dimanche 12 octobre 2014

Billets-Trop tard pour la France ? Cécile Philippe


Trop tard pour la France ? Cécile Philippe

Nous vivons une époque passionnante, avec une remise en cause profonde de toute une série de croyances et de certitudes.

Alors que la crise s’est installée de façon durable, nombre d’économistes avouent leur perplexité devant une situation qu’ils ont du mal à expliquer et des remèdes qui s’avèrent inefficaces. Olivier Blanchard, économiste en chef du FMI, constate par exemple que la macroéconomie est cassée et propose de la rebâtir.

Ce constat vient de ce que les outils habituellement utilisés pour sortir un pays de la crise ne fonctionnent plus. Les politiques budgétaires ou monétaires se révèlent, les unes comme les autres, impuissantes à endiguer le marasme actuel.

La magie des politiques de relance contra-cycliques ne fait plus recette. Cette méthode, pratiquée en France dès les années 1880, avant d’être popularisée avec brio au XXe siècle par les économistes keynésiens, apparaît aujourd’hui impraticable. En dépit des appels de Paul Krugman, les plans de relance ont été jusqu’à présent mesurés, et il est peu probable que cela change. Les pouvoirs publics, confrontés à un endettement massif, ont en effet peu de moyens mobilisables.

De même, nous avons aussi vécu depuis les années 1970 avec la croyance qu’on pouvait réguler la quantité de monnaie de façon indépendante et éviter ainsi les crises. Or si les indicateurs actuels n’attestent pas un retour à l’inflation, l’idée que la politique monétaire est capable de relancer la croissance est elle aussi battue en brèche. Pire, le rôle des banques centrales dans la genèse des crises financières est dans la ligne de mire.

Enfin, l’idée que la crise financière avait débuté dans un secteur financier mal régulé est elle aussi mise à mal. Il apparaît de plus en plus clairement à tous que la finance est, depuis des décennies, un secteur hautement régulé et que cela n’évite nullement les crises.

Ces débats économiques n’empêchent pas les pouvoirs publics de remettre au goût du jour des idées anciennes. De la politique industrielle au patriotisme économique en passant par la remise en avant de la suprématie de l’État, ces propositions ne fournissent rien de nouveau et n’ont surtout pas fait leurs preuves dans le passé.

Ce livre vise à apporter un décodage alternatif et rappelle qu’il n’y a pas lieu de rejeter l’économie. Tout au contraire, nombre de penseurs de premier plan, trop souvent méconnus du grand public, à commencer par Friedrich A. Hayek, Prix Nobel 1974, proposent des explications particulièrement pertinentes du cycle économique. Celles-ci sont très utiles pour comprendre notre monde chaotique.

Ce livre est aussi le résultat d’une démarche personnelle. La crise financière et économique de 2007-2008 m’a incitée à concrétiser une promesse que je m’étais faite au lendemain de ma soutenance de thèse et à me lancer à la découverte de la monnaie, des bulles, des banques, de l’endettement, etc.

L’objectif était double. Réussir à expliquer ce qui se passait et – dans la lignée de la mission de l’Institut économique Molinari – restituer cette compréhension des choses en langage accessible pour des lecteurs cherchant, eux aussi, à comprendre la résurgence des crises et souhaitant des réponses à la morosité ambiante.

Ce livre conduit à s’interroger sur le rôle de l’État dans l’économie, en France notamment où ce rôle est à la fois plébiscité et omniprésent. En effet, le XXe et le début du XXIe siècle y révèlent une croissance ininterrompue de la sphère publique. Les Français ne semblent pas en prendre la mesure, mais c’est bel et bien la réalité dans laquelle ils vivent depuis les années 1980. C’est dans ces années que le poids des dépenses publiques dépasse la barre symbolique des 50 %. Or, on constate que cette augmentation de la taille de l’État correspond à un ralentissement de la croissance économique et on peut finalement se demander s’il n’y a pas de bonnes explications à cela (chapitre 1).

De même, la vie économique est régulièrement troublée par des crises financières. Leur récurrence donne l’impression qu’elles sont inhérentes au fonctionnement de nos sociétés, et certains vont même jusqu’à dire que c’est un mal nécessaire dont il faudrait s’accommoder. À l’opposé de cette vision des choses, on peut se demander si, au contraire, cela n’est pas aussi le fait d’une intervention de plus en plus importante des autorités publiques en matière monétaire (chapitre 2). D’ailleurs, la crise des subprimes aux États-Unis offre un cas d’étude assez intéressant en la matière (chapitre 3).

Pour bien comprendre ce qui se passe, il est utile de s’interroger sur une institution fondatrice de nos économies et de notre prospérité : la monnaie. Car il y a bel et bien un paradoxe à expliquer au sujet de la monnaie, à savoir qu’elle est nécessaire au développement économique mais qu’elle peut aussi – si elle est créée en excès – engendrer des crises profondes qui bouleversent nos sociétés (chapitre 4).

La plupart des États européens ont réagi à la crise financière en augmentant les dépenses. Puis, suite aux dérapages constatés, ils cherchent à ramener leurs déficits publics dans les limites autorisées par le traité de Maastricht. Il en a résulté la mise en place de politiques drastiques d’ajustement, ayant permis de ramener le déficit moyen de l’UE de 6,9 % du PIB en moyenne, en 2009, à 4 % en 2012.

Cependant, ces politiques, dites d’« austérité », continuent d’être décriées aussi bien par des chefs de gouvernement, des ministres des Finances, des dirigeants de l’Union européenne que par le FMI lui-même. La question mérite de s’y attarder afin de comprendre de quelle austérité on parle et dans quelles conditions cela peut déboucher sur une reprise économique durable (chapitre 5).

La question de l’austérité est en fait intrinsèquement liée à la question de la capacité des États à engager des réformes structurelles. Aucun gouvernement français n’a encore osé prendre le projet à bras-le-corps – même si le virage de François Hollande en 2014 laisse penser que les choses évoluent. Les marges de progrès sont très importantes.

En effet, la France a instauré une gestion publique de divers risques comme la santé, la retraite ou le chômage. Ces domaines, particulièrement importants, souffrent de nombreux handicaps. Non seulement ils coûtent très chers, mais les impôts et charges ne suffisent plus à les financer et conduisent les pouvoirs publics à s’endetter pour servir les prestations promises (chapitres 6 et 7).

Autre caractéristique du système français : les risques sociaux sont surtout financés par les fruits du travail sur un marché extrêmement réglementé. En panne depuis plus de 30 ans, ce marché rend le financement de la protection sociale épineux (chapitre 8).

Quand on ajoute à cela que la France s’est aussi distinguée en introduisant un outil de gestion publique des risques technologiques sous la forme du principe de précaution, on comprend bien que la question est en effet de se demander si l’État n’en fait pas beaucoup trop (chapitre 9) et d’insister sur l’idée qu’il n’est pas trop tard pour le remettre à sa place.

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