Rendre les universités vraiment autonomes
- De quoi s’agit-il au juste ?
Cécile Philippe : Il s’agit de donner vraiment à tous les établissements
universitaires la possibilité de fixer eux-mêmes leur mode d’organisation.
S’ils peuvent aujourd’hui gérer leur patrimoine, déterminer les formations
qu’ils proposent et contrôlent en partie les modalités de recrutement de leurs
enseignants, ils devraient aussi pouvoir sélectionner leurs étudiants et
adapter leurs tarifs. Pour employer un terme juridique, l’idée est de leur
donner la compétence de leur compétence.
- Mais n’était-ce pas le but de la réforme des universités sous Nicolas Sarkozy que de redonner de l’autonomie aux universités ?
Cécile Philippe : Oui, c’était le but, mais il n’y a pas eu de réelle évolution
sur la possibilité de sélectionner les étudiants et de moduler les droits
d’inscription. Dans ces conditions, les universités n’ont toujours pas les
moyens de leur autonomie et restent tributaires d’un financement exclusivement
public, ce qui renforce leur penchant naturel au corporatisme et à
l’immobilisme.
- Le but est de rendre les universités plus efficaces ?
Cécile Philippe : Plus de 20 milliards sont dépensés chaque année pour les
universités mais les résultats ne sont pas au rendez-vous : plus d’un
étudiant sur deux quitte la première année de licence sur un échec. 90 000
étudiants désertent ainsi chaque année l’université avec « Bac +
rien ». À ce gâchis s’ajoute celui du redoublement à la fac – 200 000
étudiants par an – chiffré à 1 milliard d’euros.
- Alors que faut-il faire ?
Cécile Philippe : Il faut accepter de resserrer les liens entre les institutions
et leurs clients et consacrer ainsi une réelle indépendance. Pour cela, il faut
être capable d’affronter deux tabous en France et réintroduire deux idées, à
savoir un lien financier direct entre l’établissement et les étudiants et la
concurrence entre les établissements.
- Réintroduire ? Mais cela a-t-il jamais existé en France ?
Cécile Philippe : Vous ne croyez pas si bien dire. Notre modèle républicain n’a
pas su s’émanciper du modèle Napoléonien si bien qu’il y a une parfaite
continuité entre le verrouillage de l’université impériale et celle de
l’université républicaine. L’une comme l’autre sont construites autour d’un
modèle centralisé qui ne laisse que très peu de place à la diversité.
De tels
liens existaient pourtant déjà au Moyen-Âge, où les étudiants bénéficiaient
d’une scolarité gratuite mais assumaient des « droits d’examens »
élevés. Il faut les réintroduire car c’est le seul moyen de mettre les
institutions d’enseignement au service de leurs clients.
- Et la concurrence, comment la créer dans un système aussi centralisé justement ?
Cécile Philippe : Une possibilité concrète serait – comme dans le modèle anglais –
de créer des établissements autonomes, maîtres de leur gestion, de leurs
investissements, de leurs effectifs, financés sur fonds publics avec cependant
la possibilité de quitter le régime général du service public sur demande des
parents ou des enseignements. L’enjeu est de modifier radicalement les
incitations des gestionnaires des universités pour en faire des managers,
soucieux à la fois de leur gestion et de leurs étudiants.
Source Institut économique Molinari
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