Logements neufs : plus chers à cause des
normes pour handicapés ?
Les normes pour handicapés sont un
bouc émissaire facile contre le logement neuf trop cher.
Le logement est un
sujet politique majeur et, comme tout sujet
politique, il revient au cœur des débats au fur et à mesure que nous approchons
de l’élection présidentielle de 2017.
Le débat politique sur le logement reste encore
relativement atone
Pourtant,
les discussions restent encore générales et une certaine gêne est perceptible
lorsqu’il s’agit d’entrer dans le cœur du débat et dans ses aspects techniques.
Ce qui est normal parce que l’élection présidentielle approche, mais aussi
certainement par manque d’un angle d’attaque d’un côté, ou d’un point de
défense pertinent de l’autre.
Les partis de gauche ont du mal à défendre leur bilan,
les chiffres et la baisse notable du nombre de logements mis en chantier
plaidant contre eux. Les partis de droite semblent eux peu enclins à critiquer
trop ouvertement des mesures prises par la gauche et très favorables aux
locataires comme le plafonnement des loyers
et des honoraires d’agences.
Une part importante du débat consacré aux normes dites
pour handicapés
Et
pourtant, il faut bien qu’il y ait un débat. C’est ainsi qu’un thème revient
avec régularité, celui des normes dites handicapés dans la construction.
Lors des
débats pour les primaires des Républicains, plusieurs candidats, interrogés sur
leur politique de logement, ont avancé parmi leurs principales propositions la
remise en cause des normes dites handicapés dans les logements neufs.
De quoi parle-t-on ?
Ces
normes consistent à rendre tous les logements neufs accessibles aux personnes à
mobilité réduite.
Concrètement,
cela passe par des accès adaptés avec des rampes et des ascenseurs, des
circulations intérieures larges au niveau des couloirs et des portes et,
également, des sanitaires et des salles de bains adaptés.
Pourquoi tant de haine ?
Si les
normes dites handicapés dans les constructions neuves font l’objet d’une telle
controverse c’est parce que, dit-on, elles en renchérissent le coût.
En
effet, pour construire le même logement, il faut ajouter des mètres carrés
supplémentaires notamment sur les couloirs et les salles de bains. Comme la
surface est une denrée rare dans nos contrées, cela en renchérit fortement le
coût et conduit à des appartements où, pour compenser, certains promoteurs
rognent sur la superficie des autres pièces et en viennent à vendre des
appartements où les salons et pièces à vivre sont plus petits que les salles de
bains.
Un raisonnement d’apparence très logique
Les
normes dites handicapés surenchérissent le coût du logement et s’appliquent à
100% des logements neufs. Or, de prime abord, elles ne sont indispensables que
pour les handicapés, soit une minorité de la population.
Il peut
donc sembler logique, simple et facile à mettre en œuvre de les supprimer ne
serait-ce que partiellement en les rendant obligatoires pour seulement 10% ou
20% des logements neufs.
Du bon usage des mots
Le
premier frein à ce raisonnement d’apparence somme toute logique est que ces
normes ne sont pas des normes pour les handicapés mais des normes pour les
personnes à mobilité réduite.
La
différence ? Environ 25% de la population. Les personnes à mobilité
réduite incluent en effet les personnes en surpoids (15% de la population
française environ) et les seniors (9% pour les plus de 75 ans).
Du bon usage des statistiques
L’argument
massue utilisé par les détracteurs de ces normes est de dire qu’elles
s’appliquent à 100% des logements neufs alors que ceux qui en ont vraiment
besoin, même en incluant les seniors et les personnes en surpoids, ne
représentent pas plus de 20 ou 30% de la population, la quote-part exacte
dépendant du périmètre final retenu.
Ce
raisonnement oublie une réalité pourtant structurante. Le logement neuf ne
représente en France que quelques pour cents du parc global composé de plus de
34 millions de logements la plupart anciens, voire très anciens, et souvent à
des années-lumière d’être adaptés aux personnes à mobilité réduite.
Ainsi,
en se rappelant qu’avec environ 300 000 logements construits chaque année (297
000 en 2014), le neuf ne représente qu’à peine 1% du parc total, on constate
bien qu’il faudrait près de 30 ans de construction neuve totalement adaptée aux
personnes à mobilité réduite pour que ne serait -ce que 30% du parc total
répondent à ces normes, et que ces personnes disposent enfin de logements
adaptés.
Des normes qui cachent un vrai enjeu de société
S’il est
sain de faire preuve d’une certaine prudence vis-à-vis des normes, il est aussi
parfois utile et de bon sens d’y faire appel. Dans le cas présent, l’enjeu est
de permettre à une part croissante de la population de vivre dans un logement
adapté.
Au delà
de l’enjeu social et, d’une certaine manière, éthique, se cachent également des
enjeux économiques de premier plan. Des logements adaptés dans toute la France
aident à la mobilité des personnes, notamment au plan professionnel. Des
logements adaptés aux personnes âgées permettent de retarder leur départ vers
des établissements de type résidence seniors ou EHPAD et ainsi de retarder le
coût de leur prise en charge par la collectivité.
Des
logements répondant à des normes de circulation plus fluides contribuent enfin
à l’amélioration qualitative des appartements et peuvent s’avérer très utiles
aux personnes aujourd’hui complètement mobiles mais dont la situation peut
évoluer en cas d’accident.
Une des causes du logement cher… parmi tant d’autres
Si le
débat sur les normes pour les personnes à mobilité réduite prend cette ampleur
c’est aussi, et il faut le reconnaître, parce qu’existe un véritable enjeu du
logement cher en France.
Pourtant,
réduire le débat du logement cher à la seule raison des normes pour personnes à
mobilité réduite est un raccourci trop rapide pour être vrai.
Construire
un mètre carré de logement coûte, en fonction des choix de construction, entre
2000 et 3000 euros. Lorsque des logements neufs sont vendus plus de 5 000 euros
en région parisienne et plus de 10 000 euros à Paris, on constate bien que ce
n’est pas le coût de construction qui est à incriminer, mais avant tout le coût
et la disponibilité du foncier.
Au delà
du foncier, il faut aussi prendre en compte la multitude de taxes qui touchent
la construction et qui renchérissent fortement le coût de revient d’un immeuble
dont, en premier lieu, la TVA (20% du coût total), les taxes d’urbanisme et
d’aménagement ou encore les droits d’enregistrement et les frais de mutation,
même s’ils sont réduits dans le cas du neuf.
Jean-Louis Zimmermann(CC BY 2.0)
Source contrepoints.org
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