esprit, le style ou l'ambition des jeunes générations. Ils ont tous en eux
quelque chose de David Bowie. La voix, la classe ou la présence en moins.
C'est bon
de se sentir irremplaçable. Et désiré. Pas une année ne passe sans que
bruissent les pires rumeurs sur les réseaux sociaux. Bowie, génie de la com, ne
dit rien. Le tweet ne passera pas par lui. Il connaît la valeur de la rareté.
Qui d'autre, à notoriété égale, aurait pu s'enfermer dans un studio new-yorkais
pour graver un album dans le secret ? L'existence de The Next Day n'a été
connue que le jour – le 8 janvier 2013, date de son 66e anniversaire – où Bowie
l'a décidé. Et a créé un buzz inouï. Bowie manquait, assurément. Et, avec lui,
cet espoir d'être désarçonné par un nouveau tour de passe-passe, une de ces
réinventions dont il a le secret.
The Next Day ne peut égaler ses chefs-d'œuvre passés. Mais il n'a rien
du disque de trop. Il témoigne de la vitalité d'un artiste toujours singulier.
Un joli pied de nez, aussi. A l'heure où une exposition célébrant son œuvre va
s'ouvrir à Londres, David Bowie refuse de se laisser muséifier. Il demeure
vivant, imprévisible et fascinant.
Un artiste
unique dans lequel on guette toujours la flamme de celui qui, pendant une
décennie de folie, a su modifier à plusieurs reprises le cours et les codes du
rock. Un homme de son et de vision que nous avons choisi de célébrer dans ses
plus belles années. Ses débuts charmants, en quête d'identité ; sa réalisation
à travers son invention de l'icône glam ultime ; et sa période de doute et
d'angoisse, qui lui a inspiré ses plus grandes audaces musicales et
artistiques.
Source Télérama
1973. Masayoshi Sukita photographie la star à New York. © Masayoshi
Sukita
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