Ne sacrifions pas notre liberté aux
terroristes
Contre le terrorisme, que
pouvons-nous faire d’autre qu’éviter de scinder encore plus la société ?
Après la
sanglante année 2015, dont les attentats de janvier et novembre restent dans
toutes les mémoires, l’État Islamique a encore frappé la France à l’occasion de
la fête nationale. Pour autant, plus que jamais, il faut faire corps face à la
menace et ne pas abandonner nos valeurs.
Le 14
juillet et la fin de semaine ont été infiniment tristes. Une fois de plus, les
mots nous manquent à tous après l’effroyable attentat. Une fois de plus. À
Nice, des dizaines de milliers de personnes ont assisté en direct au massacre.
Le drame ne s’arrête pas là. Les symptômes d’une dislocation de la maison
France sont plus forts et plus nombreux qu’auparavant. À chaque nouveau coup
des terroristes islamistes, les fondations de notre société se fissurent
davantage. Le danger, ce sont évidemment les terroristes, mais aussi
nous-mêmes.
C’est ce
que Abou Moussab al-Souri a théorisé pour Daech. Faute d’avoir les ressources
pour nous affronter, le djihadisme islamiste s’appuie sur le terrorisme de 3ème
génération – mobiliser les descendants les plus déstructurés et les plus
instables d’une intégration ratée – poussant l’Occident à assurer lui-même le
travail de sa propre destruction par la guerre civile. Le week-end dernier, sa
théorie a marqué des points chez nous. Sous le choc, notre pays vacille et
doute de ses valeurs.
Des réactions indignes
Personne
ne peut me reprocher d’être favorable à la politique de l’actuel gouvernement.
Quelle que soit notre opinion de son action, les huées, sifflets et insultes
adressées au Premier ministre juste après la minute de silence à Nice étaient
déplacés pour la France comme pour les victimes qui méritaient le respect du
recueillement. Les leaders de l’opposition n’ont pas été plus dignes en
dégainant le lance-roquettes – au propre comme au figuré – sans attendre la fin
de la période de deuil national. Nous assistons à une combustion rapide de nos
institutions qui n’annonce rien de bon au moment où nous devrions être forts et
unis.
Quelques
minutes plus tard à l’endroit où le terroriste a été abattu, concours de
crachats sous les applaudissements de la foule sur un tas de détritus en feu :
exutoire ou réveil d’instincts bien sombres chez des Français remués par la
peur ? Plus loin, une femme balançait, péremptoire, « Casse-toi, rentre chez toi ! » à une
autre femme… simplement parce qu’elle avait un accent. Cette dernière s’est
alors effondrée en larmes avant de répondre « Je
resterai, je resterai ici, madame, car ma fille est morte ici jeudi ».
Le Professeur de Droit Jean-Louis Harouel en est même venu à écrire une tribune
appelant à renoncer à la « religion
des Droits de l’Homme ». Sommes-nous devenus fous ?
Allumer
des bougies s’est vidé de son sens et ne résout rien, prenons-en acte. Est-ce
plus efficace de manifester son envie d’en découdre ? « Nous sommes en guerre », mais
contre qui ? Hier Al Qaïda, aujourd’hui Daech, cette nébuleuse protéiforme
s’adaptera pour prendre demain un nouveau visage. « Il faut passer à l’action », mais comment ? Plus
nous intervenons au Moyen-Orient, plus la fréquence des attentats s’accroît sur
notre territoire. « Punissons les
coupables », mais lesquels ? Nous avons affaire à des ratés
transformés en kamikazes en quelques mois, quelques semaines, peut-être même
quelques jours. Les commanditaires sont insaisissables, pour la plupart, cachés
à l’étranger au sein de réseaux occultes. Si la solution n’est pas à portée de
main, elle passe aussi par des mesures concrètes pour réduire les risques ou
les dégâts de futurs attentats.
Les nouvelles mesures n’ont servi
à rien
Le gouvernement n’est pas exempt de toute critique, loin
de là. Les lois anti-terroristes et l’État d’urgence n’ont servi à rien
d’autre qu’à faire reculer nos libertés.
