La campagne de Macron est-elle déjà finie ?
La semaine qui s’est écoulée laisse
à penser que le champignon Macron, poussé brutalement après la pluie
gouvernementale, a fini sa croissance et qu’il pourrait bien entamer une pente
de déclin.
Emmanuel Macron
peut-il encore apparaître comme une candidature crédible, ou a-t-il déjà fait pschitt, pour reprendre l’expression de Jacques
Chirac à propos de l’une de ses affaires judiciaires ? La semaine qui s’est
écoulée laisse à penser que le champignon Macron,
poussé brutalement après la pluie gouvernementale, a fini sa croissance et
qu’il pourrait bien entamer son déclin.
Macron n’a pas atteint ses
objectifs
En lançant son
mouvement En Marche !, le jeune Macron avait
annoncé des objectifs de production et de diagnostic dignes de l’Armée Rouge.
En particulier, il promettait 100.000 questionnaires aux Français pour
comprendre les sujets qui les intéressent. Dans la pratique, il aura recueilli
25.000 réponses, affichant de nombreuses autres « conversations ».
Ce
chiffre fait un peu mauvais genre, dans la mesure où il laisse entendre que la
mayonnaise Macron n’a pas vraiment pris sur le terrain.
Une méthode digne d’un consultant
du BCG
Pour
mener à bien son opération de candidature, Macron a développé une sorte de
matrice piochée dans les diaporamas des cabinets de conseil : un diagnostic
partagé, une restitution, un programme. La méthode en elle-même interroge, dans
la mesure où le candidat donne le sentiment de ne pas avoir de vision, et de
chercher simplement à dire ce que les Français ont envie d’entendre.
Pour
l’instant, Macron en est à la phase de diagnostic. On croirait l’adaptation
fidèle d’une démarche RGPP.
Tout ça pour ça ?
Au final, Macron a produit, lors de son discours
de Strasbourg, un diagnostic extrêmement décevant
sur l’état de la France et de ses envies, au point qu’on se demande pourquoi il
a mobilisé autant d’énergie pour redire ce que tout le monde sait depuis
longtemps. Le pire est que tout cela est formulé dans un sabir fastidieux :
Des propositions obsolètes
Comble
de malheur, non seulement Macron a retiré des énergies qu’il a mobilisées un
diagnostic pauvre, mais il n’a formulé aucune proposition novatrice. Pour
répondre à la méfiance profonde des Français vis-à-vis de la politique, il a
simplement milité en faveur de l’introduction d’une dose de proportionnelle aux
élections législatives, et d’une commission citoyenne tirée au sort telle que
proposée par Ségolène Royal en 2007.
C’est
bien court, jeune homme, au vu des attentes que vous aviez soulevées !
La catastrophe de la laïcité
revancharde
Autre sujet de discorde (il fallait bien qu’il vînt tôt
ou tard) : la laïcité. Dans une interview tonitruante à Marianne, Macron a commencé à s’aventurer sur des terres
glissantes où sa légitimité est moins spontanée. Voici un résumé des formules
qui fâchent, qu’il a pu utiliser :
Même chose sur le voile à l’université. Je suis
contre l’interdiction. (…) Au titre d’une laïcité revancharde, on en vient
à sortir des citoyens des lieux de la République et à les confiner à l’écart,
sans enrayer la montée du fondamentalisme, ni conforter la laïcité. (…)
La laïcité n’a pas vocation à promouvoir une religion
républicaine. La République est ce lieu magique et unique qui permet à des gens
de vivre dans l’intensité de leur religion. C’est pour ça que je dénonce les
considérations qui demandent à des citoyens d’être «discrets», parce que les
précédents historiques où l’on a demandé la discrétion en matière de religion
ne sont pas à l’honneur de la République. Et qu’on demande à des gens d’être
des musulmans modérés ! Demanderait-on à des catholiques d’être modérés ? Non !
Macron
est donc entré dans le vif des débats, et a commencé à décevoir non seulement
par la timidité de ses propositions, mais par leur conformisme bobo. Alors
qu’il touche largement à un électorat orléaniste de gauche, attaché à la
modération religieuse, sa sortie sur la « laïcité
revancharde » et sur l’intensité religieuse risque de lui coûter
cher (surtout auprès des catholiques appelés depuis des décennies à la
modération).
L’orléanisme français à bout de
souffle ?
La plausible faillite de l’opération médiatique Macron
risque de soulever quand même quelques questions de fond sur la capacité de l’orléanisme
français à se réinventer. Consumé comme un
fétu de paille, Macron ne laissera derrière lui qu’Alain Juppé, qui n’incarne pas la modernité à proprement parler, et
apparaît même comme un spectre venu d’un autre siècle.
Cela
signifie-t-il qu’à un tournant du régime frappé par une profonde crise
nobiliaire, l’aristocratie française n’a plus les forces internes pour se
renouveler et pour affronter l’avenir ? Probablement, oui.
Source contrepoints.org
Photo Emmanuel Macron By: OFFICIAL LEWEB PHOTOS – CC
BY 2.0
Par Éric Verhaeghe
Éric Verhaeghe est président de Triapalio. Ancien
élève de l'ENA, il est diplômé en philosophie et en histoire. Écrivain, il est
l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Il anime
le site "Jusqu'ici tout va bien" http://www.eric-verhaeghe.fr/
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