Vitamines et cancer
L’utilisation de comprimés contenant des
multivitamines est très répandue aux Etats- Unis. Cette mode pourrait
avoir un très léger effet bénéfique dans la prévention de la survenue de
cancers si on en croit une nouvelle étude faite sur des médecins pendant plus
de dix ans.
Jusqu’à présent,
aucune étude et aucune recommandation officielle n’ont permis de dire que la
prise de pilules multivitaminées permettait de réduire le risque de survenue
d’un cancer. Pourtant le rituel du petit-déjeuner américain, mais aussi chez certaines
personnes en Europe, est d’ingurgiter ces comprimés riches en vitamines du
groupe B, de la vitamine C, E, PP etc.
Par le passé, des
études épidémiologiques avaient même montré, paradoxalement, que des doses trop
élevées de vitamine E pouvaient favoriser des hémorragies.
Une nouvelle pièce est
à verser au dossier depuis le mercredi 17 octobre 2012 avec la parution en
ligne et en accès libre d’un article de la publication de l’étude
randomisée en double insu de complexes vitaminiques versus placebo dans
le ‘JAMA’.
Cette étude, appelée Physicians’ Health Study II (PHS II) a été menée par les chercheurs de
Harvard qui ont suivi pendant 11 ans des médecins de sexe masculin.
Ces médecins
recevaient soit un placebo soit des complexes multivitaminiques composés
de :
Vitamine C : 500 mg d’acide ascorbique
Vitamine E : 400UI d’alpha-tocophérol
Beta-carotène : 50 mg
Ces produits étaient
donnés au début de la première étude sur les médecins avec, en plus de
l’aspirine, afin d’étudier les effets de cette supplémentation sur le risque de
maladies cardiovasculaires, d’affections rétiniennes, de déclin cognitif et de
prévention du risque de cancer.
Le beta–carotène a été
interrompu en 2003 et les médecins inclus dans PHS II ont donc pris un jour sur
deux de la vitamine C et E ou un placebo.
Ce sont donc 14641
médecins qui sont entrés dans l’étude, 1371 recevant les vitamines et 7324 le
placebo. L’âge moyen était de 64,3 ans (± 9,2 ans)
Dans chacun des
groupes, 9% des volontaires étaient concernés par un cancer autre qu’une tumeur
de la peau autre qu’un mélanome.
Pour l’analyse finale,
seuls les nouveaux cancers étaient pris en compte.
Après 11 ans de suivi
il y a eu 2669 cas de cancers constatés, dont 1373 tumeurs prostatiques et 210
localisations au colon.
Durant le suivi il y a
eu 2757 décès dont 859 liés à un cancer.
Quand on regarde les
chiffres des résultats on constate que la prise de multivitamines a
permis une très modeste réduction du risque de survenue d’un cancer, mais
statistiquement significative néanmoins.
Pour les habitués des
essais cliniques les données statistiques sont les suivantes :
HR :
0 ; 92 ( IC95% :0,86-0,998. p=0,04).
Pour celles et ceux
moins familiers avec ce jargon, le risque de cancer est réduit de 8 % chez ceux
qui prenaient les multivitamines. Mais le résultat est assez ‘fragile’ et il
n’aurait pas fallu grand-chose pour que la conclusion soit une absence d’effet
significatif.
Que montrent les
analyses plus poussées ?
La prise de ces
vitamines n’a pas abaissé la survenue d’un type particulier de cancers
mais a joué sur le nombre total de cancers.
Elles montrent que
ceux qui ont le plus bénéficié de cette supplémentation sont ceux qui avaient
déjà un cancer à l’entrée dans l’étude et pour lesquels ces complexes
vitaminiques ont réduit le risque d’un nouveau cancer.
C’est ce qu’on dénomme
une prévention secondaire
Faut-il alors se jeter
sur les complexes vitaminiques quand on est un homme d’âge moyen, voire proche
de la soixantaine. Rien, à ce jour, ne justifiait ce choix.
Cette étude peut
évidemment amener à revoir la position mais, répétons-le, le bénéfice est
surtout en terme de prévention secondaire et non primaire.
De plus, l’étude ne
montre aucun effet protecteur sur la survenue du cancer de la prostate, la
tumeur la plus fréquemment diagnostiquée dans cette étude.
Et cette prise de
vitamines n’a pas été sans désagrément : démangeaisons, saignements minimes.
La question reste donc
ouverte. Les doses utilisées dans cette étude sont des doses assez
élevées, puisqu’il s’agit de 500 mg de vitamine C et 270 mg environ de vitamine
E (400 UI, un mg=2/3 d’UI)
A ces dosages on
recherche un effet antioxydant bien supérieur aux doses nutritionnelles
nécessaires qui sont de 110 mg environ pour la vitamine C et de 70 UI pour la
vitamine E.
Les dosages de l’étude
ne doivent surtout pas être dépassés. Les surcharges vitaminiques n’ont rien
d’anodin. Il y a eu des hémorragies cérébrales liées à de hautes doses de
vitamine E.
Il semble donc que
l’effet modeste ne permette pas de conclure définitivement, sauf, peut-être
chez les hommes ayant déjà eu un cancer et pour lesquels cette supplémentation
peut avoir un léger bénéfice en prévention d’une récidive ou de l’apparition
d’une autre tumeur.
Référence
de l’étude:
J. Michael Gaziano et al
Multivitamins in the Prevention of Cancer in Men
The Physicians’ Health Study II Randomized
Controlled Trial
JAMA. 2012;():1-10. doi:10.1001/jama.2012.14641
Source docteurjd.com (blog santé de jd
flaysakier)
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