L’opération Sentinelles épuise aujourd’hui 10.000 militaires pour rassurer
l’opinion alors que les experts s’accordent sur son inutilité. Elle doit être
recalibrée. Le rapport Fenech/Pietrasanta
offre des pistes trans-partisanes qui vont dans le bon sens en simplifiant SEPT
services différents cloisonnés, TROIS coordinateurs qui ne coordonnent pas et
SIX bases de données non inter-opérables. Le Ministre de l’Intérieur – en
Allemagne ou au Royaume Uni, il aurait démissionné dès le 15 juillet par souci
de responsabilité – peut encore revenir sur sa décision d’avoir directement
jeté ces propositions à la corbeille.
Les professionnels de
la sécurité privée ont aussi des propositions
judicieuses pour améliorer la protection des foules lors des grands événements
populaires. Policiers hors service et vigiles spécialement formés devront sans
doute porter une arme de service sur eux à l’avenir. L’extension du port d’arme
à une garde civile formée et encadrée remédierait efficacement à l’épuisement
de nos forces de l’ordre et étofferait le maillage d’individus aptes à riposter
en cas de nouvel attentat. Mais comme l’admet le président d’un syndicat
d’officiers de police : « Il
faut oser dire que la police ne peut pas tout et qu’il y a une part
d’irrationnel, d’imprévisible devant ce genre d’actes isolés. » Yoram Schweitzer, ex-conseiller antiterroriste du
Premier ministre israélien, nous rappelle qu’il faut rester humbles : « Les leçons s’apprennent par le
sang versé ».
Vivre avec, et ne pas entretenir
une guerre civile
En fait,
notre colère révèle notre impuissance dans l’immédiat. Nous savons que nous
allons devoir vivre avec le terrorisme. Cette idée est proprement insupportable
dans le pays qui est le nôtre, celui du bonheur de vivre, des terrasses et de
la bonne bouffe. Nous allons pourtant devoir rester stoïques pendant les années
de lutte qui nous attendent. C’est un combat qui engage à chaque instant
l’ensemble de la société. C’est un engagement qui exige que les Français
fassent corps. Corps contre la menace permanente, corps contre la peur qui noue
le ventre à chaque nouvel attentat, corps contre l’intoxication des fausses
alertes qui rongent l’unité nationale.
« Les pacifistes d’aujourd’hui sont les collabos
de demain », mais collabos de qui ? Des femmes qui portent le voile
comme Malala, prix Nobel de la Paix, ou les combattantes qui mettent Daech à
mal ? Des Français musulmans ou, plus simplement, des Français d’origine
maghrébine ? L’ultra droite qui mène la danse sur ce plan ne fait pas dans la
dentelle. Alliée objective de Daech, elle n’attend qu’une chose comme l’a
indiqué le patron du renseignement français, Patrick Calvar : la guerre civile
entre musulmans et non-musulmans, quitte à réduire notre pays en cendres.
Rien ne
serait pire que de considérer les Français musulmans comme complices de ce
terrorisme qui tue aux cris de « Allah
akbar ! ». Cette barbarie promeut une forme d’Islam que de nombreux
savants et théologiens musulmans rejettent comme une interprétation sanguinaire
incompatible avec la plupart des autres manières de vivre l’Islam, en
particulier en Occident. Comme la première femme fauchée d’ailleurs, un tiers
des victimes de Mohamed Lahouaiej Bouhlel sont de confession musulmane. D’une
certaine manière, nous sommes tous égaux comme cibles de cet islamisme
génocidaire. Nous n’emporterons ce combat de notre civilisation contre ce virus
pathogène qu’en restant tous soudés autour des valeurs qui définissent notre
pays, à commencer par la liberté.
Source contrepoints.org
Photo By: Sarah – CC BY 2.0
Par Aurélien Véron.
Aurélien Véron est un militant libéral français,
ancien président de Liberté Chérie et depuis avril 2008 président du Parti
Libéral Démocrate.
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